Après « Le pays des autres » qui nous avait conduits de 1946 à 1956, d’un Maroc colonial à un pays indépendant, ce 2e volet, « Regardez-nous danser » situe les événements d’avril 1968 à août 1972 et décrit un Maroc divisé et plein de contradictions entre un désir de plus en plus vif d’émancipation chez les jeunes et le régime très autoritaire d’Hassan II. En effet, les tensions sont vives, et l’écart entre les riches et les pauvres de plus en plus marqué. On sent que le Maroc de ces « années de plomb » peine à trouver sa voie après la période de protectorat : le pouvoir réprime violemment les manifestations étudiantes, le roi subit deux attentats fomentés par l’armée dont il réchappe miraculeusement et l’État va jusqu’à retransmettre à la télé les terribles exécutions de militaires.
Cependant, l’on sent que Mai 68 est passé par là : Barthes enseigne à Rabat et les hippies s’installent à Essaouira : la jeunesse rêve d’émancipation et se passionne pour l’Amérique.
Mais les mœurs évoluent bien lentement : les femmes sont toujours victimes de préjugés, la sexualité demeure un tabou. Le patriarcat et les coutumes ancestrales les empêchent d’être libres.
Quant aux Belhaj, à force de travail, ils sont devenus de très riches propriétaires terriens : leur exploitation agricole s’est modernisée et elle se porte à merveille. A la demande de Mathilde, ils ont fait creuser une piscine, symbole un peu ostentatoire de leur réussite sociale. Leur fille Aïcha poursuit ses études de médecine en Alsace et leur fils Selim a toujours une scolarité un peu chaotique. Dans ce second tome, c’est vers cette jeunesse que la caméra se déplace...
Les Belhaj, devenus des notables, sont dorénavant parfaitement intégrés à la bourgeoisie locale constituée de riches Marocains et de Français qui cachent tout leur mépris pour ceux qu’ils continuent entre eux à nommer « les bicots ». Amine s’inquiète malgré tout pour l’avenir de son entreprise à laquelle il s’est dévoué et craint des révoltes paysannes qui risqueraient bien de teinter de rouge l’eau turquoise de sa nouvelle piscine…
Si l’on retrouve avec plaisir les personnages du « pays des autres », il m’a semblé que ce second volet manquait un peu de relief, de « grandes scènes » qui frappent l’imagination et pour lesquelles l’autrice est particulièrement douée.
Leïla Slimani parvient cependant à dresser des portraits très nuancés des personnages qui se trouvent décrits dans toutes leurs contradictions.
L’ensemble demanderait quand même à être un peu « relevé » soit par davantage d’action (c’est pourtant pas vraiment mon genre de réclamer de l’action!) ou de relief dans l’écriture. Bref, j’ai ressenti parfois un certain ennui à la lecture, qui reste très agréable mais qui manque un peu de peps.