dimanche 8 décembre 2024

Le paradis des fous de Richard Ford

Éditions de l'Olivier
★★★★☆

 « Ces temps-ci, je me suis mis à penser plus souvent qu’autrefois au bonheur » constate Frank Bascombe en ouverture du dernier roman de Richard Ford. Ce volume achève la saga mettant en scène l’agent immobilier. Âgé maintenant de 74 ans, il s’autorise courageusement un petit bilan de son existence : la perte d’un fils, deux divorces, un cancer de la prostate, des parents et une première femme disparus, des dépressions. « Rien d’insurmontable » résume-t-il et il conclut avec ces quelques mots : « je dirais que j’ai été heureux. »

Sauf que depuis peu, son fils, Paul, 47 ans, a la maladie de Charcot et, évidemment, l’illusion du bonheur s’étiole un peu...

Combien de temps vivra-t-il ? Ce qui est sûr, c’est que ce temps est compté. Alors le père a un projet un peu fou, histoire de compenser tous les moments où il a été absent : faire avec son garçon un road trip à travers l’Amérique, du Palais du maïs jusqu’au mont Rushmore. Peut-être que cette virée les rapprochera, qu’ils communiqueront un peu mieux. Et les voilà lancés, en plein coeur de l’hiver, à bord d’un vieux Windbreaker de location, camping-car absolument pas adapté au handicap du fils mais on s’en fout un peu, Paul est content, et, plié en deux, les jambes tremblantes, le sweat « Génie au tarvail » (sic) sur le dos, les lunettes de travers et la casquette sur les yeux, c’est parti pour le mont Moche-mort.

Du Minnesota au Dakota du Sud, blagounettes entre père et fils, vannes, insultes fusent dans la cabine glacée du Windbreaker laissant place parfois à quelques confidences, considérations philosophiques sur l’existence, l’absurdité du monde et la déchéance physique ... le tout sur un ton désabusé et ironique, toujours très lucide… Et l’on traverse avec eux une Amérique de banlieues et de supermarchés, complètement kitsch, souvent très laide et bien désespérante, l’Amérique de Trump, celle des laissés-pour-compte. Il ne se passe pas grand-chose sinon qu’ils sont tous les deux, même si l’un dort les trois quarts du temps tandis que l’autre pense à la vie. A-t-il réussi la sienne ?

Un texte parfois un peu longuet c’est vrai, mais tellement touchant, dans lequel il est question d’un bonheur auquel on s’accroche quand tout s’effondre autour de soi...

Très beau et plein d’humanité.


 

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