vendredi 6 janvier 2017

Chaleur de Joseph Incardona


 Éditions Finitude

Que dites-vous d’un peu de chaleur ?  Ces temps-ci, on en a bien besoin !
Alors, si vous le voulez bien, partons pour Heinola, 138 kilomètres au nord d’Helsinki. (Ça peut vous sembler étrange d’aller en Finlande pour chercher un peu de chaleur, mais… patience, patience…)
Fermeture de la scierie en 2008… bref, comme le précise le narrateur, « on s’y emmerde un peu. »
Alors, on boit et on cherche de quoi se distraire (un homme sans divertissement, disait Pascal, est un homme plein de misères.)
On imagine différentes compétitions : championnat du monde de porter d’épouse, championnat du monde de football en marécage, de lancer de bottes, d’écrasement de moustiques (j’en passe, et des meilleures) et…les championnats du monde de sauna… si, si, c’est vrai, l’auteur n’a rien inventé, paraît-il. Il s’est inspiré d’un fait divers dramatique qui a eu lieu en Finlande en 2010. Je vous sens curieux, voire inquiet. Un peu tendu peut-être en ce début d’année glacial… J’en viens au fait.
 Il s’agit de tenir le plus longtemps possible ( !) dans un sauna chauffé à 110° (la chaleur habituelle étant de 80°…), vous suivez ? Régulièrement, de l’eau est versée sur des pierres afin de créer de la vapeur et de produire des pics de chaleur… Ah, un homme qui s’ennuie…
Deux personnages, deux champions : Igor Azarov, 1 mètre 59 pour 58 kilos, indice de masse corporelle de 22.9. Bref, il est prêt et veut gagner.
L’autre, c’est Niko Tanner : 110 kilos, 1 mètre 89. Il a 49 ans. Il « est un routard du con », ce qui signifie qu’il travaille dans le porno. Jusqu’à présent, le champion en titre, c’est lui.
Et cette saison, Igor a décidé qu’il en serait autrement.
Pour de la compète, c’est de la compète.
Le roman est organisé en quatre parties : les qualifications (102 concurrents), le premier tour (89 concurrents), le second tour (53…), les demi-finales (22), la finale… (suspense).
Evidemment, vu l’absurdité de la situation, on est tenté de sourire. Sauf que l’on sent que les participants ne rient pas du tout : derrière la baie vitrée, on les voit dégoulinants de sueur, super concentrés, à la limite de la capitulation. Chacun a son truc pour résister à la chaleur des enfers. Concentration maximale. Volonté de fer. Un médecin à l’extérieur surveille et interroge par signes un concurrent qu’il voit faiblir. Ce dernier doit répondre en levant le pouce. S’il ne le fait pas, il est disqualifié…
J’ai lu Chaleur en un rien de temps, avec plaisir, intriguée par cette situation complètement absurde, fascinée par la capacité des hommes à vouloir dépasser leurs limites pour… quoi ?  La gloire peut-être ? Quel portrait bien pathétique de l’humanité…
Maintenant, je crois qu’avec un tel sujet en tête, je me serais risquée à un traitement plus noir, plus sombre de cette histoire terrible. Or, ce n’est pas ce qu’a choisi l’auteur qui met en scène, notamment à travers le personnage de Niko et des petites nanas qui l’accompagnent, un univers de paillettes, de sexe à gogo et de slip panthère qui, je trouve, finit par nous éloigner de l’essentiel : cette compétition incroyable et ces pauvres hommes prêts à tout pour gagner. Cette légèreté, cette loufoquerie omniprésentes m’ont un peu gênée : j’aurais préféré une approche plus psychologique, peut-être même, pourquoi pas, plus philosophique du sujet qui aurait tenu le lecteur dans une vraie tension dramatique.

Mais bon, Chaleur n’en demeure pas moins un roman dont le sujet très original ne manquera pas de vous surprendre. Une autre façon de découvrir un pays à travers ses petits divertissements… Cela dit, la nature humaine étant universelle, on doit bien avoir chez nous ce genre d’amusements tragiquement dérisoires…

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