Éditions Finitude
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
C'est
une petite musique qui nous happe, nous retient, comme une voix
familière et intime. Un « je » que l'on suit sans
trop savoir où l'on va. Les phrases nous rappellent peut-être, de
loin, celles de Modiano et ses errances dans un passé perdu, un
secret enfoui et des gens disparus.
Philippe
Sebel avance sur les pavés de Rouen. Il a quitté Paris le matin,
mis son métier de journaliste sur pause et pris un studio pour une
semaine dans la ville où il a fait ses études, autrefois.
Tout
lui revient en mémoire, il n'a rien oublié : ni le nom des
rues, ni la couleur des murs et des portes cochères, ni l'adresse de
ses amis de faculté. Philippe aurait aimé retrouver Louis sur le
pas de sa porte, un Louis qui l'aurait attendu toutes ces années.
Ils auraient repris leur conversation passée, parlé des livres lus
et des textes qu'ils écrivaient.
Maintenant,
Philippe est décidé à « forcer les retrouvailles ».
Mais
à quoi bon ? Que sont devenus ceux qu'il aimait, ceux avec qui
il avait rêvé un bel avenir… d'écrivain peut-être ?
Qu'attend-il de Louis, marié maintenant et professeur d'université
ou de Clément qui exerce un travail sans intérêt pour s'adonner
librement à sa passion, la musique ?
Pourquoi
Philippe s'autorise-t-il cette parenthèse de sept jours dans sa vie,
ce retour dans le passé, vers des fantômes et des douleurs qui ne
demandent qu'à refaire surface ? Que cherche-t-il qu'il semble
avoir perdu et qui l'empêche soudain d'avancer ? Quels rêves
évaporés et disparus tente-t-il désespérément de retrouver ?
Marchant
dans cette ville labyrinthique dont il connaît toutes les impasses
et les passages secrets, Philippe semble à la recherche d'une part
de lui-même évanouie, de ce qu'il a été à une époque où tout
était encore possible. Parce que la vie, parfois, vous fait dériver,
vous égare, vous désoriente, vous mène sur des chemins qui ne sont
pas les vôtres et sur lesquels, au lieu d'avancer, vous vous perdez.
Alors,
dans un dernier soubresaut, Philippe comprend que la seule façon de
se retrouver, c'est de reprendre son élan, de tenter un nouvel envol.
Recommencer, placer ses pieds dans les empreintes d'autrefois.
Revenir au point de départ. Ce n'est pas sans douleur, le passé est
un monde peu fréquentable. C'est toujours un peu risqué de remettre
le nez dedans. Risqué mais nécessaire parfois.
Philippe
s'accordera sept jours, une semaine de déambulations en lui-même et
dans les ruelles de ce Rouen devenu lieu de mémoire, une semaine de
détours au risque de se perdre, seule façon de mieux se retrouver
pour tenter de rallumer ce que la vie a doucement éteint et presque
fait mourir.
Un
très beau texte, teinté de mélancolie, sur ces années où,
étudiant, on a la naïveté de croire que tout est possible, que les
choses les plus belles nous attendent et qu'il n'y a qu'à se lancer
dans la vie pour les atteindre.
Entre
désillusion et espoir, regret et promesse de renouveau, le livre de
Fabrice Chillet, plein de sensibilité et d'émotion contenue, nous
conduit sur les chemins du passé à la recherche de ce qu'on y a
laissé d'espoir et d'ambition. Un roman sur l'amitié, sur les rêves
déçus et le temps qui passe…
Une
nouvelle voix de la scène littéraire que j'ai hâte de retrouver…
Une
belle réussite !
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