lundi 16 septembre 2024

Alors c'est bien de Clémentine Mélois

Éditions l'arbalète Gallimard
★★★★★

 J’adore Clémentine Mélois. J’avais beaucoup aimé ses « Cent livres », parodies assez géniales de couvertures des grands chefs-d’oeuvre littéraires. Ses « Six fonctions du langage » m’avaient fait hurler de rire, quant à ses listes de « Sinon j’oublie » : elles m’ont transformée en fan absolue. Qu’est-ce qu’elle me fait rire avec toutes ses inventions, ses détournements, sa fantaisie, sa façon de voir le monde et de s’en moquer joyeusement. Parce qu’il vaut mieux rire, toujours, tout est tellement triste parfois. Ah, c’est vraiment une fille que j’aurais aimé avoir comme copine !

Elle nous parle ici de la mort de son père… Eh bien figurez-vous que l’on rit presque à chaque page (même si on pleure un peu aussi…) et l’on découvre toute la famille. J’adore la famille Mélois à la folie. Je demande le père, un sculpteur drôle, tellement drôle, poète aussi, inventeur, chanteur, philosophe… grand amoureux de sa femme et un papa fou de ses filles Mathilde, Barbara et Clémentine… La mère est prof de français, le plus beau métier du monde, mais elle sait tout faire, elle aussi ! Puis, il y a des bêtes aussi chez les Mélois. Et des amis qui passent.

Bernard travaille à ses sculptures (tellement incroyables) en sifflotant « Petite fleur». Il meule des heures entières, perdu derrière un feu d’artifice d’étincelles. Il en a usé des meuleuses Eco+ à 19 euros 90 ! Entrer dans son atelier, c’est magique… (je suis allée voir sur Internet)… C’est la caverne d’Ali Baba. Les Mélois sont des glaneurs. Ils ramassent ici et là tout ce qui peut servir ! Et comme tout peut servir, ils en ramassent des choses ! Une forge par exemple. Pour quand ils auront besoin de forger quelque chose…

Et puis, dans cet atelier, on peut tomber sur un Monet, un Miró, un Klein, certes signé d’une écriture qui ressemble étrangement à celle de Bernard, mais on s’en fiche ! Il y a même un Camille Corot dédicacé à Bernard : « À Mélois dont je pressens la grande œuvre. » Le rire est partout chez les Mélois même sur la tondeuse automatique sur laquelle ils ont scotché le buste du pape… Jolie la papamobile !!!

Donc dans ce livre, il s’agit de la mort du père, disais-je, mais c’est tellement la vie dans cette famille que la mort du père c’est toujours la vie, l’amour, la tendresse, le rire, l’imagination. Ils veulent lui rendre un hommage de folie, à la hauteur de ce qu’il a toujours été, un être exceptionnel. Ils bossent comme des fous pour que tout soit beau, avec des lumières, de la jolie peinture bleue sur le cercueil, des poèmes, de la musique. Un véritable show !

Bernard a choisi son cimetière, un cimetière marin à Saint-Quentin-sur-Allan dans l’Aisne, au beau milieu d’un champ de blé et de forêts. Il a installé un carillon sur le muret qui monte au cimetière, une rampe musicale faite de tubes en alu (on a toujours plein d’inventions chez les Mélois) et l’on salue les morts ou on les prévient que l’on arrive.

Tiens, d’ailleurs, ça serait une bonne idée de se faire enterrer avec des choses qu’on aime… des galettes bretonnes par exemple !

Ce texte de Clémentine Mélois est un magnifique hommage à son père. Bien sûr, il est question de la mort mais l’on sourit à chaque page tellement cette famille est attachante. Et puis, comme l’écrit l’autrice : « Ceux qu’on aime souffrent et meurent, et on se surprend à rire encore. Le chocolat est délicieux. Le champ de lin n’a rien perdu de sa beauté, la clématite sauvage croule sous les fleurs. Ça sent le maquis corse et la lande bretonne, les ronces larges comme des tuyaux d’arrosage promettent des mûres aussi grosses que des noix, on se dit qu’on pourra en faire des tonnes de confiture. Malgré tout. »

Un bonheur absolu de lecture !




 

jeudi 5 septembre 2024

Jour de ressac de Maylis de Kerangal

Éditions Verticales
★★★☆☆

 Ah, l’écriture de Maylis de Kérangal, ces phrases qui s’enroulent sur elles-mêmes, se tordent, se déploient … Et ces mots pleins de minéralité, de matière, de substance. Du brut, de l’organique, du primitif. Lire un texte de Maylis de Kérangal, c’est vivre une espèce de corps à corps sensuel avec le monde. Tu te prends de la poussière, du vent, du béton. Bonne idée, Le Havre, pour ça ! (Tiens, un jour il faudra que je vous raconte ma visite du Havre sous la pluie avec ma fille… hein, tu t’en souviens Pauline comme tu m’avais bousillé ma journée, mon appartement Perret, moi qui rentrais dans tous les halls d’immeubles pour en admirer les boîtes aux lettres…) Elle sait rendre les lieux, Maylis, les dire, en extraire la substantifique moelle. Elle est douée aussi, pour vous balancer dans un monde inconnu : celui des transplantations cardiaques, des décors en trompe-l’oeil, des fabrications de ponts. Tu n’y connais absolument rien et tout d’un coup, ça devient ta plus grande passion. T’as juste envie de prendre tes pinceaux ou de t’inscrire au conservatoire d’art dramatique pour apprendre les techniques du doublage... Et elle t’offre tous les mots qui vont avec et qu’elle est allée chercher un par un, du plus simple au plus tordu... et tout cela nous régale et on en redemande ! Je raffole de tout ça, de tous les trucs estampillés « Kérangal », toujours les mêmes, dans chaque livre, toujours aussi délicieux...

Pourtant là, j’ai mis du temps à comprendre ce qui ne passait pas. Il y avait un truc qui coinçait et qui faisait que non, cette fois-ci, ça ne prenait pas vraiment. Je lisais le texte « de loin » sans vraiment rentrer dedans. Il m’a fallu deux lectures pour comprendre. En fait, j’ai eu l’impression de lire une espèce de patchwork mal cousu, des textes conçus séparément et mal lissés, mal ficelés. Des morceaux disparates, un peu trop dans l’air du temps et dont à vrai dire je n’ai pas toujours bien vu l’intérêt ... Et pire que ça, j’ai senti parfois que l’on frôlait le cliché… Horreur… Ah, le départ dans la nuit de la narratrice et de son mari roulant en vélo électrique sur la piste cyclable le long du canal de la Villette… Je ne suis pas foncièrement allergique aux vélos électriques (en tout cas, nettement moins qu’aux trottinettes) mais franchement cette fin un peu bobo-parisien-les-cheveux-dans-le-vent…

« Jour de ressac » ne m’a pas séduite. J’ai trouvé ce texte convenu et pas très original dans le fond.

Elle tenait pourtant l’incroyable thème du doublage. Ahhhh, elle l’avait son truc ! Il aurait fallu sans aucun doute creuser de ce côté là.

Le Havre ok, le vent, la mer, le passé, la guerre, l’amoureux oui oui…

Mais le doublage quand même ç’aurait été tellement mieux !