Éditions du Seuil
La Librairie du XXIe siècle
★★★★★★ (tellement beau et tellement nécessaire)
À
l'heure où, paraît-il, un jeune Français sur cinq n'a jamais
entendu parler de la Shoah (comment est-ce possible alors que ce
sujet est au programme d'Histoire en CM2, en 3e et
en 1ère
??? L'école est bien
obligatoire jusqu'à 16 ans, non ?),
à une époque où il serait
bon de rappeler que six millions d'enfants, de femmes et d'hommes
juifs ont été assassinés, il me semble que rien n'est plus
nécessaire ni plus
efficace qu'un conte.
Parce
qu'un conte happe son lecteur, s'empare
de lui, le retient et ce,
pour plusieurs raisons : son langage, son
intrigue et
sa structure narrative sont
simples,
on le comprend facilement, il
est donc accessible à tous. Par
ailleurs, le
conte, par quelques détails symboliques,
donne à voir, à
imaginer, et donc facilite
l'accès au sens de l'oeuvre. Enfin,
il entraîne son lecteur dans une histoire dont le suspense évite
l'ennui : il
est divertissant et, comme
vous le savez, l'on aime ce qui nous détourne de...
À tout cela s'ajoute la présence d'un narrateur-conteur qui interpelle le lecteur, le rassure, le prend par la main pour le conduire sur des chemins peu praticables.
À tout cela s'ajoute la présence d'un narrateur-conteur qui interpelle le lecteur, le rassure, le prend par la main pour le conduire sur des chemins peu praticables.
On
lit donc volontiers un conte
et on n'en abandonne jamais
la lecture. Voltaire
savait cela et en profitait pour dire ce qu'il avait à dire.
Et
surtout, on n'oublie pas un conte. Non, on s'en souvient forcément,
il marque les esprits et il
est assez aisé de le raconter à son tour, sans même avoir sous les
yeux le texte. Un conte se raconte, il est l'objet d'une transmission
orale qui traverse les générations.
Donc,
notre époque avait besoin d'un conte. Il était temps. Cela
devenait urgent.
Mais
un conte relate
une histoire qui n'existe pas, une
fiction. Utiliser
cette forme pour parler d'un des événements les plus tragiques de
notre Histoire peut paraître paradoxal. Dans le fond non. Les
rescapés des camps de concentration le craignaient : personne
ne va nous croire, personne ne peut nous croire. Effectivement,
comment peut-on imaginer que
les hommes soient capables des pires horreurs ?… Il faut
beaucoup d'imagination et de folie pour oser
penser une chose pareille.
Pour dire l'incroyable,
l'impensable,
l'inimaginable,
le conte n'est-il pas, finalement,
la forme littéraire la mieux adaptée, lui
qui ne puise que dans ce que l'on ne peut admettre comme vrai ?
« Pardon ?
Encore une question ? Vous voulez savoir si c'est une histoire
vraie ? Une histoire vraie ? Bien sûr que non, pas du
tout. Il n'y eut pas de trains de marchandises traversant les
continents en guerre afin de livrer d'urgence leurs marchandises ô
combien périssables. Ni de camps
de regroupement, d'internement, de concentration, ou même
d'extermination. Ni de familles
dispersées en fumée au terme de leur dernier voyage... »
Ben oui, voyons, encore une fois, qui peut imaginer une chose
semblable ?
Sans
jamais utiliser le terme Shoah, l'auteur
nous fait comprendre le pire, l'impensable, l'inimaginable avec des
mots simples et de doux euphémismes. Et notre gorge se serre parce
que l'on sait que cette folie, cette inhumanité absolue, les hommes
en ont été capables.
Trois
petites pages, à la fin du livre, portant le titre « Appendice
pour amateurs d'histoires vraies »
donnent des noms, des chiffres, des dates.
Et
l'on comprend que c'était bien un conte qu'on lisait, une histoire
où une enfant filant vers
les camps de la mort avait
pu s'en sortir…
« Voilà
la seule chose qui mérite d'exister dans les histoires comme dans la
vie vraie. L'amour, l'amour offert aux enfants, aux siens comme à
ceux des autres. »
Mais le
réel, bien plus cruel, tellement
plus cruel, n'a permis à
aucune petite fille de rencontrer une pauvre bûcheronne prête
à l'aimer comme une
mère...
Coup de cœur également de mon côté! J'ai déjà partagé cette lecture avec mes filles (18 et 22 ans). Un livre pour toute la famille, donc.
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