samedi 11 mars 2017

Seules les bêtes de Colin Niel


  Rouergue noir

J’ai rarement lu un livre en m’interrogeant autant sur le rapport entre son contenu et… sa couverture !
Et pour cause : nous sommes dans un paysage montagneux et désolé de causses, du côté du Massif Central sans doute. Ici et là quelques fermes, certaines sont abandonnées, d’autres ne le sont pas encore mais on sent que c’est pour bientôt, quelques-unes sont transformées en résidences plus que secondaires.
Restent au pays quelques agriculteurs qui s’accrochent à leurs bêtes et à leurs terres. Leur travail est dur : s’occuper des bêtes signifie être disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pas de week-ends, pas de vacances… Et quand l’hiver est là, c’est encore pire.
Un agriculteur se suicide tous les deux jours en France : ça doit vouloir dire quelque chose non ?
Bien sûr, les paysages dans ces coins-là sont magnifiques mais il n’y a pas grand monde pour les admirer. Si, peut-être Alice, l’assistante sociale, chargée de rendre visite aux fermiers sur le point de décrocher et de se pendre à la poutre maîtresse de leur étable. Elle a bien remarqué que le gars Joseph Bonnefille, éleveur de deux cent quarante brebis, là-haut sur le causse, sans femme ni enfants, ne parlait plus qu’à ses bêtes, ne mettait plus un pied hors de sa ferme. Cette année, il n’a pas fané et ses bêtes divaguent. C’est mauvais signe. La mairie a prévenu Alice. Elle est allée lui rendre visite, pour causer un peu, l’aider dans ses papiers. Elle sait parler aux agriculteurs. Son père avait une ferme qu’elle a reprise avec Michel son mari. Elle a toujours baigné là-dedans. Elle n’a pas franchement eu le choix non plus. Quant à Michel, s’il prenait la femme, il prenait la ferme, à moins que ce ne soit l’inverse…
Or, depuis quelques jours, on parle d’une disparition dans le pays. Une femme. Évelyne Ducat. Volatilisée. L’épouse d’un homme d’affaires originaire de la région. Il est parti puis revenu. Mais il travaille encore à l’étranger. Alors, comme sa femme se plaît dans le coin, elle y reste pour respirer un peu. Ça la change de la ville. L’air pur, ça fait du bien. Alors, elle randonne, elle prend l’air. Le problème, c’est qu’on a retrouvé sa voiture mais pas elle.
Les gens du coin ont leur petite idée sur la question, ils savent qui est responsable de tout cela : la tourmente. « La tourmente, c’est le nom qu’on donne à ce vent d’hiver qui se déchaîne parfois sur les sommets. Un vent qui draine avec lui des bourrasques de neige violentes, qui façonne les congères derrière chaque bloc de roche, et qui, disait-on dans le temps, peut tuer plus sûrement qu’une mauvaise gangrène. »
Il y a déjà quelques années deux enseignantes avaient péri de froid à cause de cette tourmente. Alors, Évelyne Ducat, c’est certainement une victime de plus…
Comme j’ai aimé ce livre qui parle des gens, de ce qu’ils sont, de leur solitude, de leurs angoisses, de leur folie, de leurs rêves, de leur besoin d’amour pour vivre et être heureux ! « All you need is love » chantaient les Beatles… Et ils voyaient juste ! La tourmente est dans les cœurs et dans les âmes. On assiste à de belles tempêtes sous un crâne dans cette œuvre.
J’ai trouvé ce roman très juste, très réaliste : les personnages sont saisissants de vérité. On partage leurs émotions, leur solitude, leurs craintes. Ils sont touchants, terriblement humains.
Quant à la construction : waouh ! Alors là, franchement, BRAVO ! Tout est parfaitement ficelé jusqu’au bout ! Et on ne voit rien venir. On va de surprise en surprise. Difficile de poser le livre avant la fin tellement on est happé par l’intrigue.
Vraiment, chapeau ! Un vrai bon polar comme je les aime. Surtout ne passez pas à côté !
Et puis, au fait, il y a bien un lien entre le roman et sa couverture mais... chut...

A lire absolument !

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