Éditions Agullo Noir
★★★★★ (captivant)
Franchement,
je crois qu'il y aura chez moi un avant et un après Prémices
de la chute. En effet, ce livre m'a vraiment ouvert les yeux
sur les rouages des réseaux djihadistes, leurs origines, leurs modes
opératoires, l'itinéraire des hommes qui les composent.
Il
permet aussi de mieux comprendre le rôle des différents services
comme ceux de la DST ou de la DGSE, la façon dont ils fonctionnent,
leurs prérogatives, leurs dissensions.
Frédéric Paulin se sert donc de l'histoire récente pour nous
plonger dans ce qu'on peut imaginer de pire et vraiment,
ÇA-FOUT-LES-JETONS !!!
1996.
Réif Arnotovic, dit Arno, journaliste à La Voix du Nord, a bien du
mal à percer dans le métier et rêve d'un article dans Libé ou le
Nouvel Obs. Une nuit, son patron le réveille et lui demande de filer
à Roubaix où des policiers se font descendre à la Kalachnikov. A
priori, ce sont les mêmes malfrats qui ont braqué une supérette la
semaine d'avant à Wattrelos. Arno se rend sur place, prend quelques
photos, mais en termes d'infos, la récolte reste maigre. Alors, il
tente une visite à un petit truand qu'il connaît un peu, un certain
Saïd Ben Arfa qui est en lien avec certains milieux de la banlieue
lilloise. Après la fermeture du Macumba où il travaille, ledit Saïd
invite Arno à faire un petit tour dans sa BM. Ce qu'Arno va
apprendre est pour le moins incroyable : les gars qui
s'attaquent aux supérettes de la région reviennent
d'ex-Yougoslavie. Ce sont des petits Français, convertis à l'Islam,
qui ont appartenu à la brigade El Moudjahidin constituée
d'étrangers musulmans en provenance de différents pays. Ils ont en
effet aidé l'armée bosniaque à combattre les Serbes puis, après
les accords de Dayton, sont rentrés chez eux, avec leurs armes de
guerre. Maintenant, ils amassent de l'argent en braquant des
commerces. Leur but ? Faire leur djihad. Des noms ? Oui,
Saïd en connaît : Lionel Dumont, Christophe Caze et d'autres
encore.
Soudain,
notre petit journaleux prend peur : et si Saïd avait trop
parlé ? Et s'il allait maintenant, en pleine nuit, le
zigouiller et le laisser mort sur l'autoroute ? Soudain, Saïd
arrête sa BM, fait descendre Arno et l'assomme...
Si
notre journaliste local a de toute évidence de quoi faire un très
bel article sur ce gang de Roubaix qu'on va vite surnommer les Ch'tis
d'Allah, il a le sentiment qu'il doit aussi prévenir le commandant
Laureline Fell qui bosse à la DST et s'intéresse de près à ce qui
se trame dans le milieu islamiste lillois. Elle-même est en contact
avec un certain Tedj Benlazar qui, de Sarajevo, lui transmet des
infos sur les liens entre ces gars et Al-Qaïda.
Réif
Arno ne sait pas qu'il vient de mettre le doigt dans un terrible
engrenage qui va le mener aux portes de l'enfer, de la Bosnie aux
grottes de Tora Bora, dans les montagnes d'Afghanistan où se cache
un certain Ben Laden, et ce qu'il va découvrir alors est à peine
croyable, oui, à peine croyable…
Et
c'est peut-être ça, au fond, le problème : qui va accepter
d'accorder un peu de crédit à ce petit journaleux qui commence à
avoir de très très inquiétants pressentiments ?
Comme
je le disais au début de l'article, ce roman m'a fait prendre
conscience de la façon dont ont émergé les réseaux islamistes.
J'avoue que ma lecture des premières pages s'est accompagnée de
quelques recherches complémentaires qui m'ont permis de faire des
mises au points historiques et de réaliser - à ma grande stupeur
parfois !- que tel fait évoqué par l'auteur N'ÉTAIT PAS de la
fiction!!! Sachez aussi que le lecteur dispose d'un glossaire à la
fin du roman. C'est précisé au début mais je ne l'avais pas vu !
En
tout cas, ce qui m'a frappée, c'est l'immense naïveté ou
l'inquiétant aveuglement des gouvernements qui - et malgré les
informations abondantes dont ils disposaient - semblent n'avoir pas
vu ( ou voulu voir) le pire qui se profilait à l'horizon tandis que,
d'après l'auteur en tout cas, certains avaient parfaitement tout
prévu. Vous me direz : comment peut-on imaginer l'impensable ?
Oui, bien sûr… Néanmoins, je m'étonne de cette cécité
générale, les États-Unis (la CIA) en tête d'ailleurs,
certainement à cause de stupides rivalités entre services secrets
(rivalités qui apparaissent bien dérisoires quand on en connaît
les terribles conséquences, à savoir les attentats du 11
septembre !) La citation placée en épigraphe : « Seuls
les gens normaux ne savent pas que tout est possible » de
David Rousset laisse penser qu'au fond, malgré leurs agences de
renseignement et leurs armées suréquipées, les grandes puissances
occidentales peinent à empêcher le pire.
Et
c'est bien là tout l'enjeu du roman : comment, avec les
informations dont ils disposent, les états peuvent-ils agir
efficacement face à un mal protéiforme, complexe et du coup presque
insaisissable ?
Un
roman d'actualité extrêmement documenté qui mêle habilement
fiction et faits réels : une lecture passionnante, terrible,
qui fait froid dans le dos...
J'ai déjà lu un roman enquête de cet auteur "la guerre est une ruse" (http://luocine.fr/?p=10168)et je reconnais à cet auteur un talent incroyable pour asseoir ses romans sur la réalité. Je lirai ce livre dès que je pourrai.
RépondreSupprimerLe premier est impressionnant et je suis impatiente de lire celui que vous chroniquez ici, il vient dans ma librairie le 14 juin, je veux y aller, événement à ne pas manquer !
RépondreSupprimerJe poursuis, récemment en Algérie des politiques viennent d’Être écartés du pouvoir et emprisonnés, ceux dénoncés dans La guerre est une ruse. Heureusement que ma librairie l’a invité car je n’aurais jamais entendu parler de ces livres.
RépondreSupprimerBrigitte