Éditions Mercure de France
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Gilles
est un homme qui nage. Crawl, brasse, papillon. Et pourtant, il y a
peu, Gilles n'aimait pas nager. Mais alors pas du tout ! Surtout
dans une piscine municipale et, encore moins, tôt le matin.
Mais
là, il s'applique, allonge son corps, goûte la caresse de l'eau sur
sa peau et le silence sourd qui semble l'envelopper lorsqu'il nage
sous l'eau.
Non,
Gilles Sauvac n'est pas sportif. Il est musicien, musicien
professionnel, connu et reconnu sur la place publique. Un gars
sérieux qui a toujours tout bien fait comme il faut, depuis qu'il
est petit et sans jamais protester. Devant son piano, nuit et jour,
jour et nuit. Parce que la musique, ça se travaille, tous les jours,
sans relâche.
« Il
bouffait du Mozart à longueur de journée, tutoyait Brahms et
Scarlatti, déchiffrait les concertos de Rachmaninov l'air de rien,
s'avalait les Études transcendantales de Liszt en sirotant un soda
glacé, se reposait le dimanche avec Gaspard de la nuit en doublant
le tempo. »
Le
genre de musicien à arriver plusieurs heures à l'avance dans la
salle où il doit donner un concert pour vérifier l'emplacement de
l'instrument, la hauteur du tabouret, la température de la salle. Un
repas léger et hop, on est prêt pour le concert…
Tout
a toujours roulé. Il suffit d'être un tant soit peu discipliné,
n'est ce pas ?
Mais
un jour, tandis qu'il joue le concerto en la mineur de Schumann
devant une salle comble, quelque chose coince, une douleur
insoutenable se fait ressentir. C'est la catastrophe. Et tout est
remis en question…
Alors,
tandis qu'il nage inlassablement, Gilles s'adresse en pensée à
Schumann qui a vécu lui aussi une forme de paralysie de la main,
allant jusqu'à ne plus pouvoir jouer avec certains doigts ! Il
s'adresse à celui qui comme lui a souffert et a connu le pire que
puisse connaître un musicien.
Quand
le corps parle, dit le trop plein, l'impossibilité de continuer,
quand le corps dit STOP et nous supplie de passer à autre chose,
d'arrêter, de refuser ce que l'on a toujours accepté même à
contre-coeur...
Piano
Ostinato évoque la lente et inconsciente plongée d'un homme
qui n'a jamais dit non et qui s'est cru heureux. « Ah non ça
je ne le ferai pas. Ah non plutôt crever ! »
avait-il dit à son agent qui lui demandait toujours plus... Plutôt
crever…
J'ai beaucoup aimé l'écriture sensible et délicate de ce roman,
les longues phrases qui miment les larges mouvements de Gilles dans
la piscine, l'ironie légère que l'on sent poindre ici et là, les
judicieux jeux de points de vue à travers les passages du « il »
au « je ». J'ai trouvé aussi très touchant ce
parallélisme entre les deux vies, celle de Gilles et de Schumann
qu'il appelle Robert, puis Bobby, tellement il se sent proche de
celui qui est devenu un frère de coeur et de condition. « Herr
Schumann, qu'es-tu parti chercher dans ces eaux troubles ? »
demande-t-il à l'homme génial qui a voulu mettre fin à ses jours…
Je
ne vous cache pas que j'attends déjà avec impatience le prochain
roman de Ségolène Dargnies. Ses premiers pas en littérature sont
plus que prometteurs et à mon avis, on n'a pas fini d'entendre
parler d'elle...
Je viens de terminer ma lecture de ce roman. Tu en parles bien.
RépondreSupprimerFort tentant !
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