Éditions Albin Michel
Terres d'Amérique
traduit de l'américain par F. Camus-Pichon
♦♦♦♦♦ (immense coup de coeur !!!!)
Magnifiques
nouvelles, merveilleuses nouvelles, indispensables nouvelles… Et je
pèse mes mots ! D'ailleurs je vais vous demander de me croire
sur parole car je sens qu'il va m'être difficile de trouver les
termes justes pour évoquer toute la beauté, la sensibilité et
l'amour que renferment ces nouvelles. Lisez-les et vous verrez, vous
allez adorer, c'est sûr !
De
quoi parlent-elles ?
Des
lieux, des hommes et des femmes qui y vivent, d'un monde rural,
sauvage, situé dans le Nord- Est des États-Unis : le Vermont,
petit État très peu peuplé et recouvert essentiellement de forêts…
Certains sont restés toute leur vie là où ils sont nés, d'autres
sont partis, ont préféré continuer leur existence ailleurs, en
quête d'un bonheur ou d'une réussite qu'ils pensaient ne jamais
atteindre en restant sur ces terres sauvages.
Mais
un jour, ils reviennent. Les parents ont vieilli ou sont morts, les
champs étouffent sous les mauvaises herbes, les toits des fermes
menacent à tout moment de s'écrouler, les mobil- homes et les
cabanes de chasseur prennent l'eau, des bouteilles de bière ou de
whisky jonchent le chemin principal et les bois vigoureux ont pris
leurs aises.
« Il
se passe quoi avec ces champs ? Cette façon qu'ils ont de
rendre possibles toutes les directions . D'ouvrir des
perspectives aux maisons, aux terrasses, aux voix. Cette façon dont
le mot même - « champs »- te donne l'impression
d'être à la fois domestiquée et sauvage, mi-loup mi-humain,
capable de t'avancer vers cette terrasse avec sa fumée et ses rires,
ou bien vers les bois, où tu pourrais tranquillement, sans bruit,
commencer à marcher. »
Revenir
sur ces terres, c'est retrouver l'enfance, les baignades nus dans les
rivières glacées, les odeurs de pins, d'érables et de fougères,
les promenades nocturnes dans les forêts mystérieuses où veillent
le cerf, le lynx ou le puma, les cris des animaux sauvages.
Alors,
soudain, naît le sentiment que si la vie dans ces lieux est
difficile, ailleurs elle est peut-être tout simplement impossible.
Une question se pose : où se construire ? Ici ou là-bas ?
Peut-on être d'ici et vivre là-bas sans souffrir, sans ressentir un
manque ?
« Je
m'arrête un moment sur cette route, les bras ballants, et je ferme
les yeux en me disant que la vie nous offre peut-être plus d'une
chance de nous en sortir, ou différentes formes de chance, et je me
remets à marcher vers l'endroit où je suis né, celui où trop de
mes proches sont morts, et sous cet angle la maison et la grange
paraissent curieusement moins solides, moins violentes, moins
permanentes, leur semi-ruine laisse entrer une nouvelle sorte de
lumière, et les rivières, qui à l'aube ressemblaient à des
veines, ont maintenant l'air de rivières charriant leurs eaux
froides vers un lieu plus vaste, encore à déterminer, où je me
sentirais chez moi. »
Enfin,
revenir, c'est surtout, bien sûr, revoir ceux qu'on aime. L'émotion
est intense et Robin MacArthur peint de façon extrêmement subtile
et délicate ces retours, les silences qui les accompagnent dans
l'intimité d'une soirée de fin d'été, le surgissement d'un passé
qui soudain affleure, affolant les pensées tellement l'amour est là,
fort, puissant, au détour de chaque chemin, à la lisière des
grands bois sombres, dans l'air vif des matins frais, dans les rires
et les larmes des visages aimés, dans les rides de ceux que l'on n'a
pas vus vieillir parce qu'on est parti. Alors, surgit, vaguement, une
certaine nostalgie, une forme de culpabilité, même, que l'on noie
dans l'alcool et les larmes.
J'aimerais
tellement vous en dire plus pour vous persuader de lire ces nouvelles
magnifiques dont l'écriture exprime si magistralement toute la
complexité des sentiments des personnages, solitaires ou marginaux,
un peu paumés, usés par la vie, déchirés par les séparations
liées à la perte de l'être aimé ou simplement à son éloignement.
Par
définition, une nouvelle est un texte court, concis et pour ma part,
je suis toujours un peu frustrée lorsque j'en achève la lecture,
mais les textes de Robin MacArthur ont une force, une puissance
d'évocation telle qu'en quelques mots, elle bâtit toute une
histoire, tout un passé et un avenir, nous rend ses personnages
attachants, vivants, terriblement humains dans leur fragilité et
leur vulnérabilité.
J'ai
achevé la lecture de chacun de ces textes dans un état proche des
larmes tellement l'émotion est intense, c'est dire à quel point
j'ai été saisie par ces portraits magnifiques.
« Elles
ressemblent à quoi les femmes de chez toi? » demande
Matthew à Hannah.
« Les
femmes de chez moi, en tout cas . Voilà ce que je réponds
intérieurement à Matthew. Sauvages. Ridicules. Seules dans leur
maison. Un vent frais s'engouffre sous le calicot de ma robe, me
lèche les cuisses. Et moi ? A quelle maison j'appartiens ?
A quel pré ? Les grillons stridulent de plus belle, partout.
Toujours ce même vieux, très vieux chant d'amour. »
Surtout,
surtout, ne passez pas à côté de ce petit chef-d'oeuvre !
Je vous propose un lien vers le blog de Robin MacArthur : cliquez ici !
Ok Ok c'est bon... je m'en vais me procurer ce recueil dont tu parles avec tant d'émotion. Tu me l'avais déjà suggéré sur mon blog mais je vois que tu ne lâches pas l'affaire... :-)
RépondreSupprimerNon,non, comme tu le dis, je ne lâche pas l'affaire! J'espère que tu ne seras pas déçue! Franchement, ça m'étonnerait! J'ai hâte d'avoir ton avis!
SupprimerPour ma part, je ne me suis jamais baignée nue dans une rivière glacée et ça n'arrivera jamais... mais ton enthousiasme est très communicatif, et j'espère bien que l'auteur sera au festival America l'an prochain ;-)
RépondreSupprimerSache Sandrine que moi non plus je ne me suis pas baignée nue dans une rivière glacée... Cela dit, en ce moment, en Bretagne, la mer n'est pas glacée mais presque et je n'arrive pas à mettre un pied dans l'eau: question d'entraînement certainement.
SupprimerOù a lieu le festival dont tu parles?
j'ai également adoré ce recueil et ma mère, qui ne lit pas de nouvelles, a aussi beaucoup aimé. Le festival America a lieu tous les deux ans (prochaine édition en 2018) à Vincennes aux alentours des 8-10 septembre.
SupprimerMerci Electra pour l'info, hélas, je ne pourrai certainement pas me rendre à ce festival... Vous me raconterez!
SupprimerSuperbe critique, très alléchante ! Ce roman se retrouve donc sur ma liste de courses lectures à mettre dans ma valise, auquel figure déjà "Les garçons de l'été" ...
RépondreSupprimerOh, oui, Sandrine, ces deux ouvrages sont vraiment très très bons, ne passe surtout pas à côté !
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