Éditions Albin Michel
Ah ce Mathias, en voilà un que
j’aimerais bien compter parmi mes amis… Qu’est ce qu’il est attachant, généreux,
drôle, poète… bref, il a toutes les
qualités qui me font flancher…
Bon, reprenons, je m’égare. Donc,
disais-je, ce Mathias (en plus, je crois qu’il a les yeux verts), ce Mathias, à
la tête d’un groupe de rock nommé Dionysos (suis pas très au point là-dessus,
faudra que j’aille voir sur You Tube…), ce Mathias tombe malade. Au lieu de
faire des bonds de trois mètres lors des concerts, il décolle de cinquante
pauvres petits centimètres. Bizarre… « L’homme-volcan », qui a
« des toupies électrifiées » en guise de béquilles pour tenir dans la
vie, poursuit la tête dans le guidon : il tourne le clip qui accompagnera
la sortie de son film Jack et la mécanique
du cœur. Il y va à fond même s’il sent qu’ « il a une noisette à
la place des poumons ». Il finit le boulot mais le lendemain, une prise de
sang s’impose.
Un médecin le rappelle
immédiatement : anémie. Les globules rouges sont en chute libre. Une transfusion
doit se faire immédiatement : direction l’hôpital le plus proche. C’est
une question de vie ou de mort. De mort ? Etrange ce mot. Un myélogramme
(ponction de moelle osseuse) suit immédiatement. Le diagnostic finit par
tomber : « aplasie médullaire » ou arrêt du fonctionnement de la
moelle osseuse. « C’est idiopathique »… ça veut dire qu’ « on
n’en connaît pas la cause ». Notre Mathias culpabilise et essaie tout de
même d’expliquer ce qui lui arrive : « J’imagine que mes excès
de nuggets-crêpes et autres Coca avec un peu de whisky dedans ont quelque chose
à voir avec tout ça ». Mais non. « Ça peut arriver à tout le monde et
ça n’arrive à presque personne. Une centaine de cas seulement en France. Pour
la plupart des enfants ou des personnes âgées. Je suis un collector. »
Lui qui aime les bains de foule,
les copains, le ciné, le skate, il faudra passer au « gel antibactérien,
bains de bouche et isolement. » Et c’est ainsi qu’il devint un vampire, se
nourrissant du sang des autres. « Puisque je suis prisonnier de mon propre
corps, je dois plus que jamais apprendre à m’évader par la pensée. Organiser ma
résistance en mobilisant les ressources de l’imagination. Je vais travailler
dur au rêve de m’en sortir ».
La lutte va être âpre,
quotidienne surtout avec Dame Oclès sur les talons, la Belle en noir qui est là
dans un coin, le sourire aux lèvres, patiente, présente. Elle guette.
Il faut un donneur de moelle. Il
n’y en a pas. Les transfusions s’accélèrent. Heureusement, les nymphirmières
sont là et veillent.
Et puis, il y a les copains :
deux catégories. Ceux qui s’éloignent parce que la maladie, ça fout la trouille
et ceux qui restent, la famille et Rosy, l’amoureuse, la courageuse.
Les globules blancs fondent, le système
immunitaire aussi, l’entrée en chambre stérile est inéluctable. Et la lutte
commence.
Heureusement, il y a le recueil
de poèmes Feuilles d’herbe de
Walt Whitman, l’ukulélé, la poésie, l’écriture et la musique. Elle n’aime pas
ça Dame Oclès, les gens qui l’oublient, les gens qui créent au lieu de penser à
mourir, elle tape du pied, veut attirer l’attention.
Mais Mathias écrit, compose,
travaille dans le siège-oeuf de son
appartelier. Tiens, je me dis qu’il y a du Vian chez Malzieu, non ?
Ce livre est un hymne à la vie :
Mathias lutte contre la mort en jonglant avec les mots, l’humour, la poésie, la
musique. Il est drôle, grand gamin, espèce de Gavroche sous les balles de la
maladie, il saute dans tous les sens, ça fuse, ça siffle et lui chante, écrit,
joue. Les pires situations deviennent désopilantes, certains passages du livre
sont à pleurer de rire. Il est touchant et donne la pêche. Quelle leçon de
vie !
Notre Dionysos, comme celui de la
mythologie, est né deux fois, il a deux mamans, la première qui l’a mis au
monde et la deuxième, celle qui a donné son cordon ombilical : « Qui
peut-elle bien être ? s’interroge-t-il, ma voisine ? Une
indienne ? Björk ? » Il a mis son T-shirt
Spiderman et s’est transformé en
super-héros. Dame Oclès gît, sans vie…
Et c’est reparti : crêpes à
gogo, pots de Nutella en veux-tu en voilà, skate et musique ou l’inverse… La
fusée a décollé, accrochez-vous ! « Cinquante ans de bonus pour
ultra-vivre ! » J’en connais un qui va en profiter…
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