Éditions Gallimard
★★★★☆ (j'ai bien aimé)
Oh,
j'en ai lu quelques-unes de ces critiques pas gentilles du tout sur
le ton excédé du enlevez-moi-ça-des-yeux au sujet du dernier roman
de Leïla Slimani (à moins que ce soit son fameux journal de
confinement qui ait tapé sur les nerfs de certains? Mystère)… En
tout cas, j'avais presque renoncé à le lire ! Or l'occasion
s'est présentée et franchement, ce fut une lecture tout à fait
agréable : un récit classique dans sa forme (construction
irréprochable / écriture fluide) et une narration qui a le mérite
d'être efficace… Quant aux personnages, j'y viens !
Certains
font remarquer une très nette rupture entre « Chanson douce »
et « Le Pays des autres »… Je ne trouve pas. Notamment
sur deux points : Leïla Slimani est particulièrement douée
pour mettre en scène des personnages qui n'ont rien de manichéen,
de caricatural, et qui broient en leur for intérieur des pulsions
violentes souvent en lien avec la mort ou la sexualité, capables du
pire comme du meilleur (se dévouer ou tout abandonner), des
personnages complexes bourrés de contradictions, aux motivations qui
peuvent sembler au premier abord étranges et dont les agissements
sont parfois commandés par l'instinct, la pulsion…
Ce
qui donne lieu (et c'est mon second point) à des scènes
surprenantes et très marquantes parce que complètement inattendues
et loin de tout cliché. J'adore ça, être surprise, voir un
personnage quitter la ligne droite sur laquelle l'auteur l'avait
engagé et se révéler bien différent de ce que l'on pensait de
lui. Son parcours prend alors la forme d'errements, d'hésitations
voire d'égarements. Et c'est alors l'occasion de scènes
particulièrement géniales (déjà présentes dans ses précédents
romans), impossibles à oublier et l'on se demande où l'auteur va
chercher des idées pareilles et c'est là que l'on comprend que l'on
a affaire à une vraie romancière.
Car
oui, on lit avec plaisir, ce qui n'est déjà pas mal, cette histoire
de la jeune Alsacienne Mathilde qui en 1944 tombe amoureuse d'un
Marocain, Amine Belhaj, combattant avec l'armée française. Elle va
le suivre jusqu'à Meknès au Maroc et s'installer avec lui dans une
exploitation agricole en pleine campagne, une terre aride dont ils
auront bien du mal à tirer quoi que ce soit…
Mathilde
devra donc se plier à des mœurs, une culture, une religion, une
géographie, un climat différents pour tenter de vivre dans cet
ailleurs qui restera à jamais pour elle -et malgré ses efforts- un
pays étrange où elle est l'étrangère, la déracinée, celle qui
vient du pays des colons que l'on veut chasser en cette période de
décolonisation, celle qui vit dans un monde d'hommes où la femme
doit rester à sa place, celle qui finit par devenir étrangère à
elle-même au point de flirter parfois avec la folie… (Il y a du
Emma Bovary chez Mathilde, c'est certain… )
Et
la greffe peine à prendre...
Se
pose alors la question de l'identité : qui sommes-nous ?
Sommes-nous à jamais le résultat d'une histoire, d'un pays, de
mœurs, de traditions ? Sommes-nous pour toujours enfermés dans
un sexe, soumis à ce qui est attendu de ce sexe ? Bref, quelle
est notre part de liberté dans tout ça ?
Des
personnages puissants (même les personnages dits secondaires
acquièrent une force remarquable), une belle maîtrise de la
narration, des scènes inoubliables et une évocation toute poétique
et sensuelle des lieux traversés…
J'ai
vraiment hâte de lire la suite ...
Bonjour j'attends avec impatience la suite de Mathilde, Aïcha.... Ce livre Le pays des autres est très beau.... Impatiente de découvrir l'avenir d'Aicha, Selim, Selma Mathilde... Et Aminé.. Et ts les autres personnages. Merciiiii
RépondreSupprimerJe viens de le terminer... Très beau livre et merci pour votre belle critique !
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