Éditions Gallimard
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Voici
un livre qui m'a beaucoup plu et que je vous recommande vivement :
Le disparu de Jean-Pierre Le Dantec.
Le
roman s'ouvre sur une rencontre à bord d'un TGV : celle de deux
anciens camarades de pensionnat : François Contellec et
Pierre-Alain Jézéquel. S'ils se retrouvent avec plaisir, ils n'ont
pas oublié qu'ils ont été rivaux sur le plan sentimental et
surtout qu'ils ne partageaient pas les mêmes points de vue
politiques à une époque où les événements algériens créent des
tensions et des fractures dans la population française.
Au cours de
leur conversation, ils en viennent à évoquer un bon souvenir :
celui de leur professeur de français, Loïc Quéméner, un jeune
homme qu'ils adoraient et qui avait été capable de leur transmettre
sa passion de la littérature en leur proposant de jouer Le
Bourgeois gentilhomme. Hélas, Quéméner avait été appelé
sous les drapeaux et, la mort dans l'âme, avait dû abandonner sa
classe et ses élèves pour se rendre en Algérie.
Avant de partir,
il avait proposé à ses élèves de mettre en place une
correspondance, ainsi pourrait-il leur donner des nouvelles…
Je
ne vous en dis pas plus… mais sachez tout de même que vous allez
vous régaler à la lecture de ce roman… Tout d'abord, l'écriture
est délicieuse : ah, les lettres de Quéméner… quel style,
quelle élégance… les mots vous portent, vous éprouvez de façon
saisissante tout ce qu'a pu vivre ce jeune homme généreux,
sensible, humaniste, tout frais débarqué en Algérie, vous
partagez ses impressions, ses réserves, ses révoltes, vous
ressentez pleinement toute la misère qu'il découvre de la caserne
de Cherchell à la SAS (Section Administrative Spécialisée) de Aït
Hichem, la haine, l'esprit de vengeance et bien pire encore…
Rien
que pour ces lettres qui m'ont paru tellement vraies que je me suis
demandé si elles existaient vraiment, ce roman vaut d'être lu !
Elles nous proposent un autre point de vue sur l'Algérie et
dévoilent une réalité bien complexe s'il en est !
Mais
Le disparu est aussi un roman d'apprentissage : en
effet, nous rencontrons des adolescents dans leur pensionnat breton,
le lycée Auguste-Pavie de Guingamp dans les années 50, une grande
bâtisse mal chauffée, des règles strictes et des grappes de
garçons pleins d'enthousiasme, fous de sport, découvrant les
filles, la sexualité, le rock'n roll, le jazz, le cha-cha-cha et
commençant à s'interroger sur leur premier conflit contemporain.
C'est le passage à l'âge adulte, une espèce de basculement pas
toujours facile à vivre car tout est à construire. On sent toutes
les tensions que la situation algérienne provoque chez des
adolescents encore naïfs et largement influencés par leurs parents
ou par un frère parti là-bas, jeunes adultes dont la conscience
politique émerge petit à petit et qui apprennent à se construire
à travers les échos lointains de ce qui se passe en Algérie…
Douloureux et passionnant éveil politique…
C'est
vraiment toute une époque qui est évoquée ici, une période où
beaucoup s'interrogeaient sur cette guerre qu'ils osaient à peine
nommer… Difficile pour des adolescents d'affirmer leurs convictions
et leurs doutes...
Et
puis, lorsque les grandes vacances arrivent, les garçons s'égaillent dans la nature, une nature bretonne décrite merveilleusement par
Jean-Pierre Le Dantec : ce sont des tableaux qui prennent forme
sous nos yeux. Ajoncs et genêts agités par le gwalarn (vent de
noroît), mer en furie aux teintes gris cendre, délicieuses
baignades sous le soleil, pêche à pied dans les crevasses
rocheuses…
Un
livre fait de contrastes saisissants : tandis que les uns
profitent de leur jeunesse et du bonheur de vivre, d'autres,
ailleurs, perdus dans un conflit qui les dépasse, combattent et
meurent.
Au
risque de me répéter, ce roman m'a procuré un vif plaisir de
lecture et je ne suis pas près d'oublier le portrait fascinant de
Quéméner, le jeune professeur sensible, témoignant à travers ses
lettres de toute la complexité d'une situation politique trouble
dans laquelle, sans y être préparé, il fut plongé malgré lui.
Un
très beau texte, à lire absolument !
Très beau billet ! ce livre me fait penser à mon beau-père. Je le note
RépondreSupprimerUn grand merci et à bientôt, Electra!
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