dimanche 7 février 2016

L'Amie prodigieuse de Elena Ferrante


Lire ce roman, c’est plonger tête la première dans un quartier populaire de Naples à la fin des années cinquante : les uns crient, les autres s’insultent, les pères frappent leurs enfants, les frères cognent pour un simple regard qu’ils jugent déplacé, les menaces fusent, les couteaux sortent. Dans ces rues  sales et ces immeubles décatis où résonnent les coups de klaxon et les injures dans le dialecte local, les familles Cerullo, Grego, Carracci, Peluso et toutes les autres, celle du vendeur de fruits et de légumes ou celle de la veuve folle, se côtoient pour le meilleur et pour le pire. Ça grouille, ça parade, ça frime fort au volant de la Millecento.
 Dans ce vacarme et cette violence deux jeunes filles se lient d’amitié : Lila et Elena.
Lila, rebelle, emportée et incroyablement intelligente, fascine et inquiète parfois son ami Elena, la narratrice, plus calme, plus consensuelle. Elles lisent et rêvent d’écrire un roman à quatre mains pour devenir riches, un jour et aller ailleurs…
Elles se débattent dans leurs conflits, dans cette adolescence qui n’en finit pas, dans ce quartier dont on ne sort pas, s’évaluent, observent le moindre changement chez l’autre. Les rivalités exprimées à demi-mot, leurs prises de conscience parfois brutales et douloureuses, les poussent vers l’âge adulte. L’auteur décrit avec une grande finesse les nuances de leur pensée, notamment celles de la narratrice, Elena, que l’on perçoit de l’intérieur.
 Lila restera plus mystérieuse : seule, l’observation de ses gestes et de son corps révèle les profondes souffrances qu’elle dissimule. Elle se livre peu et sa parole est parfois un masque. Qui est-elle au fond, que veut-elle vraiment ?
 On sent leurs tâtonnements, leurs doutes, leur profond désir d’indépendance qui passe par l’éducation. Mais dans ce quartier, les enfants travaillent et l’école est un luxe que l’on ne se permet pas malgré l’intervention des enseignants qui observent impuissants le gâchis.
Mais au-delà de tout ce qu’elles vivent, ce qui prime, c’est la force qui les unit, le lien indéfectible qu’elles ont tissé, malgré les chemins différents qu’elles ont pris ou que l’on a tracés pour elles.
J’ai beaucoup aimé cette histoire d’amitié dans ce quartier napolitain, si présent que c’est peut-être lui, au fond, le personnage principal, le monstre tentaculaire dont il faut s’arracher pour s’accomplir enfin.
Y parviendront-elles ? En auront-elles la force, le courage ?

Cette fresque pleine de vie vous entraînera à coup sûr et vous ne saurez résister (et moi non plus !)  au second tome qui vient de sortir…

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