Éditions Folio
★★★★☆ (finalement, j'ai bien aimé)
C'est
mon libraire qui m'avait mis ce livre dans les mains (j'ai
l'impression de parler d'une époque reculée où l'on entrait dans
les librairies choisir des livres…. J'arrête, ça va me faire
chialer…)
Bref…
Il m'avait prévenue : c'est une histoire d'amour mais il ne se
passe rien. Pas de souci, moi qui ai été élevée au biberon
flaubertien, le « rien » dans les romans, ça me va
parfaitement… à condition quand même que l'écriture soit là…
Bon,
alors, cette Vie princière ? 79
pages, c'est vite avalé. Le sujet : un écrivain participe à
un séminaire où il est censé étudier, lire, assister à des
conférences… le tout dans un cadre idyllique appelé « Le
Domaine » (ça aide, les beaux paysages dans les histoires
d'amour… et les longues soirées bien arrosées sur des balcons qui
dominent la vallée aussi…) Un soir, notre écrivain rencontre une
universitaire : belle, pas trop vieille ni trop jeune non plus…
du genre (je n'ai pas dit « genre ») j'ai de
l'expérience, un peu de vécu, avec un corps qui tient encore la
route… Bref, tout pour plaire donc. En plus de ça, elle est
italienne, dynamique, joyeuse, drôle, elle travaille sur « la
figure du Christ chez les auteurs du XXe siècle » (elle fait
ce qu'elle veut!), parle couramment un certain nombre de langues,
elle est cultivée, spirituelle, à l'écoute et fascinée par cet
auteur-narrateur ( en tout cas, c'est ce qu'il dit!)…
Lui,
à vrai dire, on ne sait pas trop à quoi il ressemble ni ce sur quoi
il travaille. Pas contre, il est nul en langues et donc épaté par
la belle Italienne. (Je peux le comprendre.)
Donc,
ils se rencontrent… Évidemment, il ne tombe pas amoureux d'elle
immédiatement (j'en connais d'autres : « La première
fois qu'Aurélien vit Bérénice etc, etc…), puis finalement, la
trouve pas si mal (ah, le charme…) et, c'est parti, le sentiment
amoureux s'empare littéralement de sa personne et… et… Là, il
n'y a plus grand-chose à faire, comme vous le savez : on a des
ailes, on n'a plus faim et l'absence de l'autre est une torture…
CQFD…
Sauf
que… Y a un souci… Madame a déjà un compagnon… C'est
embêtant… Certains s'en arrangent, pas d'autres, et l'on sent que
notre narrateur s'en serait bien arrangé.
Unité
de temps (trois jours), de lieu (un coin de paradis dans un coin du
Sud certainement - cf la végétation … qui n'a rien à voir
avec celle que je vois de ma fenêtre), unité d'action (la
voir, la revoir encore et encore)…
Discussions,
balades, dîners (eh les gars, on s'inscrit où???), rediscussions,
rebalades, redîners (pas de courses ni de cuisine à faire, c'est
soit servi en salle, soit livré dans la chambre…) Mais on
s'inscrit oùùùùù ??? (J'aurais dû pousser jusqu'à la
thèse… mais qui paye ces séminaires au fait ? L'État ?
Ou chacun paye sa part ? Bon allez, je ne vais pas faire ma
râleuse, ce serait complètement déplacé dans ce genre de
chronique - mais bon, je suis sûre qu'il doit y avoir des abus dans
ces rencontres universitaires…) Voilà le programme… Et
l'histoire...
L'écriture ?
RAS. Calme plat. (J'aurais - peut-être - pu en faire autant - ben,
fais-le alors, pauvre idiote, il en a vendu des bouquins lui, au
moins, ça rapporte…)
Alors
quoi, il m'a dit des conneries mon libraire ???
Ben
non… Et vous savez pourquoi ? Parce que ce petit livre de rien
du tout et cette histoire qui ne paye pas de mine, qui n'a l'air de
rien, eh bien, elle me trotte dans la tête, des images me
reviennent, souvent, très souvent même, des petites phrases très
justes comme « Parler avec toi, être à côté de toi, me
semble une expérience surhumaine, et pour ainsi dire divine. »
Parce que oui, c'est exactement ça l'amour, un truc incontrôlable
qui te change la vie, qui fait que tu ne te reconnais même pas
toi-même, que tu te trouves con(ne) mais que t'y peux rien, que si
l'autre est là, alors la vie est belle et que s'il est absent ou
avec quelqu'un d'autre, alors ce que tu ressens, c'est à peu près
ça (de l'ordre du traité de décomposition) : « je
prends mon crâne inerte à deux mains…, je le repose sur mon cou,
je l'enfonce, je le visse, j'ai une tête morte sur un corps de
vivant, je dissimule mon état, je continue de sourire... »
Exactement ça… Et je m'aperçois que les images de ces deux-là se
baladant parmi les oliviers, discutant, riant dans une espèce de
légèreté absolue, de fluidité, de bien-être complet, total, eh
bien oui, Marc Pautrel l'a parfaitement exprimé. Pas de grandes
phrases, pas de longs commentaires, juste quelques pages qui nous
font sentir (c'est toujours le même mot qui me revient, alors je
l'utilise encore une fois) ce sentiment inouï et forcément fugace
de légèreté, de grâce et certainement de bonheur…
Merci
mon libraire...
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