Chose
promise, chose due : voici un retour sur la rencontre avec Maylis
de Kerangal à la librairie Le brouillon de culture de Caen, sous
forme… d'abécédaire… (à trous!) Je vous propose de lire les
mots de l'auteure...
A
comme adolescence : Un monde à portée de main
est un roman de sortie de l'adolescence et de passage vers l'âge
adulte, l'entrée dans le monde du travail. L'école de Bruxelles est
une espèce de sas initiatique. Paula, Jonas et Kate vont être
initiés. L'adolescence n'est pas une période facile car il faut
apprendre à se « faire une vie ».
C
comme copiste : Le copiste doit être « traversé par
son modèle », c'est un travail « d'incorporation »
du modèle.
En
copiant une grotte ornée, le copiste annule d'une certaine façon le
temps qui le sépare du paléolithique, en refaisant le geste précis
de l'homme préhistorique. C'est un geste qui abolit le temps.
D'ailleurs,
sans même parler d'une période aussi éloignée, quand Paula peint,
elle a accès à son passé, à des souvenirs, des scènes de son
enfance, à ce qu'il y a de plus profond en elle.
D
comme documents : Mon travail a une
pente documentaire assez forte. Je vais vers des mondes qui me sont
totalement inconnus, il faut donc que je découvre d'autres
pratiques, d'autres langues, d'autres cultures. Je dois m'initier à
ces mondes. Je lis beaucoup et je me déplace pour rencontrer les
gens. J'ai besoin de les entendre parler de leur métier.
Je
ne mène pas mes recherches avant d'écrire. Elles nourrissent mon
écriture, l'accompagnent. Écriture et recherches s'entremêlent..
E
comme école : L'école de la rue du Métal (elle
existe vraiment, c'est l'école Van Der Kelen, 30 rue du Métal à
Bruxelles) : on y apprend, sur une période de 6 mois, d'octobre
à mars, les règles, les canons qui permettent de copier les
marbres, les bois ou les matières animales autrement dit, le
minéral, le végétal, l'animal… Avec cela, Paula, Jonas et Kate
vont pouvoir « habiter le monde », une fois le « sas »
de l'école traversé…
(Marie-Laure :
n'hésitez pas à aller faire un tour sur le site internet de cette
école : c'est fascinant!!!)
F
comme faux : A Lascaux IV, il faut créer un
faux qui soit assez vrai pour donner l' « expérience »
de cette cavité, une forme de faux qui doit restituer un lieu
dénaturé, un lieu qui n'existe plus, d'une certaine façon, tel qu'
il a été découvert en septembre 1940.
L
comme Lascaux : Copier une grotte, c'est
tenter de remonter vers un passé auquel on n'a pas accès. Paula
devient donc une copiste sans modèle, ce qui est une entreprise
difficile.
Il
faut savoir que sur des chantiers comme Lascaux IV travaillent
ensemble des hommes et des femmes qui viennent de mondes très
différents : des peintres, des sculpteurs, des scénographes,
des infographistes... (pour la partie « artistique) et des
préhistoriens, des géologues… (pour la partie « scientifique »)
et tous ces gens-là doivent oeuvrer ensemble, entrer en collusion
(et en collision!) On a deux mondes assez opposés qui cohabitent
dans un espace clos.
M
comme mots : Je nourris mon imagination de mes recherches.
J'utilise les lexiques techniques ou professionnels qui deviennent de
véritables « matériaux poétiques », ne serait-ce que
par leurs sonorités. Ils sont des ingrédients poétiques. Si je
n'utilise pas le mot précis, j'ai le sentiment d'une perte. Le mot
est comme une capsule de précision qui ravive l'imagination.
N
comme nom : J'aime que les noms de mes
personnages soient porteurs de sens. Paula Karst : elle porte le
nom de ces massifs calcaires dans lesquels l'eau a creusé des
cavités, des grottes.
Au
fond, elle est elle-même pleine de grottes ornées, de galeries
qu'elle va devoir explorer pour apprendre à savoir qui elle est.
P
comme Préhistoire : Au départ, après Naissance
d'un pont, je voulais écrire sur la Préhistoire. Je connais
bien la grotte Chauvet et Lascaux à Montignac. Je porte ça en moi
depuis longtemps.
R
comme « Réparer les vivants » :
Je sens que je n'ai pas fini de creuser ce sujet, ce qui se passe
dans ce geste incroyable du don de soi, de ce que l'on a de plus
privé.
Ce
roman continue son chemin. Le film a été projeté aux étudiants en
médecine de Caen. C'est le milieu scientifique qui « l'exploite »
maintenant pour susciter le débat auprès des étudiants ou les
faire réfléchir...
T
comme traducteur : Question d'un participant :
« les traducteurs de votre œuvre en sont-ils des copistes ? »
Réponse de l'auteure : non, il faut toujours adapter. Dans
certains pays, le titre même a dû être modifié. Il faut
« incorporer » l'oeuvre pour bien la traduire. Je ne peux
moi-même pas toujours « contrôler » la traduction
surtout lorsqu'elle est rédigée en caractères asiatiques !
T
(bis) comme trompe-l'oeil : Le monde du
trompe-l'oeil est le monde de l'illusion, comme le roman, une forme
de faux auquel on croit et qui donne accès à la vérité.
Bon,
évidemment, je suis loin de restituer tout ce qui a été dit et
surtout la façon dont cette rencontre a été vécue par chacun des
participants. Vous n'avez, hélas, ni la voix, ni le sourire ni le
regard de Maylis de Kerangal, sans même parler de sa gentillesse, sa
douceur, sa générosité, toute l'attention qu'elle sait porter au
monde qui l'entoure et, il faut bien l'avouer, je suis une bien
pauvre copiste ! Alors, si elle « passe » pas loin
de chez vous, SURTOUT, ne la ratez pas !
Un
immense merci à la librairie Le brouillon de culture d'avoir
organisé une si belle rencontre et un très grand merci à Maylis de
Kérangal d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour nous
parler de ses textes et de son travail d'écriture. C'était vraiment
fabuleux...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire