mardi 28 janvier 2025

Cinéma: La substance de Coralie Fargeat

★☆☆☆☆

 Ça y est, on tient le navet du siècle ! Et c’est du lourd ! Un vrai foutage de gueule ! Complètement grotesque, ridicule, creux, vide, sans aucun intérêt, vulgaire, une espèce de film d’horreur de seconde zone... THE DAUBE ABSOLUE ! Pourquoi suis-je allée voir une bouffonnerie aussi débile que ce truc qui finit par faire marrer la salle tellement c’est absurde ? Et pourtant, je ne peux pas nier le fait que les prises de vues, la photo, les décors, les maquillages sont d’un excellent niveau, de même que le scénario, mais pourquoi avoir sombré à ce point dans l’outrance au risque de foutre en l’air le film ? Trop de moyens ? C’est fort possible. En fait, ils n’ont pas su s’arrêter à temps. Même le scénario - pas follement original mais disons que ça passe - finit par faire un gros flop ! En tout cas, on regarde toute cette mascarade de très loin sans jamais avoir la moindre émotion ni empathie pour les personnages qui finissent par être complètement ridicules eux aussi. Je suis rarement sortie aussi accablée après une séance de cinéma. Pas du tout mon truc ces guignoleries… Consternant.

En plus, c’est censé, paraît-il, être un film féministe ! Mais il ne l’est en rien, bien au contraire ! Car les images que ce film propose louent continuellement la beauté de la jeunesse tandis que la vieillesse apparaît comme monstrueuse. Ah, c’était du second degré ??!! Oui mais 2h30 de culs de jeunes femmes filmés plans serrés font oublier à bon nombre de spectateurs le second degré ma bonne dame !!! Rien n’est maîtrisé dans ce film, même pas le propos, c’est dire !

Deuxième long métrage de Coralie Fargeat


 

lundi 27 janvier 2025

Cinéma: My Sunshine de Hiroshi Okuyama

★★★★☆

 Sur l’île japonaise d’Hokkaidō sous la neige (rien que pour ça, il faut voir le film!), un jeune professeur de patinage artistique, Arakawa (Sōsuke Ikematsu), donne des cours particuliers à des adolescents. Il les regarde évoluer sur la glace, lance un conseil à l’un, encourage un autre. Les traits de son visage ne laissent transparaître aucun sentiment. Tout est en retenue, en silence. Les paroles sont rares. Les jeunes patinent inlassablement tandis que les rayons du soleil traversent doucement les vitres de la patinoire. Des reflets scintillants donnent soudain beaucoup de magie au lieu et les lumières soulignent la beauté des corps en mouvement.

Une jeune adolescente,Takuya, évolue avec beaucoup de grâce et attire les regards de tous et notamment ceux de Sakura, un gamin cloué d’admiration devant les figures tout en fluidité et en souplesse de cette fille vraiment très douée. Lui, il fait du hockey, dans les buts parce qu’il est nul. Alors il décide de se lancer dans le patinage… tant bien que mal… Pour la beauté du geste, pour séduire Takuya ? On ne sait pas vraiment. Or, un jour, l’entraîneur, touché par ce jeune garçon solitaire et maladroit, a une idée géniale…

« My Sunshine » est un film très simple, sensible, poétique et dont les images pastel un peu floues créent beaucoup de douceur. Chacun s’observe, se devine, essaie de se comprendre. Les personnages parlent peu. Un certain mystère les entoure. Il nous faut un peu de patience pour comprendre qui ils sont et quel est leur parcours de vie. Tout est en retenue, en silence. On sent beaucoup d’émotion dans les jeux de regards, dans les gestes, les attitudes. Chacun devra trouver sa place, se faire accepter, dans un groupe, dans une société et celui qui aura le plus de mal n’est peut-être pas celui qu’on croit.

« My Sunshine » est le second film d’Hiroshi Okuyama, 28 ans. Une belle réussite.


 

dimanche 26 janvier 2025

L'hospitalité au démon de Constantin Alexandrakis

Éditions Verticales
★★★★★

 Quel texte ! Immédiatement, la question que je me pose est : quel degré de souffrance, d’impuissance et de solitude faut-il atteindre pour écrire un récit comme celui-ci ? L’auteur, Constantin Alexandrakis, a subi lorsqu’il était jeune « de menues atteintes sexuelles, discontinues, quelque part entre 9 et 14 ans. » Maintenant qu’il est père, son angoisse, sa terreur absolue, son impensable est de reproduire la violence, d’avoir des gestes déplacés par rapport à son propre enfant. Il veut être sûr de ne jamais faire subir ce que lui a subi, ne jamais devenir démon à son tour. C’est un homme qui doute, s’interroge, lutte, débat avec sa conscience sans relâche pour calmer ses démons intérieurs qui l’empêchent de vivre : il consulte, demande de l’aide, entame une psychanalyse, se tourne vers une association. Dans une société sensibilisée à la question de la violence sexuelle, il devrait trouver une écoute bienveillante, un soutien. Alors, il parle, il dit son effroi, son désarroi, son dégoût, sa haine. Il est franc, honnête, se dévoile, ose dire la vérité. Il raconte son problème avec sa masculinité, lit les textes d’autres victimes, fouille, cherche des témoignages, essaie de comprendre comment la société a pu laisser faire ça. Il replonge dans un passé mythologique pour tenter de saisir l’origine du mal, puise inlassablement dans la littérature, le cinéma, la musique... Il essaie de dresser une cartographie du « Grand Continent des Violences Sexuelles. » Il découvre que la pédophilie est partout et qu’elle traverse les époques. Il analyse cette société des années 80 où les pédophiles ne se cachaient pas, une société qui aveuglément offrait l’hospitalité au démon. Depuis, il y a eu MeToo, les temps ont changé. Et pourtant… Est-ce qu’un homme peut exprimer ouvertement ses cauchemars, avouer ce qui lui pourrit la vie ? Est-ce que quelqu’un est susceptible de l’aider à vaincre la bête qui le ronge ?

Jamais je n’ai lu un texte aussi torturé, aussi habité. Chaque phrase se fait l’écho d’une peine absolue et terrible. Lire ce texte, c’est entrer dans un monde étrange nourri de mythologie nordique, une espèce de Danemark imaginaire et bien pourri, froid et bien glauque… La langue est extrêmement inventive, originale, drôle souvent. Elle claque, cogne, pulse. Elle est d’une vivacité, d’une énergie terrible et puissante. Les métaphores percutent, les niveaux de langue s’entrechoquent, les néologismes fusent. Même la typographie s’affole, les lettres s’épaississent, les caractères spéciaux se mélangent… Quelle incroyable créativité ! Un texte dur, terrible et fou qui bouscule et laisse K.O.







 

vendredi 17 janvier 2025

Le syndrome de l'Orangerie de Grégoire Bouillier

Éditions Flammarion
★★★☆☆

 Autant le préciser tout de suite, c’est la première fois que je lis un texte de Grégoire Bouillier et pour tout dire je comprends que l’on puisse adorer ou détester. J’ai eu quant à moi l’impression de passer un moment agréable avec un vieil ami un brin complaisant, un peu radoteur sur les bords, parfois lourdingue, au demeurant sympathique, attachant et souvent très drôle. J’étais contente de le retrouver tous les soirs et de lire ses analyses autour des Nymphéas de Monet et de son fameux syndrome de l’Orangerie, à savoir un grand sentiment de malaise lorsqu’il est allé contempler les Grands Panneaux… Enfin, quand je dis « ses » analyses, ce sont à vrai dire les trouvailles des autres qu’en excellent compilateur il a faites siennes (il ne s’en cache pas vraiment d’ailleurs) mais ce n’est pas grave, on ne lui en voudra pas. Et surtout, on n’aurait certainement pas lu avec autant de plaisir et d’humour les écrits des copains ! Bref, j’ai aimé me laisser embarquer dans les analyses percutantes dont il se fait l’écho. J’ai adoré ses digressions et ses parenthèses à gogo. En cela je crois qu’il bat, et de loin, notre Jaenada, assez doué dans ce domaine. Je pense qu’il va très vite me manquer et j’ai hâte de découvrir ses « Dossiers M » qui m’intriguent beaucoup.


 

samedi 11 janvier 2025

Cabane d'Abel Quentin

Éditions de l'Obervatoire
★★★★★

 En 1972, quatre jeunes scientifiques, spécialistes de mathématiques, économie et informatique, réunissent leurs compétences pour publier une étude intitulée « The Limits to Growth» (Les Limites à la Croissance) : les activités de l’homme sur la terre détruisent la planète. Voilà, c’est dit. Il faut donc renoncer non seulement à la croissance économique mais aussi démographique au risque d’un effondrement général vers 2050 c’est-à-dire demain.

Des choses qu’on sait et qu’on vit maintenant, chaque jour. Notre modèle de société actuel épuise les ressources de la terre, perturbe le climat, crée des inégalités. Il faut donc redéfinir un nouveau modèle économique, freiner la surconsommation et l’usage abusif des matières premières, sinon nous connaîtrons crises, famines et conflits.

Abel Quentin précise dans une note aux lecteurs que si le « rapport 21 » dont il parle dans « Cabane » s’inspire de celui de 1972, les personnages, eux, ont été inventés de toutes pièces. On se doute que l’auteur a dû s’intéresser de près à Donella et Dennis Meadows, William Behrens et Jørgen Randers pour créer le couple américain du roman : Mildred et Eugene Dundee, le Français Paul Quérillot et le Norvégien Johannes Gudsonn.

Nous découvrons la façon dont le rapport a été élaboré et les tensions qu’il a provoquées au sein du groupe des scientifiques. (Quand on pense que ça fait 53 ans qu’on dispose d’informations claires et nettes sur le sujet et que nous peinons à enrayer le phénomène, j’avoue que cela laisse pantois.) Bref...

Mais l’originalité du roman réside surtout dans le fait qu’il s’intéresse à la façon dont les quatre protagonistes ont réagi lorsqu’ils ont pris conscience du terrible constat que leur étude venait de mettre à jour. En effet : comment fait-on pour continuer à vivre normalement quand on a 25 ans et que l’on vient de découvrir que la planète ne va pas tenir le coup encore bien longtemps, et ce à une époque où la terre entière n’en a absolument rien à faire (pire que maintenant, c’est dire!) ? J’ai adoré les portraits de ces personnages que je trouve tragiques dans la mesure où ils sont détenteurs d’une horrible vérité et donc d’une trop lourde responsabilité pour eux.

Chacun d’eux réagira à sa manière...

« Cabane » est un roman passionnant, terrible, satirique, qu’on lit comme un roman policier et qui donne vraiment envie de réagir. On apprend plein de choses sur l’histoire de l’écologie et Abel Quentin est un génial vulgarisateur qui nous donne accès à des concepts scientifiques, philosophiques et écologiques essentiels. C’est ce type de livre qui donne envie de vivre autrement. Ça calme comme on dit !

Un vrai coup de coeur !