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mardi 12 décembre 2023

Le grand secours de Thomas B. Reverdy

Édition Flammarion
★★★☆☆

 Comme dans le théâtre classique, l’unité de temps et l’unité de lieu sont parfaitement respectées dans le dernier roman de Thomas B. Reverdy dont l’action se passe sur une journée, à Bondy, Seine-Saint-Denis, dans un énorme lycée classé REP (Réseau d’Éducation Prioritaire) de plus de deux mille élèves que l’on suit sur une journée particulièrement chaude : en effet, une altercation va mettre le feu aux poudres et embraser le bahut. Bon, autant dire tout de suite que l’histoire m’a semblé assez platounette et manquant singulièrement d’originalité. J’ai même trouvé la fin assez niaise et absolument pas crédible. Quant aux personnages, ils sont tous un brin caricaturaux et on ne s’y attache pas vraiment. Alors, c’est vrai, j’ai un peu traîné à la lecture et eu parfois des envies d’abandon...

Mais fort heureusement, l’aspect documentaire du texte m’a convaincue. L’auteur est prof, il connaît le dessous des cartes car il vit au quotidien ce qu’il décrit. Je suis enseignante moi aussi, et franchement, j’ai vraiment retrouvé le quotidien de la salle des profs avec, par exemple, les problèmes de photocopieuse (à ce sujet les pages 103 à 106 sont très justes et très drôles.) L’évocation d’un cours et notamment d’une lecture orale de « La Princesse de Clèves » par des élèves est particulièrement bien rendue elle aussi.

L’état des lieux est en effet très juste : les problèmes de moyens, la gestion de l’absentéisme, la ghettoïsation de certains lycées, l’évolution des pratiques, des élèves, des parents et bien sûr les enseignants mal payés et si peu (si mal) considérés…. tout est bien vu et décrit souvent avec humour même si le ton général reste plutôt grave.

Voilà, voilà, en résumé : aspect romanesque bof bof, aspect documentaire : bravo bravo !



 

dimanche 3 décembre 2023

La Danseuse de Modiano

Éditions Gallimard
★★★★★

 Voilà, encore un Modiano pur jus… Je me disais, pour rire, que je pourrais très bien ressortir ma chronique sur « Chevreuse » et juste changer quelques noms, quelques situations (et encore) et le tour serait joué !

Bien sûr j’ai adoré ce texte. Pour les mêmes raisons que j’ai aimé ses autres romans. Je ne vais pas me répéter, c’est inutile, mais je voudrais profiter de cette chronique pour tenter de préciser ce que la lecture d’un texte de Modiano produit en moi.

Il s’agit d’une sensation presque physique, une impression étrange, exactement la même que lorsque je lis « Nadja » de Breton. Avec ça, vous voilà bien avancés !

Je crois que c’est l’évocation de Paris qui est à l’origine de cela. Un rapport tout particulier que j’ai à cette ville où je suis née, que j’ai quittée à l’âge de 6 ans pour la banlieue et où j’ai fait mes études. Je suis très attachée à Paris. De façon vraiment viscérale. Et mon grand regret est de ne pas y avoir vécu à l’âge adulte. Or, la lecture de Modiano fait naître en moi des souvenirs de moments, aussi surprenant que cela puisse paraître, que je n’ai pas vécus ou que j’aurais vécus mais dans une autre vie, quelque chose de très enfoui, de profond qui m’oblige à poser le livre et à tenter de retrouver la trace de ces moments dans ma mémoire. J’ai un souvenir assez précis de mes années d’enfance à Paris et quand je lis Modiano, c’est comme si ces années remontaient à la surface et me revenaient par bouffées. Le Paris de Modiano réactive de façon très puissante des sensations passées, le souvenir de lieux traversés à la fois dans une vie qui a eu lieu, celle de mon enfance, mais aussi dans une vie qui n’a pas eu lieu. Les phrases de Modiano me laissent deviner des choses que je n’ai pas vécues (ou que j’ai vécues et dont je ne me souviens pas) et qui auraient eu lieu à Paris. Ainsi, quand je lis du Modiano, très souvent, je m’arrête pour chercher ce qu’est en train de me dire le texte sur Paris et sur moi. Je sens que c’est là, que ça remonte à la surface, que ça me dit quelque chose que je ne parviens pas à comprendre, à saisir. C’est une lecture qui provoque en moi une expérience intime singulière et vraiment étrange que j’ai beaucoup de mal à décrire.

Bon allez, je parlerai de tout ça un jour ou l’autre à mon psy…

Ce qui est certain, c’est que Modiano à Bordeaux ne m’intéresserait absolument pas…

C’est drôle quand même la littérature...