Éditions du Rouergue
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Ah,
comme j'aime les romans noirs bien noirs, battus par les vents
violents de l'océan et une bonne pluie glaçante qui vous saisit les
os ! Pas beaucoup d'éclaircies dans ce récit bien sombre qui
met en scène Jos Brieuc (oui, ça se passe en Bretagne!), un ancien
libraire divorcé qui s'est lancé dans une entreprise de taxi
maritime. Un bon gars qui ne va pas très bien depuis que sa femme
l'a quitté et qui aimerait bien se sortir de sa solitude et de sa
vie de galère… Il a réinvesti tout son argent dans l'achat d'un
bateau et il compte transporter les gens autour de la rade de Brest,
vers Camaret ou la pointe du Conquet. Une remise à flot qui semble
plutôt partir du bon pied. J'ai dit « qui semble »…
Et
puis, il y a Caroff, un ancien pêcheur qui, il y a de ça quelques
années, a voulu à tout prix sortir en mer alors que le temps était
menaçant. Le jeune matelot de seize ans qui l'accompagnait est mort
et depuis, tout le monde lui en veut de sa folle imprudence. Il vit
dans un pauvre mobil-home posé sur un terrain vague avec sa femme et
sa fille, ses seuls bonheurs de l'existence. Sans boulot, sans
bateau, ça sent le fiasco et l'avenir lui paraît bien compromis,
alors quand on lui propose de tremper dans une magouille qui rapporte
- des colis à récupérer en mer -, il a beau vouloir refuser, il se
dit que c'est peut-être l'unique chance qui lui permettra de partir
avec sa femme et sa fille en Irlande et de couper avec cette vie
pourrie dont il ne veut plus.
Deux
hommes, deux destins qui n'auraient jamais dû se rencontrer...
Ce
que j'ai trouvé vraiment très réussi dans ce roman, c'est la
description des lieux, l'atmosphère : on sent que l'auteur
connaît la Bretagne et sait de quoi il parle. La pluie, les nuages
sont omniprésents (seuls ceux qui ne sont pas du coin semblent
d'ailleurs en souffrir - « en Bretagne, il pleut que sur les
cons » aiment rappeler mes collègues bretons), le vent du
large ne décoiffe pas que les Bigoudens, son souffle hurle la nuit,
se faufile dans les moindres recoins. Tout craque, tout vibre, croule
sous les rafales. Une bourrasque en appelle une autre. Il n'y a
jamais aucun répit, à peine une accalmie. C'est bien sombre, bien
pesant et, en même temps, magnifique, comme une peinture dans les
tons gris et noir. Les contrastes de lumière sont saisissants, quasi
cinématographiques. Et l'on entend l'océan gronder dans le
lointain… Tous les sens sont en alerte...
Une
vraie plongée dans l'atmosphère bretonne donc, l'hiver bien sûr,
parce que l'été...
J'ai
beaucoup aimé aussi, malgré toute la noirceur de ce texte,
l'humour : je vous en donne un exemple. Le gars chargé de
transmettre les infos du boss auprès de Caroff est un homme du Sud,
alors la Bretagne n'est pas vraiment son truc et c'est en ces termes
qu'il en cause : « Des marées noires, des oiseaux
crevés, des tempêtes… Il avait du mal à croire
vraiment que des gens veuillent aller passer des vacances
là-bas… Ou alors, il fallait être anglais ou belge... allemand
à la rigueur... » ou bien « Bon, la Bretagne
donc… Des plages désertes forcément, tellement il gèle, des
crabes et des cirés jaunes un peu partout, des bonnets, des crêpes,
des coiffes, misère… Il paraît qu'ils sont saouls toute la sainte
journée... » Ça me fait rire parce que c'est exactement
la façon dont les gens du Sud voient la Bretagne… Autre exemple,
dans un autre domaine, assez marrant : notre Caroff se voit
imposer deux loubards d'une cité brestoise qui n'ont pas franchement
le pied marin, espèces de clichés ambulants, survêt' et chaînes
dorées au cou, dont la description est à mourir de rire. Alors, il
faut en profiter parce que pour le reste, encore une fois,
l'atmosphère est comme le ciel : bien plombée. On met les
pieds dans quelque chose qui ressemble à une tragédie. Ah, le
destin des hommes parfois...
Dernier
point pour finir de vous convaincre, l'écriture est magnifique (et
ce n'est pas toujours le cas dans les romans policiers...). Espérons
que l'auteur, dont c'est le premier roman, sera de nouveau inspiré
par ses « vagabondages côtiers » comme le dit la 4e
de couv' parce que des comme ça, on en redemande !
Une
très belle réussite donc !
Mes bibliothèques ne connaissent pas (encore) mais je prends note tout de même !
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