dimanche 16 septembre 2018

Un feu éteint de Fabrice Chillet


Éditions Finitude
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)

C'est une petite musique qui nous happe, nous retient, comme une voix familière et intime. Un « je » que l'on suit sans trop savoir où l'on va. Les phrases nous rappellent peut-être, de loin, celles de Modiano et ses errances dans un passé perdu, un secret enfoui et des gens disparus.
Philippe Sebel avance sur les pavés de Rouen. Il a quitté Paris le matin, mis son métier de journaliste sur pause et pris un studio pour une semaine dans la ville où il a fait ses études, autrefois.
Tout lui revient en mémoire, il n'a rien oublié : ni le nom des rues, ni la couleur des murs et des portes cochères, ni l'adresse de ses amis de faculté. Philippe aurait aimé retrouver Louis sur le pas de sa porte, un Louis qui l'aurait attendu toutes ces années. Ils auraient repris leur conversation passée, parlé des livres lus et des textes qu'ils écrivaient.
Maintenant, Philippe est décidé à « forcer les retrouvailles ».
Mais à quoi bon ? Que sont devenus ceux qu'il aimait, ceux avec qui il avait rêvé un bel avenir… d'écrivain peut-être ? Qu'attend-il de Louis, marié maintenant et professeur d'université ou de Clément qui exerce un travail sans intérêt pour s'adonner librement à sa passion, la musique ?
Pourquoi Philippe s'autorise-t-il cette parenthèse de sept jours dans sa vie, ce retour dans le passé, vers des fantômes et des douleurs qui ne demandent qu'à refaire surface ? Que cherche-t-il qu'il semble avoir perdu et qui l'empêche soudain d'avancer ? Quels rêves évaporés et disparus tente-t-il désespérément de retrouver ?
Marchant dans cette ville labyrinthique dont il connaît toutes les impasses et les passages secrets, Philippe semble à la recherche d'une part de lui-même évanouie, de ce qu'il a été à une époque où tout était encore possible. Parce que la vie, parfois, vous fait dériver, vous égare, vous désoriente, vous mène sur des chemins qui ne sont pas les vôtres et sur lesquels, au lieu d'avancer, vous vous perdez.
Alors, dans un dernier soubresaut, Philippe comprend que la seule façon de se retrouver, c'est de reprendre son élan, de tenter un nouvel envol. Recommencer, placer ses pieds dans les empreintes d'autrefois. Revenir au point de départ. Ce n'est pas sans douleur, le passé est un monde peu fréquentable. C'est toujours un peu risqué de remettre le nez dedans. Risqué mais nécessaire parfois.
Philippe s'accordera sept jours, une semaine de déambulations en lui-même et dans les ruelles de ce Rouen devenu lieu de mémoire, une semaine de détours au risque de se perdre, seule façon de mieux se retrouver pour tenter de rallumer ce que la vie a doucement éteint et presque fait mourir.
Un très beau texte, teinté de mélancolie, sur ces années où, étudiant, on a la naïveté de croire que tout est possible, que les choses les plus belles nous attendent et qu'il n'y a qu'à se lancer dans la vie pour les atteindre.
Entre désillusion et espoir, regret et promesse de renouveau, le livre de Fabrice Chillet, plein de sensibilité et d'émotion contenue, nous conduit sur les chemins du passé à la recherche de ce qu'on y a laissé d'espoir et d'ambition. Un roman sur l'amitié, sur les rêves déçus et le temps qui passe…
Une nouvelle voix de la scène littéraire que j'ai hâte de retrouver…

Une belle réussite !



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