mercredi 18 juillet 2018

Est-ce ainsi que les hommes jugent? de Mathieu Menegaux


 Éditions Grasset
  ★★★★★

Avalé, d'un coup, en quelques heures ! Très kafkaïen ce dernier Menegaux qui met en scène un homme, Gustavo Santini, que l'on vient arrêter chez lui, à l'aube, devant les yeux médusés de sa femme Sophie et de ses enfants, Martin et Daniel. Perquisition musclée, interrogatoire tendu, procès-verbal à signer. Chaque membre de la famille est cuisiné séparément, tous les tiroirs de la maison retournés, les bouquins jetés à terre (quelle horreur, je crois que j'aurais été capable d'en étrangler plus d'un!)
De quoi est accusé ce bon père de famille, ce directeur financier modèle qui s'apprêtait à effectuer la présentation d'un projet essentiel à sa carrière ?
De tentative d'enlèvement sur mineure et d'homicide volontaire, rien que ça !
Se souvient-il précisément de ce qu'il a fait un samedi matin trois ans auparavant ? Heu, non, pas vraiment ! Ah, c'est embêtant, très très embêtant même ! Parce que Gustavo Santini va devoir prouver à la police qu'il n'est pas coupable. Autrement ? Eh bien, cela signifie qu'il l'est ! Et tant pis pour la présomption d'innocence !
Quelques années plus tôt, une jeune fille, Claire, a failli être enlevée sous les yeux de son père qui, après l'avoir arrachée des bras du malfaiteur, s'est jeté sur la Renault Mégane blanche que ce dernier conduisait. Mais il est mort écrasé par le véhicule qui a réussi à prendre la fuite.
Or, Gustavo Santini possède justement une Renault Mégane blanche et comme par hasard, il a dû faire changer tout le pare-choc avant, après s'être pris des plots en acier dans un parking public. Et pour ça, il est allé dans un garage loin de chez lui, a payé en liquide. Bien sûr, il a ses raisons, il est capable de se justifier mais, vous en conviendrez, c'est tout de même un peu bizarre, non ? Simple coïncidence ?
Sans compter qu'il est blond, comme le criminel recherché et possède une veste en jean... Et puis, d'autres faits étranges viennent semer le doute… Mais peut-on les considérer pour autant comme des preuves ?
Alors, ce Santini est-il un être double, capable d'enlever des enfants, de tuer un homme puis de finir sa journée en famille, au restaurant ?
En attendant, il va être conduit dans les bureaux de la DRPJ de Versailles pour être interrogé sans relâche et sans aménité puis placé dans une cellule. Là, il aura le temps de réfléchir !
Gustavo Santini a beau rechercher, tenter de reconstituer son emploi du temps, non, il lui est impossible de prouver son innocence. Pour autant, cela fait-il de lui un coupable ? Ce qui signifierait que nous sommes tous des coupables en puissance…
Ce roman de Mathieu Menegaux, parfaitement maîtrisé dans sa construction, montre que lorsque la machine judiciaire s'abat sur vous, c'est l'engrenage, la fameuse spirale infernale, il devient très difficile voire impossible de s'en extraire. Peut-on considérer quelqu'un comme coupable simplement parce que les apparences sont contre lui? 
Le jeu judicieux des points de vue mis en place par l'auteur permet de comprendre qu'au fond, tout le monde a ses raisons. La victime veut que l'assassin soit puni, le policier souhaite venger la victime, la société attend qu'on la débarrasse de l'assassin. La pression est forte. Quelqu'un doit être arrêté. Il faut un nom. Et vite si possible. Le temps presse.
Alors, on se contente de ce qu'on a, on transforme hâtivement les indices, les faits en preuves, et puis, finalement, on trouve que « ça colle » pas mal. CQFD.
Nous-mêmes, lecteurs, nous finissons par douter de la bonne foi de celui qui ne cesse de clamer son innocence. Après tout, on en a déjà vu des bons pères de famille à qui on aurait donné le Bon Dieu sans confession et qui se révélaient être de monstrueux assassins !
Croyez-moi, ce que va vivre le pauvre Santini est bien pire qu'un cauchemar !
Quand une société dite civilisée s'adonne à la pire des sauvageries...
Un roman glaçant.

A lire absolument !




4 commentaires:

  1. De cet auteur j'ai lu -et aimé- "Je me suis tue", une histoire terrible mais passionnante.
    Apparemment ce roman est de la même veine: glaçant!
    Devant tant d'enthousiasme,je vais l'ajouter dans ma liste!

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  2. Moi aussi j'avais beaucoup aimé "Je me suis tue". Mais n'hésite pas, Mary, à découvrir celui-ci, qui est aussi vraiment bon! Tu ne pourras pas le lâcher avant la fin!

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  3. Je viens de le finir. Bp aimé aussi ! Merci pour ce partage !

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