lundi 2 janvier 2017

Une mort qui en vaut la peine de Donald Ray Pollock


Éditions Albin Michel

Ça y est, je l’ai fini ! Je ne pousse pas un ouf de soulagement mais presque… (Oh, là, là, je sens que je vais me faire des ennemis au vu des critiques dithyrambiques que j’ai lues sur ce livre !)
Ce que je lui reproche ? Ses digressions constantes (notamment des portraits très détaillés de personnages archi archi secondaires) qui cassent le rythme, ralentissent considérablement la dynamique de l’histoire et finissent par perdre et lasser le lecteur, enfin moi en tout cas. Cela dit, le procédé est un peu moins systématique vers la fin.
 Je pense sincèrement que ce roman aurait gagné en force, en intensité en étant plus court, plus resserré sur les principaux personnages auxquels, il faut bien l’avouer, on finit tout de même par s’attacher. C’est dommage car je pense qu’il eût été facile de redresser la barre afin de ne garder que le meilleur.
Car du bon, dans ce livre, il y en a !
Nous sommes en 1917, « le long de la frontière entre la Géorgie et l’Alabama », un vieil homme, ouvrier agricole, nommé Pearl Jewett, meurt misérablement en laissant ses trois fils : Cane, Cob et Chimney.
Vivant, leur père n’a cessé de leur répéter, afin de leur donner le courage de trimer indéfiniment sans être payés, que les derniers sur terre, les plus miséreux, seraient, au royaume de Dieu, les mieux placés au « banquet céleste ». Le titre original de l’œuvre est d’ailleurs : The heavenly table. (Contrairement à l’auteur, je le préfère au titre français.)
 Les garçons, influencés par les aventures de l’unique livre qu’on leur a lu lorsqu’ils étaient enfants : La Vie et les Aventures de Bloody Billl Bucket de Charles Foster Winthrop III, la faim au ventre et l’envie d’en découdre avec l’existence, décident de prendre leur vie en main et se lancent comme des bleus dans des braquages de banques plus ou moins foireux qui donnent plus à rire qu’à pleurer. Le western n’est vraiment pas loin…
On suivra ainsi les trois frères Dalton portant salopette et chapeau de cow-boy, antihéros en goguette, gros naïfs pas méchants mais finalement dangereux, dans leur course folle à travers l’Est des Etats-Unis en remontant vers le Canada, poursuivis qu’ils sont par tous les chasseurs de primes qui veulent gagner la belle récompense promise à qui capturera cette horde semant la terreur. Une mort qui en vaut la peine est l’histoire de la cavale infernale du gang le plus recherché d’Amérique : le gang Jewett.
 C’est toute une galerie de personnages hauts en couleur, complètement loufoques que l’on découvre à travers des portraits extraordinaires, une espèce de fresque de l’Amérique : de l’illuminé de service, ermite bien déjanté qui suit un oiseau depuis cinquante ans, à l’inspecteur des latrines, Jasper Cone, en passant par Sugar, personnage au nom de poney (à vous de découvrir l’origine de son nom…) coiffé d’un chapeau melon ou bien par un lieutenant fou du récit que fait Thucydide de la première invasion de l’Attique dans La Guerre du Péloponnèse. Personnages nombreux dont les destins vont plus ou moins se croiser un jour, pour le meilleur ou pour le pire.
Avec Pollock, on est clairement dans l’univers de la bande-dessinée, de la caricature, du grotesque. Le trait est grossi, rien ne nous est épargné : tout est noir, cru, vif, brutal. On baigne dans le sang, le vomi et la merde (employons les mots employés). C’est l’Amérique profonde que l’on découvre : pauvreté, racisme, violence, misère, alcool, prostitution et, au loin, on entend les échos des combats qui meurtrissent l’Europe tandis que les Etats-Unis s’apprêtent à entrer en guerre.
C’est tragique et drôle à la fois, terrible et à hurler de rire, si l’on aime l’humour noir et le rire jaune. Un vrai théâtre baroque et burlesque qui touche parfois même à l’absurde.

Dommage que tout cela traîne en longueur et que l’on se perde dans des détails, selon moi, inutiles qui surchargent le propos et gâchent le plaisir de la lecture car c’est indéniablement un roman plein de qualités.

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