Éditions Flammarion
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
C'est
une belle histoire que nous raconte là Serge Joncour, un roman à la
Giono, mêlant hommes et bêtes dans des territoires reculés, des
terres quasi sauvages où la nature prolifère.
Lise,
actrice parisienne sans emploi, a repéré une location de vacances
sur Internet : dans le Lot, « au coeur du triangle noir
du Quercy », à une demi-heure de Limogne, une maison
inoccupée depuis fort longtemps sur une hauteur au milieu d'une
espèce de jungle, un lieu très difficile d'accès - ils devront
louer un 4X4 -, sans télé ni Wi-Fi. Et le premier village à 25
km ! Tandis que Lise trouve ce gîte idéal pour l'été,
Franck, en vrai Parisien, n'imagine même pas une seule seconde un
mois d'août dans ce trou perdu sans que mort s'ensuive.
Je
vous laisse deviner qui aura le dernier mot…
À
peine arrivée,
Lise admire le paysage à couper le souffle, heureuse d'être enfin
loin des mauvaises ondes et
de la pollution
urbaine :
elle souffle, se sent immédiatement
dans son élément. Rien ne l'effraie : ni le côté rustique de
la maison, ni l'absence de confort, ni
cette nature rude et sauvage, ni les feulements et
les
hurlements nocturnes, ni
les yeux gris-vert qui dans l'obscurité les regardent
prendre leur premier dîner
sur la terrasse.
Franck,
lui, est perdu : il est clairement hors de sa zone de confort,
court partout pour tenter de choper une barre, une toute petite barre
qui lui permettrait de communiquer
avec ses
contacts.
« Sans
plus le moindre sang-froid il se mit à marcher de long en large pour
essayer d'attraper du réseau quelque part, il tenait le téléphone
tendu devant lui, comme une télécommande pour rallumer le monde. »
Son
métier de producteur le contraint à rester joignable n'importe
quand, d'autant que ses nouveaux collaborateurs sont
prêts à
pactiser avec le diable, en
l'occurrence
Netflix et Amazone, ce que Franck, adepte du cinéma en salle, refuse
catégoriquement.
Loin de tout, il a le sentiment de ne plus rien maîtriser et de se
faire manger par ses
deux collègues
formatés par les jeux vidéo,
deux
jeunes loups qui veulent livrer
son
catalogue de films au
plus offrant.
Pour
lui, c'est clair, il ne restera pas trois semaines
dans ce lieu.
En
attendant, ils sont seuls comme des naufragés sur une île déserte.
S'il leur arrivait le moindre problème, personne ne pourrait leur
venir en aide.
Personne.
Que
feront-ils lorsqu'un chien-loup viendra tourner autour de la maison ?
Parallèlement
à l'histoire de Lise et de Franck, Serge Joncour nous en raconte
une seconde, une plus ancienne qui commence en juillet 1914. Dans ces
mêmes lieux, un siècle plus tôt, dans un village appelé
Orcières-le Bas, hommes et animaux sont réquisitionnés :
c'est la guerre. Ils doivent partir. Fernand le maire a l'idée
géniale de cacher sur le mont, dans des prairies, deux cents
moutons. Parce qu'il faut bien que les gens mangent. Mais ce qu'il
doit cacher ne s'arrête pas à cela : dans des carrioles
bariolées estampillées Pinder viennent de débarquer huit grands
fauves, cinq lions et trois tigres, accompagnés de leur maître, un
dompteur musclé à l'accent allemand : Wolfgang Hollzenmaier.
Or le tocsin vient rapidement mettre fin à cette ambiance de fête : le chapiteau est démonté au plus vite, les clowns, jongleurs et acrobates sont réquisitionnés. Il reste juste un dompteur qui veut protéger ses bêtes. Que fait-on d'un dompteur allemand en temps de guerre et de surcroît sur un territoire ennemi ? Le livre-t-on aux autorités ? Et puis, ces fauves, il faut qu'ils mangent ! Les animaux vont-ils passer avant la population qui a faim ? Ne risquent-ils pas de s'échapper à la moindre occasion et de se jeter sur les enfants du village ? Le maire et l'instituteur insistent pour qu'on les cache et c'est ainsi que l'homme et ses fauves trouvent refuge dans une maison en hauteur… celle-là même que loueront Lise et Franck un siècle plus tard sans imaginer une seule seconde tout ce qui a pu se passer dans cet espace où ils comptent se reposer !
Or le tocsin vient rapidement mettre fin à cette ambiance de fête : le chapiteau est démonté au plus vite, les clowns, jongleurs et acrobates sont réquisitionnés. Il reste juste un dompteur qui veut protéger ses bêtes. Que fait-on d'un dompteur allemand en temps de guerre et de surcroît sur un territoire ennemi ? Le livre-t-on aux autorités ? Et puis, ces fauves, il faut qu'ils mangent ! Les animaux vont-ils passer avant la population qui a faim ? Ne risquent-ils pas de s'échapper à la moindre occasion et de se jeter sur les enfants du village ? Le maire et l'instituteur insistent pour qu'on les cache et c'est ainsi que l'homme et ses fauves trouvent refuge dans une maison en hauteur… celle-là même que loueront Lise et Franck un siècle plus tard sans imaginer une seule seconde tout ce qui a pu se passer dans cet espace où ils comptent se reposer !
Les
lieux gardent-ils la mémoire des événements passés ? Les
fauves de Wolfgang hantent-ils les lieux un siècle plus tard ?
Rôdent-ils encore le soir aux abords de la maison, prêts à dévorer
les petits Parisiens vegan à la chair tendre ?
Comment
Franck va-t-il supporter cet isolement qui, paraît-il, peut rendre
fou ? Va-t-il vaincre sa peur, accepter d'être observé le soir
par on ne sait quelle bête féroce ?
Oui,
il y a du suspense dans ce roman et beaucoup de tension. On sent que
quelque chose va craquer comme ces violents orages qui déchirent le
ciel au coeur d'un été étouffant.
Mais
surtout, c'est une histoire magnifique, de celles qu'on n'écrit plus
vraiment, une histoire d'hommes et de bêtes, de violence et d'amour,
de haine et de complicité, de peur et de tendresse. Oui, une bien
belle histoire, permettant aussi d'explorer la part de « sauvage »
présente dans tout être civilisé et qui ne demande qu'à refaire
surface si l'occasion s'en présente.
Allez,
pour apporter un bémol à cette avalanche de compliments, il me
semble que ce texte fabuleux aurait peut-être mérité une écriture
avec plus de relief, plus d'éclat, une écriture qui aurait eu
quelque chose à voir avec celle de Giono... (Mais sans doute, est-ce
ma passion pour l'auteur d'Un Roi sans divertissement
qui m'égare ?)
Et
puis, je me demandais s'il n'était pas possible d'échapper à
l'alternance par trop mécanique de courts chapitres renvoyant aux
deux époques du livre, procédé tellement répandu actuellement...
Peut-être suis-je bien sévère pour finir… Car je le répète :
j'ai pris un immense plaisir à lire ce scénario captivant, cette
folle histoire d'hommes et de bêtes dont je ne peux que vous
conseiller la lecture !
lu dans le cadre du Prix Landerneau
lu dans le cadre du Prix Landerneau
Ah ah - je ne suis pas d.accord avec vous sur ce livre: vous ne parlez pas des répétitions inutiles ni la fin grotesque de ce roman.
RépondreSupprimerJe disais sur Babelio que décidément avoir de l’imagination et du stysle n’etait pas donné à tous les auteurs.
Et pourtant, il en a fallu de l'imagination à l'auteur pour écrire un texte aussi fascinant! Ce roman m'a beaucoup plu même si l'écriture est parfois un peu plate, il est vrai. Mais quelles histoires, puisqu'au fond, il y en a deux!
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