Éditions Gallimard Sygne
★★★★★ (j'adore! ♥♥♥)
Il y
a parfois (ça doit arriver deux trois fois dans une vie) des livres
qui collent exactement à ce que vous êtes au moment même où vous
les lisez : une sorte d'incroyable alignement des planètes,
l'impression que les mots sont les vôtres et que vos émotions
n'auraient pas pu être mieux exprimées. C'est simple, avec Fabrice
Caro, j'ai le sentiment d'avoir trouvé mon âme sœur, mon alter ego
existentiel (ça se dit ça?), mon double du moment, mon petit frère
sur terre (eh oui, rien que ça!). Peut-être faut-il pour cela en
être à peu près au même stade de l'existence, celui où l'on se
réveille un matin comme un peu secoué de s'être mis entre
parenthèses aussi longtemps, d'avoir accepté bien gentiment de dire
oui à tout ou à pas mal de choses et avec, parfois, la terrible
envie de prendre ses cliques et ses claques et de se métamorphoser
soudain en « évaporé » (vous savez, au Japon, ceux qui
disparaissent et qu'on ne revoit jamais …)
Bref,
comme vous l'aurez deviné, j'ai vraiment beaucoup aimé ce texte.
Pour ceux qui connaissent l'oeuvre de Fabrice Caro, on retrouve ici
ses thèmes de prédilection : la dimension absurde de
l'existence, la vie assimilée à une espèce de vaste comédie
(Broadway) où chacun joue un rôle convenu, hypocrite et vain, des
conventions sociales étouffantes, des vies de couples qui tournent
en eau de boudin et enfin, cerise sur le gâteau, la vieillesse qui
approche avec son lot d'horreurs (je vous épargne la liste...) et le
panneau « THE END » encore un peu flou mais qu'on
commence déjà à percevoir dans un lointain pas si lointain...
Pas
de quoi rigoler ! Ah, vous ne riez pas en lisant Fabrice Caro ?
Pas d'inquiétude, c'est normal ! On a plutôt envie de pleurer
toutes les larmes de son corps. Et pourtant, moi, je ris beaucoup
parce que cet auteur sait plus que n'importe qui placer ses
personnages dans des situations désopilantes et complètement
inattendues, parce qu'il est un as du comique de répétition, qu'il
a un regard décapant, caustique et très juste sur le monde et les
travers de nos sociétés, qu'il a un sens de l'observation à toute
épreuve … Oui, Fabrice Caro est toujours percutant, pertinent,
lucide et sans illusions. Si l'on rit, on rit pour éviter de pleurer
sur notre sort, parce qu'il faut bien avancer et chaque jour, mettre
un pied devant l'autre sans trop se poser de questions et tenter
d'éviter de se prendre la crise existentielle en pleine tête...
Dans
notre roman, le narrateur, Axel, marié et père de famille, se
trouve soudain très mal à l'aise parce qu'il vient de recevoir une
convocation de l'Assurance maladie l'invitant à se rendre à un
examen colorectal, courrier envoyé à toute personne ayant atteint
l'âge de 50 ans alors que lui n'en a que... 46.
Alors,
c'est le drame...
Cet
« incident » servira de fil rouge au roman à travers un
personnage qui, dans le fond, ne comprend plus rien, ni à ses mômes
ni à sa femme ni à la société tout entière et qui irait bien
faire un tour loin du foyer conjugal, ne serait-ce que pour quelques
jours, histoire de souffler un peu … (allez, ne faites pas
semblant, vous savez très bien ce que je veux dire...)
Alors
d'abord, il y a cette histoire d'examen colorectal à régler, puis
une convocation au collège cette fois-ci parce que Tristan, le fils
chéri, s'est fait choper avec une œuvre de son cru, en l'occurrence
un dessin pornographique mettant en scène deux de ses profs dans une
position dénuée de toute ambiguïté, à cela viennent se greffer
des amis qui proposent des vacances à Biarritz pour faire du paddle
("sympa comme tout", hein, le paddle ? Ah, ah !), des voisins
intrusifs qui inventent d'incontournables barbecues de bienvenue, un
collègue de bureau « heureux d'être au monde »
(c'est tellement pénible les gens heureux!), une fille en rupture
amoureuse qui veut que l'on mette un cierge à l'église pour que
ledit amoureux revienne le plus vite possible, une prof d'anglais
plutôt jolie (celle de Tristan - oui, celle qui figure sur le dessin
et qu'il a fallu rencontrer pour s'excuser au nom de son fils...)
qu'on finit par avoir un peu de mal à oublier…
Et
soudain, au beau milieu de tout ce bazar et sous la forme d'une
batterie en morceaux rangée dans un coin du garage, surgit un passé
qu'on croyait avoir totalement oublié et l'envie de reprendre en
main les baguettes et de taper fort, très fort même. On n'y croit
pas vraiment mais on s'accroche à cette petite folie qui nous rend
heureux deux trois minutes… et puis, « tout se referme,
les projets, les infinis possibles, les vagues aspirantes et des
paddles font leur apparition çà et là à la surface
de l'océan comme des corps noyés. »
Alors,
dans un tout dernier soubresaut, on s'imagine foutre le camp, ciao la
tribu, je pars, je roule, je ne m'arrête pas, vous pouvez toujours
m'appeler pour me demander d'acheter des pizzas pour l'apéro, je
suis déjà loin, j'ai franchi les frontières, le soleil tape de
plus en plus et j'entrevois la mer, là-bas, si proche, si proche, je
plonge...
Bon,
au fait, vous les voulez à quoi vos pizzas ?
Un
texte mélancolique et tendre, désenchanté et profondément humain,
tragique et drôle à la fois...
Vraiment,
c'est beau à pleurer…
Un
de mes coups de coeur de la rentrée littéraire...
Je le lirai, j'avais déjà été enchantée par Le discours et puis Fabcaro me fait sourire facilement.
RépondreSupprimerAlors, c'est certain tu vas adorer! N'hésite pas à me dire ce que tu en auras pensé!
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