Éditions Stock
Thomas Texier est réveillé en
pleine nuit : sa femme Camille vient d’avoir un accident de voiture, elle
est dans le coma aux urgences de Bolbec et va être transférée au CHU de Rouen.
Juste le temps d’appeler Daba, la dame qui s’occupe des enfants quand il rentre
tard de son entreprise, il s’installe en voiture, pianote sur son GPS et c’est
parti…
Thomas qui avait vécu jusque là
bien sereinement : deux gamins adorables, un bon boulot, une belle maison,
des tas de projets… bref Thomas est comme déséquilibré, placé sur une pente en
roue libre, sans freins, sans casque, sans rien pour se protéger… Lui qui croit
tout maîtriser, les lieux (ah, le GPS !), les hommes (ingénieur, il vient
de trouver un système pour contrôler le temps de travail des salariés), les événements,
le voilà désormais ballotté, manipulé comme une marionnette bien naïve dont il
percevra petit à petit les fils.
Il roule, roule sans arrêt et ce paysage qui
défile autour de lui devient hautement symbolique. Souvent, il est perdu :
les lieux qu’il interroge ne lui répondent pas, ne lui donnent pas
d’explication : que faisait Camille à Saint-Eustache-la-Forêt ? Ce
n’était pas sa route pour rentrer à Paris. Avait-elle un amant ? Il va sur
les lieux de l’accident. Thomas a besoin de visualiser les choses pour
comprendre. « Vous êtes arrivé » répète le GPS. Il descend et regarde
cette ligne droite au milieu de nulle part. Il ne comprend pas. Non, il n’est
pas arrivé, il est à peine parti en réalité et la route ne sera pas toute
droite, loin de là !
Cet accident est pour Thomas un
point de départ, le début d’une quête qui va le conduire sur les chemins de son
enfance, sur les routes de son passé, dans un effort pour saisir ce qu’il n’a
pas vu jusque là, les choses à côté desquelles il est passé, comme un aveugle,
comme un homme totalement absorbé par sa réussite sociale et professionnelle,
persuadé d’être le meilleur, celui qui a réussi.
Soudain, il va faire ce qu’il n’a
pas fait jusque là : échanger avec ceux qui fréquentaient Camille, sa
femme, parler avec Jean son frère qui vit dans les Pyrénées et porte en lui un
lourd secret que Thomas n’a jamais soupçonné et enfin reprendre contact avec sa
sœur Pauline, médecin, partie au Cameroun pour aider les plus déshérités à
survivre et pour fuir, elle aussi.
Thomas parcourt de longues
distances, risquant à tout moment l’accident, comme Camille. Il traverse des
espaces et progresse dans sa recherche sur son passé comme s’il avait besoin
d’avancer physiquement pour comprendre, progresser dans son désir d’y voir plus
clair, même si c’est douloureux et très risqué. « La montagne est trop
verticale, dira Jean, il faut préférer l’océan. » Peut-être parce que l’on
y voit plus loin, rien ne fait écran, rien ne dissimule l’horizon.
Au commencement du septième jour est un livre sans repos,
sans halte, un livre dans lequel on ne reprend pas son souffle. On court, on
marche sans répit, on reprend sa course effrénée dans un rythme qui s’accélère,
qui s’affole. Le texte est saturé. Plus la place pour une virgule. Pas de blancs.
Même les rêves de Thomas sont sans respiration, saturés de signes, de sens. Une
forêt à déchiffrer et dans laquelle se perdre est un risque. Et il faut aller
vite parce que le temps presse maintenant…
Thomas comme chevalier errant à
la recherche d’un Graal et qui, tel Perceval, ne pose pas les bonnes questions
au bon moment, découvrant la vérité quand c’est trop tard. Il est celui qui n’a
rien vu, qui est passé à côté de tout, qui a traversé les gens comme il
traverse les paysages, sans les comprendre vraiment, la tête dans son GPS qui
lui indique où il doit tourner et quand il est arrivé. Thomas n’a rien vu.
Rien. Et là, on a comme l’impression qu’il fait le chemin inverse, il
retraverse les lieux en tentant de les comprendre, de les analyser. « Il
songe qu’un nouvel ordre mathématique étalonne sa vie, que les mesures sont à
reprendre, qu’il a vécu dans une obscurité insouciante … La clairvoyance. Qui
vient trop tard. »
Un texte superbe, l’histoire d’un
homme qui va tenter de rattraper le temps perdu, si c’est possible… pour enfin
trouver un peu de paix, peut-être celle de Dieu qui au septième jour peut se
reposer, enfin…
Une écriture incroyable notamment
dans sa capacité à traduire les émotions des personnages, leur souffrance, leur
peur, à travers les silences, les phrases inachevées ou des discours qui masquent l’essentiel.
Et enfin, lire ce livre, c’est
voyager, oui, vraiment, voyager : la topographie très précise crée un
effet de réel saisissant. La dernière partie qui a lieu en Afrique est
fascinante : vos sens en alerte, vous y êtes, aux côtés de Thomas, dans la
chaleur étouffante, le chaos des routes et la terreur omniprésente d’y rester,
de mourir, là, à chaque détour du chemin, dans la poussière et les cadavres des
bêtes crevées. C’est un « roman géographique », comme le livre que
Jean prêtera à Thomas, pour le mettre sur la piste…
Superbe ! Vraiment !
je pense le lire ( mais avant je dois faire descendre ma PAL)
RépondreSupprimerOui, oui, je connais le problème surtout en période de rentrée littéraire! Il est difficile de faire des choix! Moi aussi j'ai une PAL qui ne cesse de s'allonger!
RépondreSupprimerIl donne vraiment envie !Je le note. Merci pour cette belle critique.
RépondreSupprimeril me tente plutôt bien aussi!
RépondreSupprimerPour les 68, toutes les infos sont là :
https://insatiablecharlotte.wordpress.com/2016/03/31/les-68-premieres-fois-le-retour/
Les inscriptions sont closes pour cette fois, mais j'espère bien que cela continuera en 2017!
J'ai déjà lu un autre billet extrêmement enthousiaste sur ce livre... que je n'avais initialement pas très envie de lire. Mais je finis par revoir mon jugement !
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