lundi 12 avril 2021

Je suis une fille sans histoire d'Alice Zeniter

Éditions L'Arche
★★★★★

Honnêtement, des histoires, qu'est-ce qu'on nous en a raconté ! On nous a même dit qu'elles étaient vraies, que c'était de l'Histoire, des Sciences même, qu'il allait falloir apprendre tout ça par coeur…

Et aucun d'entre nous n'aurait pensé à contester !

Tiens, prenons l'exemple de l'homme des cavernes : vlà l'beau mâle poilu, musclé, la lance au poing qui part chasser le mammouth pendant que madame-la-fragile cueille gentiment des chanterelles et des pissenlits… Avouez, vous y avez cru, vous aussi, hein ! Ben, c'est pas vrai, on s'est fait berner, on nous a raconté des balivernes. Vous me direz, ça ne va pas nous empêcher de dormir. Non peut-être, mais n'empêche que depuis le temps qu'on nous raconte ces histoires, elles ont eu le temps de nous façonner le cerveau ! On s'est habitué à l'idée que le rôle de l'homme est de s'activer, d'agir, de faire, tandis que les femmes, comme elles courent un peu moins vite et qu'elles ont peur de tout, il vaut mieux qu'elles ne s'éloignent pas trop du logis (et dire qu'on finira par les appeler des « femmes d'intérieur »).

Ces fadaises se sont même emparées de nos récits : celui d'une cueillette n'entraînant pas forcément un nombre incalculable de péripéties, il n'y a pas de place pour les filles dans nos histoires. En revanche, chasser le mammouth, waouh, c'est balèze, il y a de l'action, de la tension, on ne s'ennuie pas : « Une bonne histoire, aujourd'hui encore, c'est souvent l'histoire d'un mec qui fait des trucs. Et si ça peut être un peu violent, si ça peut inclure de la viande, une carabine et des lances, c'est mieux. »

On comprend alors pourquoi les personnages principaux sont essentiellement des hommes. Les femmes sont là pour le décor. Elles attendent patiemment le retour du héros : Ulysse se bat et Pénélope tisse.

Du test de Bechdel (permettant de mettre en évidence l'inégalité des sexes dans les récits) au schéma narratif (la notion de « péripétie » réservant la part belle au masculin), des affirmations « de dicto » que l'on avale tout cru (nos plus grandes certitudes sont en effet fondées sur un empilement de récits non vérifiables) à la notion de « machine affectante» (le pouvoir des médias impose un « récit dominant » qui va toucher et par là-même manipuler les esprits), Alice Zeniter montre comment se fabriquent les récits et analyse dans un essai vivant et plein d'humour les pouvoirs de la fiction.

Ça réveille, ça secoue… une vraie bouffée d'air frais ! Une chose est sûre : si nous changeons nos récits, peut-être changerons-nous aussi notre vision du monde et donc nos comportements.

Comme je suis lasse de ce monde ancien !


 

2 commentaires:

  1. moi j'aime bien aussi les histoires du monde ancien.

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    1. Elles permettent de comprendre notre façon de penser actuelle, comment petit à petit on se laisse enfermer dans des stéréotypes dont il serait bon de tenter de sortir! Il faut déconstruire les mythes!

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