Les mijaurées, c’est Lucile et
Clara, deux très jeunes Parisiennes des beaux quartiers qui fréquentent un collège élitiste et qui passent des
vacances sur une île suédoise.
Oh là là, me direz-vous, quelle
accumulation de clichés, ça doit être un livre imbuvable.
Eh bien non, vraiment non, je l’ai lu d’une
traite, j’ai souri, pleuré, me suis attachée à ces deux filles drôles,
originales, à côté de la plaque, heureuses parfois, frappées par le malheur
assez souvent et qui avancent dans la vie, bras dessus, bras dessous, vivant
leur amitié de façon fusionnelle et vous entraînent avec elles, dans leur
sillage. Oui j’ai aimé vivre avec elles, partager leurs joies et leurs
inquiétudes. J’ai eu du mal à les quitter à la fin du livre et si Elsa Flageul
m’entend, je lui demanderais bien des nouvelles de mes deux copines car oui,
c’est ce qu’elles étaient devenues, des copines !
Alors, comme je le disais,
certes, elles habitent les beaux quartiers mais, petit bémol, dans des
appartements loi 48. Oui, elles fréquentent un collège prestigieux, près du
Panthéon, mais elles ne sont pas très bonnes élèves et ne se sentent pas
vraiment à leur place parmi ces « petits-bourgeois bien peignés et bien
mis ». Elles se rencontrent en quatrième et ce n’est pas le coup de foudre :
Clara évite soigneusement cette jeune fille « longiligne et gauche »,
un peu godiche, passionnée de GRS et de basket dont on dit « qu’elle ne se
lave pas… et qu’elle se nourrit de yaourts périmés ». Mais Lucile a élu
Clara, elle a tout de suite su qu’avec cette fille, ce serait à la vie, à la
mort : « Lucile a tout de suite compris que nous deviendrions
inséparables… non comme une prédiction hasardeuse, non comme une prémonition
obscure mais comme une décision, comme un choix, elle a décidé que je serais sa
meilleure amie… »
Puis Lucile invite Clara, chez elle, dans un vieil
appartement poussiéreux aux vitres opaques qui sent le tabac et les croquettes
pour chat et où le parquet craque. Rien à manger dans le frigo. Et Bob Dylan,
le chat obèse, qui évolue plus ou moins gracieusement dans tout ça. Des parents
séparés mais qui s’aiment encore. Une mère suédoise qui fume le cigarillo,
porte des sabots, ne regarde jamais la télé et ne cuisine que des pâtes. Bref,
pour une fois, Clara se sent bien chez une amie. Il faut dire que chez elle, on
ne court pas non plus après la norme : une mère divorcée, un copain
sans-papiers viêt-công, pas de poupées Barbie ni de séries américaines à la
télé (« ça rend débile »). La mère est prof et part l’été en Ardèche
avec ses trois gamins, un copain homo, une copine célibataire : « …rêvasserie,
camping sauvage, crasse entre les doigts de pied… » Voilà le
tableau ! Et ces deux filles ne vont plus se quitter : collège, lycée,
vacances en Suède chez Lucile, premières amours et premiers soucis aussi… Les
failles dans l’amitié…
Et l’Histoire comme toile de fond : le
sida, les attentats, le 11 septembre : « début de la sidération que
m’inspire le monde moderne » dira Clara.
C’est un peu le tableau d’une époque, des
années quatre-vingt dix, d’une génération que nous décrit l’auteur à travers le
parcours de ces deux amies. Derrière la légèreté apparente, on sent de la
gravité, de la souffrance : le monde est violent et il faut trouver sa
place et avancer malgré tous les doutes que l’on a sur l’avenir et les craintes
qui nous accompagnent au jour le jour.
Vraiment, un très beau texte, une
leçon de vie et de bonheur…
Longue vie aux mijaurées !
Un joli billet pour un beau roman que j'ai beaucoup aimé.
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