mardi 30 avril 2019

Le chien de Madame Halberstadt de Stéphane Carlier


Éditions Le Tripode
★★★★☆ (c'est Baptiste qui va être content!)


Seul, invisible aux yeux des autres et profondément déprimé : voilà comment se sent le bien mélancolique Baptiste Roy, un pauvre et misérable écrivain dont personne ne lit le tout dernier roman : Entrée dans l'hiver. Trente fois par jour, il consulte avec un peu d'espoir le classement des ventes sur Amazone : mais son texte occupe la 475 758e place, ce qui signifie que 475 757 livres autres que son roman ont été commandés avant le sien. « Un demi-million pratiquement. Les gens avaient préféré se procurer « Enseigner l'éducation physique à nos enfants », un manuel écrit en 1907 par l'abbé François Calot, classé 475 612e, ou « Je suis gugusse, voilà ma gloire », les souvenirs de Micheline Dax, publiés en 1989, classés 474 909e »
Seule sa mère a eu l'extrême gentillesse de lui laisser un commentaire client... sans même penser à s'inventer un pseudo, il est vrai ! Pas plus enthousiaste que ça, Nicole n'a mis que 3 étoiles. « C'est très bien, 3 étoiles ! 5, c'est pour les grands chefs-d'oeuvre. Pour Joyce, Virginia Woolf... »
Ben oui, évidemment…
Baptiste aurait dû écouter les conseils de son éditrice : « Un feel good, voilà ce que tu devrais écrire. Tu le ponds en un mois, tu prends un pseudo, on lui donne un titre à la con, du genre « Il ne faut jamais perdre espoir »- plus c'est gros, plus ça passe- on le sort pour l'été et on en vend 30 000. Ça fera du bien à tout le monde. »
Son histoire d'appartement vide et de famille déportée… ça plombe...
Ah oui, encore une chose : la femme de Baptiste s'est barrée avec Gérard Habib, son dentiste. « Elle partageait la vie d'un romancier sur le point de publier son troisième opus et s'était entichée d'un type qui faisait des détartrages, arrachait des chicots pourris et, à longueur de journée, disait des choses comme « Essayez de manger du côté gauche à midi » ou « Les implants, c'est mal remboursé en général. » » Il vit dorénavant en survêt molletonné Domyos, ne se brosse plus les dents ni le reste…. Quant aux cinq fruits et légumes par jour….
Sur ce , « Mme Halberstadt a sonné à la porte. » Mme Halberstadt et... son chien, un carlin…
Vous voyez ce que c'est, un carlin ? Des « yeux sortant légèrement de leur orbite, un bout de langue à l'air libre, des pattes ridicules, une absence de cou. Il n'y avait rien de normal chez cet animal, tout en lui était trop gros ou trop petit. Sa respiration, courte et très sonore, était celle d'un être chétif, modifié, qui manquait d'oxygène. Même sa couleur semblait hésiter entre le sable, la farine et la cendre. » Ah, ça y est, vous voyez…. Et comme sa chère voisine doit se faire opérer de la cataracte, elle lui propose de garder la bestiole qui ne fait que des « crottes toutes petites et très dures. » 
Il ne manquait plus que ça : une tuile de plus ! Un chien ! Que faire de ce fardeau ? L'abandonner ? Le laisser crever de faim ? Le donner à sa mère ? En attendant, Croquette/Courgette va devoir partager la vie bien sombre de notre quadra qui s'enfonce dans la plus noire des déprimes….
Et... si Croquette/Courgette allait lui changer la vie ? Parfois, il ne faut pas grand-chose pour que tout aille soudain un peu mieux…
Allez, disons-le, je ne suis pas une fanatique des feel good, ça me déprime… Mais quand c'est écrit par Stéphane Carlier, c'est franchement très drôle ! Quel sens de la formule, quel regard juste et décapant sur notre société, quel humour… Je me suis régalée avec ce petit livre piquant, décapant, désespéré, tendre et beau à la fois qui m'a beaucoup, beaucoup fait rire…
Ir-ré-sis-ti-ble…
Une vraie sucrerie… Et c'est pas Croquette/Courgette qui me contredira...
Moi je dis que vous auriez tort de vous en priver !

dimanche 28 avril 2019

Né d'aucune femme de Franck Bouysse


La Manufacture de livres
★★☆☆☆ (bof, bof)


Il était une fois une famille de pauvres paysans : le père, la mère et les quatre filles. Un jour, le père décida de vendre son aînée à un homme riche qui en fit son esclave. Le père regretta son geste et voulut récupérer sa fille mais…
Né d'aucune femme est un conte, noir, cruel, sombre, qui utilise tous les archétypes du conte : un cadre spatio-temporel imprécis ; des personnages nettement caractérisés : les gentils (héros ou héroïnes), les méchants (les opposants) et ceux qui aident les gentils (les adjuvants). Pas de profondeur psychologique : c'est normal puisque dans un conte les personnages répondent à une fonction. Le schéma narratif est celui du conte : une situation initiale (ils sont pauvres mais heureux sans le savoir), un événement perturbateur (la vente), quelques péripéties (le père veut récupérer sa fille…), un élément de résolution et une situation finale. On a aussi le château, la chambre interdite, la femme prisonnière...
Né d'aucune femme répond donc aux critères du conte, sans originalité particulière sinon la longueur. Il m'a semblé d'ailleurs que tout était prévisible, attendu : dans l'ensemble, aucun événement ne m'a surprise. Le conte se déroule tranquillement, on sait où l'on va et l'on y va. Pas franchement de suspense et beaucoup de longueurs donc…
Par ailleurs, j'ai depuis longtemps passé l'âge de pleurer sur des personnages de contes : ni Rose, ni son père ni qui que ce soit ne m'ont particulièrement émue, j'ai suivi le déroulé de l'histoire sans jamais m'attacher aux personnages à qui il aurait bien pu arriver n'importe quoi, peu m'importait dans la mesure où, la situation étant invraisemblable, les personnages l'étaient tout autant.
Pas d'originalité non plus dans l'entrée en matière : un prêtre trouve un cahier écrit par une femme. La lecture de ce cahier sera l'objet du conte. Rien de nouveau sous le soleil.
Une écriture assez plate sur les trois quarts du livre puisque c'est Rose qui est censée parler.
Bon.
Pourquoi pas ?
Des longueurs, de l'ennui, aucune surprise…
Tout ça pour dire que je suis très étonnée par les louanges dithyrambiques lues ici ou là sur ce roman. Comme je l'ai déjà dit, je ne vois aucune originalité dans la forme ou dans le fond. Tout est attendu et cousu d'un fil blanc bien épais.
Mais en plus de cela, certaines choses m'ont franchement énervée : d'abord le côté mélo. Certes, cela peut se rattacher au genre choisi, mais là, vraiment, ça dégouline de partout, on se croirait parfois dans les pires romans-feuilletons du XIXe… Et que je t'en remette une couche et encore une (que c'est lourd, appuyé)… Oui, cette affaire est bien triste, très triste même, on l'a compris, pas la peine d'en rajouter… Que de pages pour faire pleurer dans les chaumières…. Quelle surenchère dans le misérabilisme...
Autre point (qui m'a déplu) : imaginez une pauvre gamine de 14 ans, séparée de sa famille, qui arrive dans une demeure tenue par deux étrangers qui la séquestrent. Elle parvient tout de même à échanger un peu avec un homme à tout faire (un gentil lui). Eh bien, la petite chérie, qui vient d'avoir ses règles et qui, donc, est devenue une femme, se sent soudain tout émoustillée par le dos du beau jardinier… Tiens donc… Et que je te le reluque… Oh qu'il est beau le gredin…. Là, je me suis soudain demandé où l'auteur nous emmenait. Tout cela m'a paru complètement saugrenu vu la situation (même si rien n'est vraisemblable dans un conte… il y a quand même des limites, non?) Malaise… S'agit-il d'émoustiller le lecteur ?
Non, ce ne sont pas les scènes violentes qui m'ont gênée, j'en ai lu d'autres et des bien pires, ce sont plutôt ces scènes d'éveil des sens qui m'ont semblé artificielles et m'ont mise mal à l'aise.
Alors non, je ne partage pas l'enthousiasme général, loin de là.
Mais ce n'est que mon petit avis !

mardi 23 avril 2019

Je suis né quelque part de Daniel Schreiber


Éditions Autrement
★★★★★★ (Passionnant)


Par une très belle journée de printemps, tandis qu'il se promène dans Londres, Daniel Schreiber, journaliste et essayiste, ressent comme un énorme coup de mou, une chape de plomb qui lui tombe dessus et l'anéantit. Tentant d'analyser l'origine de son mal, il a l'intuition qu'à quarante ans, ce qui lui manque, c'est un lieu où se poser, où vivre, où être heureux. « ...c'était un sentiment d'ancrage et de sécurité qui semblait me faire défaut. La nostalgie qui donnait le ton à cette crise était celle d'un port d'attache, d'un enracinement. »
Installé à Berlin depuis quelques années et ayant vécu à New York avec un ami puis à Londres, il reste pourtant bien persuadé qu'il demeurera, comme beaucoup de gens à notre époque, une espèce de citoyen du monde, sans réel port d'attache, vivant loin de son lieu de naissance, pour lui un village du Mecklembourg en ex-RDA.
Mais ne fait-il pas erreur ? Autrement dit, peut-on vivre sans jamais s'installer vraiment ?
Il lui faut donc chercher d'où viennent ce sentiment de manque et cette nécessité absolue et quasi existentielle qu'il ressent dorénavant de s'enraciner quelque part.
Daniel Schreiber va donc, d'une certaine façon, mener une enquête pour comprendre d'abord ce qui nous constitue : il constate tout d'abord que le passé vit en nous longtemps, bien plus longtemps qu'on ne l'imagine et cela, sans que nous en ayons vraiment conscience.
Par ailleurs, il nous faut porter ce qu'ont vécu nos parents, grands-parents et arrière-grands-parents, ce dont nous avons été témoins, ce qui nous a été dit ou tu.
Précisons que la famille de l'auteur a vécu au XIXe siècle en Volhynie (nord-ouest de l'Ukraine actuelle), région rattachée anciennement à la Russie. À la fin du XIXe, plus de deux cent mille colons allemands s'y installent. En 1921, cette région devient polonaise et en 1939, elle passe sous contrôle soviétique…
Ainsi, la famille de Daniel Schreiber, et notamment son arrière-grand-mère qui, pour des raisons politiques, a dû fuir plusieurs fois son lieu d'attache, s'est toujours sentie « réfugiée », « exilée » là où elle se trouvait. Les sentiments de paix et de sécurité lui sont donc restés inconnus.
L'auteur a-t-il inconsciemment « hérité » de ce manque ? N'est-il pas involontairement en train de revivre ce sentiment d'être étranger au lieu où il vit comme autrefois ses aïeux ? L'histoire familiale explique-t-elle son malaise, le génère-t-elle ? Est-il « porteur » des traumatismes de ceux qui l'ont précédé ? Ou bien lui faut-t-il chercher encore ailleurs, creuser une autre piste ?
Ce qui est certain, c'est qu'il ne se sent pas chez lui à Berlin, ville qu'il n'a de cesse de fuir. S'il s'est cru pendant longtemps capable de s'installer n'importe où, c'est le contraire qui s'impose soudain comme une évidence. À Berlin, il a le sentiment que sa vraie vie n'est pas là. Il ne vit à Berlin qu'une « existence provisoire » : plus tard et surtout ailleurs, il sera un autre homme, différent, nouveau, heureux.
Et s'il se trompait, et s'il perdait son temps dans cette attente vaine, dans ce leurre d'un bonheur à venir ? Et si la « solution » du problème se trouvait dans des traumatismes de l'enfance que l'auteur devra exhumer ?… Encore une autre piste à explorer...
J'ai trouvé cet essai de Daniel Schreiber vraiment passionnant : on le lit quasiment comme un roman, porté par l'enquête qu'il mène pour comprendre son malaise profond et son incapacité à s'installer durablement et à être heureux à Berlin.
Chacun se sentira concerné par les réflexions de l'auteur sur ce qui constitue notre identité, la question de l'héritage, familial et historique.
Cet essai s'intéresse aussi au rapport que l'on a au lieu où l'on vit (pays/ville/maison), à notre plus ou moins grande capacité à y trouver le bonheur (aux conditions nécessaires pour y parvenir) et à la notion de sécurité dont nous avons besoin pour vivre… pour ne citer que quelques problématiques abordées par l'auteur.
Finalement, il nous propose différentes pistes qu'il nous laisse explorer librement pour comprendre notre rapport au monde et le lien qui existe entre ce monde et notre géographie intérieure.
Les citations sont nombreuses, les références aussi… Et l'auteur, en partant de son expérience intime, nous amène à réfléchir et à nous interroger sur des notions que l'époque actuelle tend à banaliser alors qu'elles sont essentielles à notre bonheur.
Indispensable !

En lisant cet essai, j'ai pensé à deux textes que j'ai lus récemment et qui m'ont beaucoup touchée : Les Enténébrés de Sarah Chiche, roman dans lequel l'auteure s'interroge sur la notion d'hérédité, « la malédiction familiale », et sur ce que l'Histoire fait de nous. Ne sommes-nous pas, dans le fond, la somme de choses qui nous dépassent et dont on ne nous a pas nécessairement parlé ?
Dans le faisceau des vivants : Valérie Zenatti évoque là, de façon extrêmement touchante, l'infinie tristesse qui s'est emparée d'elle lorsqu'elle a appris la mort d'Aharon Appelfeld, écrivain israélien qui avait dû quitter enfant sa ville natale de Czernowitz (ville roumaine puis ukrainienne) sans jamais pouvoir y retourner. Ses rêves furent toute sa vie peuplés de neige et de bouleaux au tronc blanc...


dimanche 21 avril 2019

Elle le gibier d'Élisa Vix


Éditions Rouergue noir
★★★★★☆  (Noir de chez noir!)

« CEO », « process codifié », « call-center », « open spaces », « tableaux Excel de reporting », « brainstorming » … Toutes ces expressions vous parlent ? Vous n'êtes donc pas complètement étranger au monde de l'entreprise ? Eh bien moi, je dé-cou-vre et FRANCHEMENT… ça fait PEUR, non ?
Bon, que je vous raconte : après de longues études en neurosciences s'achevant sur une thèse et trois ans dans un labo public de recherche, Chrystal s'est retrouvée au chômage et c'est comme cela qu'elle a été amenée à postuler pour un poste de chargée d'information médicale chez Medecines. Il s'agissait pour elle de répondre au téléphone à des professionnels de santé ou des patients qui s'interrogent sur tel ou tel médicament (effets secondaires, etc, etc).
Pas grand-chose à voir avec sa formation mais bon, faut bien gagner sa vie...
Le hic, c'est qu'il lui est visiblement arrivé quelque chose… Mais quoi ?
Et au fond, qui est responsable de tout ça ? Ceux qui ont vu et n'ont rien dit ?
Nous aurons différents témoignages sur cette jeune fille, notamment celui de Cendrine qui, après une thèse de biologie sur le ribosome du zebrafish (ah, ça ne vous dit rien?) et plusieurs mois de chômage, est entrée le même jour que Chrystal chez Medecines, entreprise qui venait d'obtenir le label « Great Place to Work ».
Ah ! ça donne envie Medecines : c'est 1984 (d'Orwell) en pire : le cauchemar, la surveillance de tous les instants, le viol de l'intimité, l'irrespect, l'humiliation, la dévalorisation, l'exploitation, la déshumanisation… J'arrête là mais je pourrais continuer longtemps !
QUEL MONDE, MAIS QUEL MONDE !!!
A la fin du livre, l'auteure avoue que tout ce qu'elle a écrit dans ce roman lui est venu de sa « désastreuse carrière professionnelle » : «Face à l'adversité managériale, je me contentais de jubiler intérieurement en pensant « Le p… de bouquin que je vais écrire ! » Viva la literatura! »
Pour du noir, c'est du noir ! Dans le roman, le système est résumé par un témoin, Jean-Christophe D., le médecin-conseil de l'entreprise : « ...la prestation est une belle saloperie. Les labos y ont recours pour ne pas prendre de risque et pour diminuer leurs coûts. Ils imposent des prix et des délais intenables, tout en passant leur temps à contrôler leurs preneurs d'ordres… Et tout ça retombe sur les salariés du prestataire : salaire de misère, surcharge de travail, validation chronophage à tous les étages, audits à n'en plus finir, stress… On leur impose une pression insupportable au nom du maître-mot : la rentabilité. Ou tu tiens le coup et tu es rentable ou tu te casses. En résumé, des labos brassant des millions (sur le dos de l'assurance maladie) aux ordres d'actionnaires pleins aux as (qui s'exilent au Portugal mais reviennent se faire soigner en France), mettent la pression sur des sous-traitants qui mettent la pression sur leurs salariés sous-payés (qui cotisent pour l'assurance maladie). »
CQFD
Le monde de l'entreprise décrit par Élisa Vix fait trembler. Mais le pire, c'est qu'il correspond à une réalité que je devine terrible : celle d'une machine qui broie les individus, les brise et les achève. Le tout dans le silence de ceux qui ont peur.
Glaçant.
L'écriture précise d'Elisa Vix ne va pas par quatre chemins pour décrire un monde effrayant : 140 pages d'une efficacité redoutable qui mettent à nu un système monstrueux.

Une vraie réussite !


mercredi 17 avril 2019

Dans le faisceau des vivants de Valérie Zenatti


Éditions de l'Olivier
★★★★★★ (Magnifique!)


Quelle splendeur que ce livre !
Voilà, c'est dit, et je souhaiterais presque n'ajouter aucun mot à ceux de Valérie Zenatti. Ils sont tellement beaux, sensibles, sincères, intimes qu'ils m'ont touchée au coeur et je sais que je garderai à jamais inscrite dans ma mémoire la toute dernière partie qui frise le sublime…
Valérie Zenatti est la traductrice du romancier et poète Aharon Appelfeld avec lequel elle a noué au fur et à mesure des traductions et des rencontres un lien extrêmement fort. Lorsqu'elle apprend sa mort le 4 janvier 2018, elle est sidérée, accablée, anéantie : elle perd un proche, un père, un ami, un amour, une âme-sœur, un double même peut-être. La veille de sa mort, le sachant très malade, elle a pris un billet pour Tel-Aviv et le lendemain, tandis qu'elle s'apprête à monter dans l'avion, elle découvre une alerte sur son téléphone portable. Aharon Appelfeld vient de mourir quelques jours avant son 86e anniversaire.
Après les obsèques et le retour en France, Valérie Zenatti ressent une incapacité profonde à se lancer dans une activité quelconque qui lui permettrait d'occuper son esprit. Elle se sent vide, abandonnée, perdue. « Je ne sais pas comment je vais vivre maintenant… je ne sais pas comment vivre sans Aharon. » Elle se replonge alors dans les interviews d'Aharon qu'elle peut trouver sur le net. Elle réentend sa voix, retrouve ses gestes, son regard, ses silences. Elle se perd dans ces images pour tenter de faire revivre ce double perdu et nous entraîne avec elle au plus près de cet homme qui vient de mourir. Elle rêve de lui, réécoute ses messages, compte le nombre de jours qu'il a vécus, se souvient de leurs échanges, des phrases qu'il a prononcées, des mots qu'il lui a glissés à l'oreille. Les personnages des livres qu'elle a traduits lui reviennent en mémoire : elle est eux, elle est lui.
Dépossédée d'elle-même, elle refuse tout d'abord de sortir de cet état comme pour rester avec lui, ne pas l'abandonner. Elle pense avec une profonde tristesse au prochain livre qu'elle traduira sans qu'elle puisse parler avec lui, sans pouvoir échanger sur ses sentiments, ses émotions.
Elle nous raconte l'existence incroyable de cet homme avec lequel elle ne fait qu'un : « Et ma voix s'est élevée pour traduire : Je suis né à Czernowitz en 1932. Et quelque chose en moi murmurait, je suis née à Czernowitz en 1932. » « On me dit que je lui ai donné ma voix en français, mais ce n'est pas tout à fait ma voix, c'est la sienne que je porte en moi et qui existe dans ma voix pour lui, pour le comprendre et le traduire, livre après livre, et pour toutes nos conversations silencieuses. »
Alors un jour, elle prend un avion pour Kiev, puis un train pour Czernowitz en Ukraine (jadis rattaché à la Roumanie) afin de se trouver le jour anniversaire d'Aharon Appelfeld, le 16 février 2018, là où il est né, là où il a vécu enfant, là où il a puisé à jamais les images qui peuplent ses livres. Peut-être le retrouvera-t-elle un peu dans les rues de cette ville et parviendra-t-elle à éprouver une certaine forme d'apaisement. Et si rien ne venait ? Si aucun signe de lui ne se manifestait ? Et si Aharon avait disparu à jamais ? Etait-ce possible ?
Je peux à peine parler de ces dernières pages sublimes sans que les larmes ne me montent aux yeux. Quelle pure beauté, quelle grâce… Quel magnifique texte sur les liens puissants qui peuvent unir un écrivain et sa traductrice.
Un très grand texte et, bien sûr, un hommage hors pair à un homme exceptionnel : Aharon Appelfeld.

samedi 6 avril 2019

Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse


Éditions Noir sur Blanc
★★★☆☆


Vivian Maier… Est-ce bien utile de présenter cette nourrice qui passait son temps à photographier les gens qui se trouvaient sur son chemin tandis qu'elle marchait au hasard des rues de NewYork puis de Chicago, un œil sur les gamins qu'elle gardait, l'autre sur le monde agité et fou de la rue ?
Plus de cent cinquante mille photos prises, la plupart non développées.
Qui était-elle ?
Je la découvre en juillet 2014 lors de la sortie du film de John Maloof et Charlie Siskel : Finding Vivian Maier. Plus exactement, je reste fascinée par l'affiche du film placée dans un panneau en verre derrière le stop à la sortie du collège où je travaille. L'affiche retient mon regard. Très vite, son histoire me fascine ; ses photos, et notamment ses autoportraits dénués d'expression, me saisissent. Je commence à rassembler tout ce que je trouve à son sujet. Pas grand-chose encore mais ce pas grand-chose me suffit. Je m'en délecte. Il est de plus en plus question d'elle dans les journaux. Ma collection s'agrandit. Lorsque je tombe sur un autoportrait, je jubile et m'en repais.
Et puis l'année dernière, avec les enfants, nous allons à New York. Je me rends compte qu'arpentant les rues, je pense à elle à chaque moment, m'amuse à me photographier « à la manière de ». Je joue à elle. Vers la fin du séjour, au pied du pont de Brooklyn, nous tombons par hasard sur une librairie. Et là, pour la première fois, je découvre des livres entiers sur elle. Je ne décolle pas. Mais ils sont chers et ne sais pas choisir. Je photographie quelques pages (oui, c'est mal) pour ajouter quelques clichés à ma collection. Et puis Paris, janvier 2019, galerie Les Douches, rue Legouvé dans le 10e, je découvre pour la première fois ses photos grandeur nature… Et là, je m'achète un premier album : ses autoportraits. A chaque page, tandis qu'elle se cache dans un reflet de miroir ou de vitre, je m'abîme dans une contemplation que peu d'oeuvres d'art ont suscitée chez moi.
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela? Eh bien parce que lorsque j'ai su que Gaëlle Josse avait écrit un texte sur Vivian Maier, j'ai eu peur de l'effet produit par cette fusion, c'était pour moi comme si deux géantes s'étaient donné rendez-vous. J'aime beaucoup beaucoup les romans de Gaëlle Josse, Une longue impatience m'a touchée au coeur et je n'oublierai jamais certaines scènes de ce texte.
Bref, deux grandes allaient se rencontrer… Qu'est-ce que tout cela allait produire ? Comment Gaëlle Josse allait-elle « s'emparer » de cette femme tellement étrange qu'est Vivian Maier ? Par quel « bout » allait-elle la prendre, en parler, NOUS en parler ? Comment s'approcher d'une femme qui demeure un mystère et sur laquelle les témoignages sont extrêmement divergents et très lacunaires ?
L'auteure a choisi de raconter la vie de Vivian Maier, son enfance pas particulièrement heureuse, des parents plutôt défaillants, un long séjour en France puis un retour aux États-Unis, New-York puis Chicago. Il est indiqué en anglais au début du livre : « this is a work of fiction ».
J'avoue que cette précision m'a troublée. Est-ce que pour autant je lisais un roman ? Le mot n'était écrit nulle part. Une biographie romancée ? Pourquoi ne pas choisir l'un ou l'autre ?
Si je connaissais certains pans de la vie de la photographe, son séjour en France demeurait pour moi un peu flou.
Certes, je comblais mes manques mais étrangement, au lieu de m'approcher de Vivian Maier, j'avais la pénible impression de m'éloigner d'elle, comme si toutes ces histoires de famille ne me parlaient pas vraiment de cette femme ; comme si elles étaient là pour remplir un vide, une incapacité fondamentale dans laquelle nous nous trouvons de dire qui Vivian Maier est vraiment.
J'avais envie de la retrouver adulte telle qu'elle est sur ses autoportraits, partir, pour aller vers elle, non de sa famille mais de son œuvre, de ses photos. Recentrer sur l'essentiel : son obsession, son travail. Or, il m'a semblé que le texte passait peut-être trop rapidement là-dessus : « elle travaille sa technique photographique » p 100, oui mais comment ?, que fait-elle précisément ?, note-t-on un changement important, une évolution particulière concernant son travail à ce moment précis ? Et si oui, lequel ? J'aurais eu envie que l'on explore davantage son art de photographe. Cela me manque. Sa vie, on commence à la connaître ; en revanche, j'aurais préféré que le regard de Gaëlle Josse s'attarde sur les photos de Vivian Maier, sur sa façon de voir le monde, les gens, les lieux, sur ses cadrages, ses autoportraits fragmentés (Comment Gaëlle Josse comprend-elle cette femme à l'aune de ce qu'elle a produit ? Quel sens l'auteure donne-t-elle à ces incroyables autoportraits tout en tension?) J'ai finalement eu le sentiment que le texte tournait autour de Vivian Maier sans jamais l'atteindre vraiment. Peut-être aurait-il fallu l'attaquer « de face » et non la contourner : les photos sont citées parfois, trop peu souvent. C'est là que j'attendais Gaëlle Josse, dans une espèce de face à face, yeux dans les yeux : je vais dire ce que je vois quand je TE vois. Je vais dire comment je t'imagine derrière ton Rolleiflex quand tu prends telle ou telle photo. Je vais dire comment je te devine sur les trottoirs, seule ou avec les mômes que tu gardes, avec ce monde autour de toi.
Peut-être même un « je » aurait-il été envisageable, l'auteure se plaçant dans le corps et l'esprit de cette femme. Un roman ? Oui, je crois que c'est ce que j'aurais aimé dans le fond et je pense aussi que c'est de cette façon que le talent de l'auteure se serait vraiment révélé. Parce que c'est vrai, si je n'ai pas trouvé Vivian Maier, j'ai un peu perdu Gaëlle Josse. Je ne la retrouve pas dans ce texte qui m'a semblé parfois un peu « scolaire ». L'auteure est comme bridée par ce récit biographique dans lequel elle n'est pas, qui la tient en dehors de ce qu'elle écrit. Et j'aurais voulu qu'elle soit dedans, que la collusion ait lieu entre l'auteure et son « personnage ». Tant pis si on est dans la fiction, tant pis si on se plante et qu'on passe un peu à côté d'une vérité à laquelle, de toute façon, on n'accédera jamais. Gaëlle Josse redonnant vie à Vivian. La langue de Gaëlle Josse incarnant le mystère Vivian Maier. Oui, finalement c'est ce que j'attendais… et sans doute cela m'a-t-il rendue moins réceptive au projet effectif de l'auteure. Promis, la prochaine fois, j'essaierai de ne pas écrire l'oeuvre à l'avance...

mercredi 3 avril 2019

Doggerland d'Élisabeth Filhol


Éditions P.O.L
★★★★☆

C'est en 2010 que l'on découvre La Centrale d'Elisabeth Filhol : le texte est court, la phrase aussi, et le propos engagé. Le roman décrit le travail quotidien d'ouvriers intérimaires exposés aux radiations dans différentes centrales nucléaires. J'en ai gardé finalement assez peu de souvenirs. J'avais aimé, sans plus.
Je retrouve cette fois-ci l'auteure avec Doggerland (je n'ai pas lu son 2e roman : Bois II) et beaucoup de choses ont changé : elle semble s'être vraiment affirmée, avoir pris son envol. Le livre est épais, 345 pages, et la phrase belle, ample. Le propos reste engagé.
Nous sommes début décembre 2013, le roman s'ouvre sur l'arrivée imminente d'une tempête exceptionnelle sur les côtes d'Europe du Nord : comme dans un film-catastrophe, on suit son parcours et on imagine à l'avance les dégâts humains et matériels qu'elle s'apprête à causer.
Cette tempête s'appelle Xaver. Ted Hamilton, météorologue au siège du Met Office à Exeter, semble inquiet et avant de s'engager dans la salle de presse, il est tenté d'avertir sa sœur, Margaret Ross, directrice de recherche au département de Géographie et Géosciences de l'Université de St Andrews et son beau-frère Stephen. Ils doivent en effet prendre l'avion à Aberdeen pour le Danemark afin de se rendre à un colloque. Cela dit, Ted sait que son beau-frère, salarié de l'entreprise Forewind qui gère un parc éolien offshore, ne renoncera jamais au déplacement : depuis longtemps il est du côté de ceux qui pensent que le vent est un élément positif, maîtrisable et maîtrisé par l'homme. Rien ne l'empêchera de prendre l'avion.
De son côté, depuis maintenant 25 ans, Margaret travaille sur des terres englouties au large des côtes anglaises. Elle consacre sa vie à sa passion, ce vers quoi l'avait poussée son frère Ted. Elle a un fils David qui s'intéresse aux mêmes sujets, mais a-t-il eu le choix ? Margaret, femme secrète et introvertie, semble plutôt hanter sa maison que d'y vivre vraiment, un peu étrangère à elle-même et à sa famille proche.
Si cette tempête l'inquiète à cause du déplacement qu'elle doit effectuer, elle sait que la mer déchaînée va aussi retourner les fonds marins et permettre aux archéologues de travailler plus facilement. « Des millions de tonnes de roches, de galets, de sable sont déplacés. Les falaises reculent, des plages s'affaissent, les hauts-fonds sont remaniés, l'estran est décapé... » Les terres englouties sur lesquelles travaille Margaret s'appellent le Doggerland, elles permettaient il y a huit mille ans d'aller à pied de l'Angleterre au Danemark.
De cet espace les marins remontent régulièrement des os d'animaux fossilisés attestant d'une vie très ancienne. Cette terre « gît par quinze à trente mètres de fond, à cheval sur le 54e parallèle », elle est « une sorte de gué au milieu de la mer du Nord », « une enclave mésolithique à l'époque moderne ». « C'est un pêcheur hollandais, rapportant au paléontologue Dick Mol en 1985 une mâchoire d'homme vieille de neuf mille ans, qui signe l'acte de naissance du Doggerland. »
Cette terre a-t-elle été engloutie en une nuit par un raz de marée géant ou bien très progressivement ? Personne ne le sait.
Toutes ces recherches ont toujours fasciné les archéologues et les paléontologues comme Margaret et bien d'autres étudiants, mais elles intéressent aussi l'industrie pétrolière qui investit énormément en mer du Nord.
Autrefois, Margaret a connu et aimé un étudiant français, Marc Berthelot, qui est devenu ingénieur pétrolier en terrain offshore. Passionné par la prospection, les méthodes d'exploration et d'exploitation, Marc, soudain, comme sur un coup de tête, est parti, est devenu nomade, a parcouru le monde, les mers, cherché à s'étourdir peut-être, un peu.
La vie les a donc séparés. L'un pensant peut-être trouver le bonheur dans le profit et une course folle autour du monde, l'autre préférant s'enrichir de la connaissance, de la recherche. Deux logiques, deux visions du monde radicalement différentes. Pourtant, ces passions opposées n'ont pas empêché Margaret et son mari de s'aimer. Alors que s'est-il passé avec Marc, autrefois ? Comment expliquer cette rupture soudaine ?
Margaret apprend que Marc sera présent au congrès. Qu'adviendra-t-il ? La tempête va-t-elle empêcher la rencontre ?
Qu'est devenu cet homme ? A-t-il vendu son âme au diable, renoncé à tout pour le profit, au risque de laisser les forages fragiliser les fonds marins et le pire arriver ?
Quelles sont les responsabilités de l'homme dans les catastrophes climatiques ?
Il faut le dire, on ressort de la lecture de Doggerland secoué. Oui, sonné par la description des éléments en furie, par ce ciel démonté, ces terres soufflées, ces fonds marins balayés, retournés, émiettés. Doggerland touche à l'épopée, au mythe. Les dates affolent, les époques évoquées stupéfient et donnent le tournis. Ce livre égare, désoriente, déstabilise : on est sans cesse comme au bord de l'abîme, comme pris d'un vertige terrible devant cette nature déchaînée et ces époques reculées qui ébahissent et décontenancent. Espace et temps font vaciller.
On reste glacé par une menace imminente qui plane sur les lieux et les êtres. De même que des strates de sédiments remontent à la surface, le passé de Margaret resurgit alors qu'elle ne l'attendait pas.
Comme je le disais, la phrase d'Élisabeth Filhol a pris ici une belle ampleur et l'auteure parvient à nous plonger dans un univers impétueux, démesuré, fou. On est comme happé, fauché, emporté par cette phrase longue, ample, rythmée, poétique qui nous jette, telle une vague, d'une page à l'autre du roman. À peine a-t-on le temps de reprendre notre respiration que l'on se voit de nouveau projeté dans des temps très anciens ou des profondeurs insensées, ballotté par une tempête qui fait rage. Et c'est une expérience fabuleuse, fruit d'une écriture de virtuose.
Mais, car il y a un mais, pour autant, l'accumulation de ces pages descriptives, toujours assez techniques et scientifiques tout de même, lasse parfois. Le lecteur a besoin de reprendre son souffle, de se poser. Or, le risque serait de perdre pied, et j'avoue que malgré mon enthousiasme, car je continue à penser que c'est un grand texte - puissant, marquant et fort- , eh bien malgré tout cela, à plusieurs reprises, il a failli, pour filer la métaphore, me laisser sur le rivage. Je pense qu'il aurait été possible de trouver un équilibre entre l'effet que souhaitait produire l'auteure et le plaisir du lecteur qui, pour moi en tout cas, s'est trouvé ici ou là mis à mal.
L'aspect documentaire - passionnant au demeurant - ne doit pas, me semble-t-il, l'emporter sur le romanesque, or, parfois j'ai eu le sentiment que l'on franchissait la ligne rouge.
Et vraiment, ce serait tellement dommage d'abandonner un texte aussi beau.

Alors oui, je conseille ce roman : accrochez-vous, n'abandonnez pas. Vous verrez alors émerger une œuvre singulière et magistrale qui vous emportera par sa puissance et sa beauté.  

mardi 2 avril 2019

Meurtre à Montaigne d'Estelle Monbrun


Éditions Viviane Hamy
★★★☆☆☆


C'est en Dordogne, à Saint-Michel-de-Montaigne, que nous conduit cette fois-ci Estelle Monbrun, dans la fameuse tour ronde qui abrite la très célèbre librairie aux poutres blanches recouvertes de nombreuses citations grecques et latines, lieu où Montaigne aimait écrire, penser et se reposer.
Un matin de juillet, Olivier, un jeune étudiant chargé des visites guidées, arrive assez tôt afin de mettre de l'ordre dans la pièce de réception et tombe nez à nez avec … un homme inanimé gisant au pied de la fameuse tour. Accident ? Meurtre ? En tout cas, voilà l'intrigue et le suspense lancés...
Un mois après, sur l'île d'Oléron, Mary, une étudiante américaine chargée de surveiller les petits-enfants d'un dénommé Michel Lespignac, écrivain renommé se prétendant descendant de Montaigne, laisse se volatiliser les deux petites dont elle avait la garde. Encore une fois, simple accident ou bien enlèvement prémédité ? Mais par qui ? Et pour quoi ?
Le commissaire Foucheroux, en semi-retraite, est rapidement contacté par une ancienne assistante, la commissaire Leila Djemani, qui semble vouloir son aide. En effet, Michel Lespignac, ex-diplomate et ami des grands de ce monde, veut que l'affaire soit prise en charge par Foucheroux lui-même et ce, dans la plus grande discrétion.
Les deux affaires ont-elles un lien ? Peut-être bien dans la mesure où l'homme défenestré, un certain Daniel Klein, devait précisément être le secrétaire de Michel Lespignac durant l'été…
Inutile de vous dire que vous allez, le temps de cette lecture, fréquenter un bon nombre d'universitaires, spécialistes du grand Montaigne et à la fin du roman, vous n'aurez que deux envies : foncer en Périgord, si ce n'est déjà fait, pour visiter la fameuse tour et ses inscriptions, et surtout, vous replonger dans les textes de Montaigne…
Roman à l'atmosphère un peu désuète, Meurtre à Montaigne n'en est pas moins (certains diraient n'en est que plus) agréable à lire, mais j'avoue avoir eu quelques difficultés au départ à me repérer parmi les très nombreux personnages (un index est présent à la fin mais je ne l'ai découvert… qu'à la fin!)
Quelques bémols cependant : j'ai trouvé les personnages un brin caricaturaux, mais peut-être est-ce le style « Agatha Christie » qui veut ça...
Je me suis laissé prendre par l'intrigue, même si elle m'a semblé parfois un peu tirée par les cheveux, artificiellement complexe et bien peu vraisemblable… J'ai d'ailleurs été gênée par un décalage entre l'époque des faits (le XXIe) et l'impression de lire un texte qui se situerait au XXe, voire au XIXe : par exemple, lorsque les enfants sont enlevées, pas d'alerte-enlèvement, ni, du reste, indépendamment des questions de siècle, de parents angoissés par leur disparition… Seul le grand-père a l'air un peu ennuyé...
Enfin, l'oeuvre de Montaigne elle-même et les lieux qui sont les siens auraient mérité d'être davantage exploités par l'auteur : or, on a l'impression de les traverser bien rapidement sans vraiment s'y arrêter, de façon presque anecdotique, comme s'ils n'étaient qu'une toile de fond.
Une lecture agréable, mais qui n'est pas sans susciter quelques réserves, pour ce roman qui célèbre les 25 ans de la Collection Noire de chez Viviane Hamy « Chemins nocturnes » lancée par un titre d'Estelle Monbrun : Meurtre chez tante Léonie.
Mais ce n'est que mon tout petit avis… A vous de vous faire le vôtre !