Éditions Gallimard
traduit de l'anglais par M.O Fortier-Masek
✦✦✦✧✧ (J'ai aimé)
Je
vais, sans le vouloir, me livrer à une petite expérience
intéressante : en effet, habituellement, j'écris mes
chroniques tout de suite après ma lecture. J'essaie même, dans la
mesure du possible, de ne pas commencer un autre roman afin de
restituer au mieux l'atmosphère de celui que je viens d'achever. Or,
j'ai lu ce livre il y a un mois environ et en ai découvert bien
d'autres entre temps...
A
cela, s'ajoute un autre handicap : ce livre, je ne l'ai plus. On
me l'avait prêté, je l'ai donc rendu ! Ne vous attendez donc
pas à ce que je vous livre le nom des personnages et encore moins la
région d'Angleterre où se passe le récit…
Alors,
que me reste t-il de ce roman de Graham Swift : Le
dimanche des mères ?
Par
extraordinaire, je n'ai pas oublié le sujet, vous avez de la
chance !
Nous
sommes au début du XXe siècle et le dimanche des mères est la
journée de l'année où les domestiques obtiennent un congé pour se
rendre dans leur famille. Les maîtres en profitent, si le temps le
permet, pour se retrouver entre gens de même classe autour d'un
repas ou d'un pique-nique à la campagne.
La
narratrice, jeune domestique (dont j'ai oublié le nom), n'a pas de
famille. Elle imagine donc d'emprunter un livre puis d'enfourcher sa
bicyclette pour trouver un coin tranquille où se livrer à son
activité favorite : la lecture. La journée est magnifique,
c'est presque le printemps. L'air est doux et incite à la rêverie.
Mais, elle reçoit un coup de fil de son amant qui n'est autre que le
fils des voisins, des aristocrates partis passer la journée avec les
familles huppées de la région. Il lui propose de venir le rejoindre
chez lui, dans sa belle demeure. Il est seul, maîtres et domestiques
ont quitté les lieux. Lui est resté pour soi-disant travailler son
droit...
Et
ce sont des images qui me reviennent, celles d'une femme, la
narratrice, déambulant nue dans une vaste demeure bourgeoise,
pénétrant dans des pièces qu'elle ne connaît pas, touchant à des
objets étrangers, se laissant aller au plaisir d'être seule dans un
lieu interdit. Je vois ces scènes comme des clairs-obcurs. L'ombre
dense et la lumière vive de cette journée presque printanière
s'affrontent et matérialisent peut-être les conflits internes que
vit en secret l'amant de la narratrice. Ce dernier, après avoir fait
l'amour avec la jeune servante, est parti à contrecoeur rejoindre
celle que ses parents lui destinent comme épouse, la fille d'un
riche voisin, d'un aristocrate, comme lui. Il aurait visiblement
préféré rester étendu auprès de cette servante au corps si blanc
et si pur. Mais par respect des convenances, des lois qui régissent
les classes sociales, enfermant chaque individu dans sa caste, il a
fini par partir, la laissant seule dans la maison, l'invitant à
profiter de cet espace et lui indiquant à quel endroit elle devra
cacher la clé. N'ayant nulle part où aller ensuite, la narratrice
décidera de rentrer chez ses maîtres et traversera à vélo une
campagne baignée de lumière.
Ce
sont de très belles pages, sensuelles et douces, empreintes de
silences et de lumière mais on sent une certaine tension naître
progressivement, on devine que la beauté merveilleuse de ce moment
ne sera pas éternelle sinon dans l'esprit de la narratrice dont le
nom me revient soudain : Jane, je crois.
La
fin de ce roman m'a moins convaincue que ces première pages
lumineuses car elle m'a semblé bien peu vraisemblable… Je préfère
ne pas vous dire pourquoi afin de ne pas gâcher votre lecture…
Enfin,
et ce sera mon dernier point, je pense que c'est un roman qu'il vaut
mieux lire en VO lorsqu'on en a la possibilité, je trouve que le
texte français manque un peu de fluidité, accuse même parfois
quelques lourdeurs qui ont quelquefois gêné ma lecture. Peut-être
ce défaut est-il gommé en VO ?
Un
beau livre sur des amours impossibles à une époque où les classes
sociales s'élèvent comme des barrières entre les individus, chacun
se devant de rester à sa place, en dissimulant au mieux ses
sentiments, si c'est possible…
Moi j'ai beaucoup aimé ce roman, il est comme un tableau impressionniste ;)
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