Éditions du Seuil (Fiction & Cie)
★★★☆☆ (j'ai aimé mais...)
Stéphane
Audeguy est un esthète : il a le goût de la beauté et du
plaisir. Aussi, chacune de ses phrases revêt les beaux atours de la
grâce et ses pages ressemblent à de charmants tableaux devant
lesquels on s'attarderait volontiers. Pas de doute, c'est la classe.
Ajoutez à cela une pensée originale, libérée, je dirais même
insubordonnée, qui a su ne pas s'embourber dans la norme sociale et
le carcan du conformisme, un rapport au monde à la fois poétique et
extrêmement critique, enfin une érudition et une culture telles que
l'on se sent bien petit quand on rédige une chronique sur un travail
d'une telle pointure.
Oui, je suis impressionnée, vous l'aurez remarqué et ça me coupe un peu l'herbe sous le pied. J'admire toujours en me taisant. Mais bon, comme je suis là pour parler de son livre, alors je vais le faire ! Abordons le sujet : Vincent, (double de l'auteur?) 53 ans, critique d'art parisien, amoureux d'Alice, une artiste plasticienne, a été témoin d'un attentat qui a eu lieu près de chez lui. Depuis, il a des malaises fréquents et s'imagine (se rêve?) dans le corps d'autres personnes d'époques antérieures ou de lieux divers : il est Actéon, le chasseur, qui découvre Artémis nue se séchant délicatement au soleil. Il est aussi Philippe, jeune Juif new-yorkais qui quitte en 1942 les États-Unis pour devenir soldat et participer à la Seconde Guerre Mondiale en Italie. Il se métamorphose aussi en un peintre florentin de la Renaissance : Pierre de Côme ou en un jeune marin lisboète, Nino Caceres, qui va s'embarquer pour les côtes du Brésil au XVIe siècle… Il est aussi lui-même et revit, dans ses moments d'absence (ou de présence dans un ailleurs enfoui au plus profond de son être) son enfance dans une fade banlieue, la découverte de la sensualité, de la sexualité, ses années d'étudiant…
Oui, je suis impressionnée, vous l'aurez remarqué et ça me coupe un peu l'herbe sous le pied. J'admire toujours en me taisant. Mais bon, comme je suis là pour parler de son livre, alors je vais le faire ! Abordons le sujet : Vincent, (double de l'auteur?) 53 ans, critique d'art parisien, amoureux d'Alice, une artiste plasticienne, a été témoin d'un attentat qui a eu lieu près de chez lui. Depuis, il a des malaises fréquents et s'imagine (se rêve?) dans le corps d'autres personnes d'époques antérieures ou de lieux divers : il est Actéon, le chasseur, qui découvre Artémis nue se séchant délicatement au soleil. Il est aussi Philippe, jeune Juif new-yorkais qui quitte en 1942 les États-Unis pour devenir soldat et participer à la Seconde Guerre Mondiale en Italie. Il se métamorphose aussi en un peintre florentin de la Renaissance : Pierre de Côme ou en un jeune marin lisboète, Nino Caceres, qui va s'embarquer pour les côtes du Brésil au XVIe siècle… Il est aussi lui-même et revit, dans ses moments d'absence (ou de présence dans un ailleurs enfoui au plus profond de son être) son enfance dans une fade banlieue, la découverte de la sensualité, de la sexualité, ses années d'étudiant…
Concrètement,
cela donne lieu à un récit dans lequel vont alterner différents
personnages (qui n'en sont peut-être qu'un seul… des doubles de
Vincent), différentes époques. Le fil conducteur ? Il est
annoncé dans le titre : l'amour, la relation au corps de
l'autre, le désir, la mort, la liberté…
Le
titre étant au singulier, est-ce à dire que finalement, Vincent est
multiple, indéfinissable, inclassable, qu'il tient d'Artémis et de
Philippe, de Pierre et de Nino, qu'il est « homme et femme,
pauvre et riche, inconnu et célèbre… » à la fois, qu'il porte en lui
le désir de l'un, la féminité et la violence de l'autre ?
« Ces
vies qui assaillent Vincent sont si différentes qu'un
jour il saisit, en souriant de sa naïveté, cette évidence :
il n'y a aucune raison valable de considérer que celle qui jusqu'à
maintenant dominait son présent est la plus importante. »
Toutes
les histoires d'amour n'en sont qu'une aussi peut-être, comme
l'indique le titre, dans son apparente banalité… Une sous
différents visages… Qui sommes-nous au fond ? Sommes-nous
réduits à n'être qu'un genre, qu'un sexe, qu'une fonction, qu'une
vie ? Les personnages évoqués ont en commun le fait d'être
libres : ils suivent leur destin et soudain, au détour du
chemin, s'offrent l' audace du pas de côté, du coup de folie. Ils
font soudain une pause dans leur histoire : ils ne sont plus
chasseur, marin, peintre, soldat mais amoureux, fous de sensualité
et ivres de jouissance, de beauté et de lumière, prêts à
entraîner l'autre (ou à se laisser entraîner) dans des espaces
inconnus, interdits, comme suspendus dans le temps...
D'un
personnage à l'autre, d'une situation à l'autre se forme un
maillage étroit d'échos et de thèmes récurrents qui tissent les
histoires entre elles, créent des correspondances entre les hommes,
les époques, le réel et le mythe, la réalité et la fiction.
En
tout cas, si j'ai admiré l'écriture de ce roman et dans une
certaine mesure sa construction, j'ai trouvé que les parties
« historiques », notamment celles concernant Philippe, par
leur longueur, déséquilibrent et cassent le rythme de l'ensemble.
Peut-être eût-il été nécessaire (le débat reste ouvert)
d'accorder moins de pages (et donc de laisser au second plan) des
personnages auxquels le lecteur ne s'attache pas vraiment. Autant les
réflexions de Vincent m'ont passionnée, autant j'ai parcouru les
passages historiques en traînant un léger ennui.
C'est
dommage parce que ça risque de détourner d'un bel ouvrage un
certain nombre de lecteurs...
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