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mercredi 30 janvier 2019

Saltimbanques de François Pieretti


Éditions Viviane Hamy
★★★☆☆ (J'ai bien aimé)


Nathan a quitté assez jeune le domicile de ses parents : il a voulu mener sa vie, ailleurs, loin d'eux. Après quelques années d'études, il ne fait que vivoter en exerçant des petits boulots alimentaires qui ne l'intéressent pas vraiment. Ses retours au pays ont été assez rares et le temps est passé.
Ainsi, Nathan n'a-t-il pour ainsi dire pas connu son frère, Gabriel. La seule image dont il se souvienne est celle d'un ado distant, de quinze/seize ans, avec lequel il n'a jamais vraiment parlé. Gabriel fréquentait déjà, à l'époque, une troupe de saltimbanques avec laquelle il faisait des spectacles. Nathan n'en a vu aucun et maintenant, c'est trop tard puisque Gabriel est mort dans un accident de voiture peu de temps après avoir passé ses épreuves du bac.
Nathan est donc revenu pour les obsèques de son frère. S'il sait bien qu'il ne pourra jamais rattraper le temps perdu, il va tout de même tenter de comprendre qui était ce frère, cet étranger. Encore lui faudra-t-il poser les bonnes questions… Pas si simple...
Ce sont d'abord des parents terrassés par la douleur qu'il retrouve. Commence alors une errance autour de ce frère disparu : aller sur les lieux qui étaient les siens, rencontrer ceux qui l'ont connu et comprendre ce qui l'a amené à prendre cette voiture sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants.
Saltimbanques est un roman d'atmosphère : les personnages semblent évoluer dans un monde qui n'est pas vraiment le leur et dans lequel ils ont du mal à trouver leur place, comme s'ils avançaient constamment dans une semi-obscurité les privant de repères. Rien dans ce monde ne semble les retenir, les intéresser, les impliquer. Ils sont de passage, songent peu à l'avenir et vivotent au jour le jour dans une brume qui semble pénétrer leur âme. « Est-ce qu'il y a seulement une histoire ? Une vraie histoire ? » s'interroge Bastien, un ami. Est-ce que ces jeunes parviennent à se construire une vie ? À être heureux ? Pas sûr.
Qui sont-ils, ces jeunes ? Pourquoi cette désillusion permanente, cette fuite constante, cette tristesse insondable qui imprègne tout leur être ? Une très grande mélancolie émane de chacune de ces pages disant l'impossibilité d'être heureux, le malaise d'un désenchantement permanent dans un monde silencieux et triste.
François Pieretti, primo-romancier, a su rendre ce sentiment presque d'abandon que peuvent ressentir des jeunes sans avenir, « des enfants perdus », abandonnés même, trouvant encore peut-être dans l'amitié quelque refuge possible.
Comme je le disais, Saltimbanques est un roman d'atmosphère qui a su capter l'air du temps. L'écriture est fluide et tout en nuances. J'avoue cependant avoir peut-être moins aimé la dernière partie qui se passe en Bretagne et qui m'a semblé plus convenue (la Bretagne est tellement « cliché » : c'est le lieu où, dans la littérature actuelle, échouent tous les jeunes bobos qui veulent recommencer leur vie…) Par ailleurs, je la ressens comme se rattachant un peu artificiellement à un récit formant un tout. C'est un point de vue, il se discute bien entendu !
Des premiers pas très prometteurs en littérature, c'est certain ! Un auteur à suivre, assurément !

dimanche 27 janvier 2019

L'Explosion de la tortue d'Éric Chevillard


Les Éditions de Minuit
★★★★☆ (explosif!)

Mon premier Chevillard : L'Explosion de la tortue. Je vous le dis tout de suite, je ne suis spécialiste ni de l'auteur, ni de l'animal (j'ai bien eu chiens, chats, hamsters, lapins et poissons rouges mais aucun n'a explosé, Dieu soit loué!)
Donc, j'avance en terre inconnue. Les cinquante premières pages me régalent : humour absurde, langue inventive, poétique, jeux de mots audacieux, phrases ciselées. Avec, en plus, un petit air de ne pas y toucher…
De petits paragraphes relatent une histoire qui aurait pu (dû, même) ne pas être un sujet de roman. Une micro-histoire. Une absence d'histoire. Le personnage principal n'est rien, c'est-à-dire une tortue de Floride achetée quai de la Mégisserie par un narrateur dorénavant désemparé qui ne sait à qui confier sa bestiole avant de partir en vacances. « C'est à cela qu'on reconnaît que l'on n'a pas de vrais amis. » Remarque très juste s'il en est. « Nous partions sur les routes, nous voulions voyager léger. Phoebe nous aurait ralentis. Nous ne sommes déjà pas des lièvres. Phoebe et ses courtes pattes torves. Phoebe et son rocher. Phoebe et ses deux litres d'eau. » Qu'aurait écrit La Fontaine là-dessus ? On s'interroge.
Pourquoi ce pauvre garçon, sensible à la cause animale, s'est-il lancé dans cet achat incongru ? « Ce serait un petit spectacle permanent, reposant, totalement dépourvu d'enjeux contemporains… Un élément de décoration, une présence infime, silencieuse, un détail du vaste monde qui, par métonymie, l'évoquerait tout entier sans nous encombrer de ses collines. »
Mais l'on se lasse du néant.
Il pouvait encore la ramener dans son milieu d'origine : les marais de Floride. C'est ce que des gens bien auraient fait. Mais pas lui. (Sans mettre en doute l'intégrité du narrateur.) 
Une autre idée lui vient : « La rendre sans exiger de remboursement. Nous n'en voulons plus. Reprenez-la. Elle n'est pas propre. Elle ne parle pas. Elle a mordu le facteur. »
C'est malhonnête. Elle n'avait rien fait la pauvre bête, et bientôt, c'est précisément ce qu'on allait lui reprocher ! Quelle mauvaise foi !
Il faut trouver une solution pour cet être accroché à son rocher :« on aurait dit une moule », « elle nageait sans grâce, comme un sabot… On aurait dit le dernier des cornichons. »
Se casser la tête pour un animal qui n'y met pas un peu du sien, c'est pénible : « Phoebe ne semblait exister que pour passer le temps. Il ne lui arrivait rien. Elle ne prenait aucune initiative. On ne lui supposait aucune pensée, aucune imagination. Elle se contentait d'être, pétrifiée dans l'infinitif, ignorant toute conjugaison. » Les gens qui ne font pas d'effort, zut alors ! Pourquoi on en ferait pour eux, hein ?
Et pourtant, notre généreux et dévoué narrateur a l'idée assez géniale de placer l'aquarium dans une baignoire pleine d'eau : moins de risque d'évaporation (il fait très chaud maintenant l'été…) Il ajoute (quel altruisme!) un canard en plastique rose, de la poudre de crevette et ne ferme pas totalement les volets, pour le jour... et au risque de se faire cambrioler (mais quand on aime…)
ET CRAC : au retour, tandis qu'il s'empare de l'animal du bout des doigts (presque une caresse), la carapace craque sous son doigt (l'allitération laisse supposer qu'une carapace est faite pour craquer...) « Il y avait eu un petit bruit de promenade en forêt. Un bruit léger de fuite. Un bruit bref. Une courte promenade. » La carapace déshydratée, décalcifiée A CÉDÉ (misère!) La tortue n'est pas encore morte mais le sera bientôt.
Voilà l'histoire : 53 pages sur la tortue.
J'ai souri (sans mauvais jeu de mots, ah, ah) souvent. J'ai beaucoup admiré cette prose poétique, un brin précieuse et comme détachée, de celui qui dit des choses essentielles, existentielles même en passant. Bon, c'est bien, tu t'es bien amusée mais il te faut redescendre sur terre ma cocotte, et te creuser un peu les méninges !
Et j'ai effectivement commencé à m'interroger.
Sympathique et bien vue cette petite histoire de reptile, pas plus courant que ça dans la littérature... Mais de quoi me cause-t-il au fond Chevillard ? On sait bien que qui dit "tortue" dit "fable", et qui dit "fable" dit "sens" : que pouvait-il bien se cacher derrière ce petit divertissement aux allures absurdes ? Et se cachait-il même quelque chose ? Fallait-il y voir seulement une leçon de morale écologique, une dénonciation de la désinvolture avec laquelle les hommes traitent la nature ?
Terminé l'amusement, il allait falloir que je pense un peu. Et là, franchement, je n'en menais pas large.
Et, pour tout vous dire, ça n'allait pas vraiment s'arranger. Mais le moral était bon, je vous rassure.
Je poursuis donc ma lecture...
Page 54 donc, commence une nouvelle petite histoire au sujet d'un pauvre gamin de collège harcelé par d'autres - dont le narrateur - et surnommé « petit Bab », comprenez petit babouin.
Nous passons ensuite et sans crier gare à l'évocation d'Anton, vendeur à l'Arche de Noé, (lieu où a été achetée Phoebe) où les trafics d'animaux, paraît-il, sont courants...
Encore apparemment plus incongru, page 75, le narrateur se plaint de s'être fait voler la vedette au sujet d'un écrivain du XIXe siècle, oublié de tous : un certain Louis-Constantin Novat. En effet, un érudit du nom d'Yves Malatesta lui a piqué un travail dont il était chargé sur l'édition des œuvres posthumes de ce L-C Novat. Zut ! Et, CLAC. Le beau projet s'écroule. Ça fait mal. La tortue aussi a dû avoir mal, très mal même. Notre narrateur ne va cependant pas renoncer complètement à un projet qui lui tient à coeur : « moderniser » quelques œuvres qu'il détient dudit Novat et signer cette « nouvelle » production de son propre nom. Et nous voilà plongés dans le détail des écrits de L-C Novat, dont voici quelques titres : « Trois oeufs », « L'Anguille sous roche », « Queue coupée »… Je suis sur mes gardes… C'est quoi cet enfumage ? Je n'y vois plus rien...
Je fais la fière, je poursuis ma lecture mais je suis larguée. Tête haute, hors de l'eau. Mais sur la pointe des pieds. C'est QUOI le rapport ??? B…..L !
Des leurres, ces digressions à la c .. ? Des fausses pistes ? Il se fout de ma g….. ce Chevillard. Il faut que je reste vigilante, il me trimbale, c'est sûr. Je relis, fais demi-tour, compare, confronte, entoure, barre, surligne en jaune, en rose, en vert, jette le livre - qui ressemble à un perroquet des îles - rageusement, le reprends hâtivement...
Deux nuits d'insomnie et trois jours foutus plus tard…
J'Y SUIS !!! Enfin, je crois y être...
(Ma grand-mère disait, de moi et d'autres aussi j'espère: elle comprend vite mais faut lui expliquer longtemps !)
De quoi me parle Chevillard depuis le début sinon... de LITTÉRATURE ? Bah oui ! Évidemment bien sûr, grosse neuneu que je suis ! Je n'y ai vu que DU FEU. La métaphore de la tortue était là, sous mon nez ! Il fallait la réhydrater cette tortue, lui injecter un petit quelque chose pour qu'elle renaisse, modifier l'allure régulière de sa carapace pour qu'elle ne soit plus tout à fait la même…
N'est-ce pas ce que font les auteurs, TOUS ? Ils « réhydratent » les textes anciens, dont ils sont nourris, au point de ne même plus être conscients qu'ils ne sont pas tout à fait à l'origine de « Ce fut comme une apparition... » ou de « Longtemps... » Oui, écrire, c'est insuffler du nouveau, de la modernité, ramener à la vie, varier le motif, changer l'aspect… Un sang neuf, une énergie nouvelle, une explosion qui décoiffe (pour parler d'une tortue, il y a mieux!)
Il faut savoir tuer le père, (C'est toujours la même chose!), sortir de l'état de pierre, de l'immobilité, de la paralysie, de l'inertie, du convenu, de la platitude, du lieu commun. Agir. Réagir. Combattre même. Être violent. Donner un coup de pied dans la fourmilière. CRAC. Pour repartir vers du vivant, du mouvement, de l'air vif.
Il fallait tordre le cou de la tortue (d'aucuns l'avaient fait avec l'alexandrin, non?), la faire péter. L'exploser. PAN !
Et m'apparaissait clairement toute une série de réécritures du même motif, toute une série de mises en abyme de ma tortue de Floride qu'il fallait réanimer (ou faire crever) au plus vite pour passer à autre chose... Et je vis tous les jeux d'échos et de correspondances dont le texte fourmille (une illumination, ça arrive !)
TOUS ? J'avais tout compris ? Non, loin de là, évidemment. Mais c'était déjà ça. (Il fallait que je dorme un peu maintenant!)
J'étais bluffée.
Le propos de Chevillard était PERFORMATIF : quand dire, c'est faire ! Ah, il m'avait bernée l'animal ! Il l'avait fait devant moi et je n'avais RIEN VU ! Bien joué !
Il n'a pas tort Chevillard, rien ne se perd, tout se transforme…

Finalement, cette tortue, elle est immortelle !

mercredi 23 janvier 2019

Délit de gosse d'Isabel Ascencio


Éditions du Rouergue
★★★★★ (magnifique)


Bon, que je le dise tout de suite : je ne connais personne aux Éditions du Rouergue, n'ai pas d'actions chez eux et ne cherche pas à m'y faire publier ! J'ose donc affirmer (et ce n'est pas la première fois que je le dis) que je ne suis JAMAIS déçue par leurs publications ! Et une fois de plus, je viens d'achever un roman magnifiquement écrit qui m'a totalement bouleversée.
Je vous préviens, mon petit résumé ne donnera pas grand-chose parce que l'écriture est tellement délicieuse qu'il faut lire ce roman pour en apprécier toute la beauté et toute la sensibilité !
Deux mots quand même: Jeanne aime Marie. Marie aime Jeanne. Elles sont jeunes et vivent ensemble à Paris dans un appartement prêté par la famille de Jeanne. Le père de Jeanne est notaire, sévère, et très très traditionnel dans sa façon de concevoir l'existence et les choses en général, si vous voyez ce que je veux dire... Il vit dans une somptueuse demeure périgourdine où Jeanne a passé toute son enfance et où elle n'a quasiment jamais remis les pieds depuis qu'elle a rencontré celle qu'elle aime, et surtout depuis qu'elle a refusé d'épouser un voisin bien né, un certain François-Henri. Or, un jour, elle reçoit une invitation d'Ernest, son petit frère : il se marie et Jeanne est invitée. Elle ira, évidemment, mais avec une petite idée derrière la tête...
En effet, Jeanne a un projet, magnifique et complètement fou : elle veut un enfant et elle profitera de cette noce pour tenter d'amadouer un des fils à papa invités à la grande cérémonie, dans le but de repartir… enceinte !
Et elle tient à ce que Marie soit présente ce soir-là : elle aura au moins une fois mis les pieds dans ce parc merveilleux et « fait la connaissance » - à distance, certes, mais quand même - du clan familial ! Pour Jeanne, c'est important.
Afin de noyer le poisson, Marie sera accompagnée par leur pote Mano au grand coeur, un Mano tiré à quatre épingles pour l'occasion. Jeanne a tout organisé minutieusement, tout est parfaitement réglé à l'avance : les moindres gestes et les plus petits déplacements. Quant aux éventuelles prises de parole de Marie et de Mano, faut qu'ils oublient. Ils regarderont, de loin si possible, et repartiront tôt à l'hôtel. Jeanne croit dur comme fer que tous ces collets montés n'y verront que du feu et ciao l'équipe, on repart avec le mouflet gros comme une puce dans le ventre…
Inutile de vous dire que rien ne va se passer exactement comme prévu…
Bon, déjà, je me rends compte que le résumé des premières pages est très incomplet : je ne vous ai pas dit par exemple que… Bon, je me tais… Sur la famille de Marie, il y aurait mille histoires à raconter et cent mille à rêver… Je ne vous ai pas expliqué de quelle façon magnifique elles se sont rencontrées… Et je ne vous ai pas non plus parlé de la demeure familiale et surtout de son parc majestueux où Jeanne, enfant, aimait courir à en perdre le souffle et jouer jusqu'à pas d'heure, vous ne savez rien des bois de grands hêtres, du petit kiosque à musique, de la fontaine avec la Velléda.
Non, je ne vous ai rien dit de tout ça car seuls les mots d'Isabel Ascencio peuvent rendre avec autant de beauté, de poésie et d'émotion la magie de tout cela. J'ai tout vu, tout senti, tout respiré… je me suis enivrée du parc, de la forêt, du verger et de la mer… C'était magnifique...
Et quelle émotion… Je n'ai pas les mots pour en parler…
Un roman tellement beau qu'on a envie de l'offrir au monde entier et surtout peut-être à quelques-uns pour tenter de leur faire comprendre que lutter contre l'amour, c'est inutile.
Tout simplement.

dimanche 20 janvier 2019

Sérotonine de Michel Houellebecq


Éditions Flammarion
★★★★★ (indispensable!)


J'aime bien Houellebecq. Bon, il est vrai que j'ai un peu/beaucoup de mal à supporter son obsession pour les chattes et les bites dont il est très souvent question ici - je serais même tentée de lui conseiller quelques méthodes douces et sans contre-indication telles que bains froids, sport, spiritualité, tantrisme, groupe d'entraide… (« Bonjour, moi c'est Michel… ») qui pourraient soulager son corps, voire son esprit... J'en dirais autant de la légère homophobie/misogynie qui traverse l'oeuvre, que ce soit d'ailleurs du fait de l'auteur ou de celui de son personnage, dans les deux cas, ça me hérisse. Comme il le dit p 172 au sujet de Camille à qui il n'a pas demandé d'être une femme au foyer : « je n'avais pas été formaté pour une telle proposition, ça ne faisait pas partie de mon logiciel, j'étais un moderne... » , eh bien moi aussi, je suis une moderne et des termes comme « pédale » ou « salope » me sont insupportables… C'est dit.
Et pourtant, j'aime bien Houellebecq. Le grand névrosé mal dans une époque à bout de souffle m'amuse (oui, j'ai beaucoup ri en lisant ce texte) et, en même temps, m'émeut profondément. En effet, le ton est très mélancolique et j'avoue que j'ai été touchée par la tristesse infinie (et la beauté absolue, oui, vraiment ABSOLUE) qui se dégage de certaines pages évoquant l'amour, la solitude et le désespoir.
J'aime retrouver ce regard lucide et caustique sur un monde qui se cherche sans trop savoir quelle voie prendre et des personnages qui se sentent comme étrangers à la société dans laquelle ils vivent. Je goûte aussi avec plaisir son refus du politiquement correct, sa façon bien à lui de démonter clichés et lieux communs et de montrer l'absurdité d'une société qui rend les hommes malheureux. Comme le disait je ne sais quel critique, Houellebecq « rend compte du monde » : il est effectivement extrêmement doué pour saisir son époque et nous en faire un tableau assez juste.
Sachez aussi que cet opus houellebecquien me parle d'autant plus qu'il se passe… chez MOI, dans ma Basse-Normandie du bout du monde où les hasards des mutations m'ont conduite il y a fort longtemps. Il y a même deux scènes qui se déroulent précisément là où j'ai posé mes valises : la charmante cité thermale de Bagnoles de l'Orne, surnommée « trou du cul du monde » par un artiste de passage il y a quelques années. C'est vous dire que l'on parle peu de nous, nous qui ne sommes même pas à la périphérie de quoi que ce soit ! Il va de soi que l'on se sent d'autant plus touché par ce qui est raconté qu'on connaît par coeur les lieux décrits.
En tout cas, les problèmes économiques des agriculteurs dont il parle à travers des scènes extrêmement touchantes où il évoque son unique ami Aymeric, eh bien, ici, ces problèmes, on en est conscient. On les vit presque au quotidien. Ils font la une des journaux, les gens en discutent sur le marché. Et ils sont incontestablement terribles.
Notre Houellebecq national s'appelle ici Florent-Claude Labrouste. Notre Houellebecq ? Oui, il m'a semblé que ce roman, outre le portrait d'un homme profondément dépressif avait, dans les faits, une dimension quelque peu autobiographique (dans les deux cas, études d'Agro, emploi au ministère de l'Agriculture, installation en Andalousie dans la province d'Alméria, relation amoureuse avec une Asiatique...) Le personnage quitte dès le début du roman son amie japonaise Yusu… J'espère que ce n'est pas prémonitoire et que la nouvelle épouse de l'auteur a le sens de l'humour !
Il faut savoir aussi que l'auteur, Michel Thomas de son vrai nom, a été élevé par sa grand-mère paternelle, dont il a repris le nom de jeune fille : Houellebecq, et cette femme était originaire de la Manche. Il y a donc ici incontestablement une forme de retour aux sources qui se sent dans l'attachement qu'il exprime pour les lieux qu'il traverse (Manche, Orne, Calvados).
Donc notre Florent-Claude Labrouste n'aime ni son nom (on le comprend!) ni sa vie qu'il juge ratée. Et ce qu'il va nous raconter est l'histoire d'un effondrement (on pense à Thomas Bernhard).
Installé en Andalousie, il attend son amie asiatique du moment qui semble l'énerver au plus haut point et qu'il souhaite quitter au plus vite (en imaginant, un moment, la jeter par la fenêtre).
C'est ce qu'il va s'empresser de faire (la quitter, pas la jeter par la fenêtre) en rentrant à Paris et en... disparaissant, en s'évaporant ! Après avoir démissionné du ministère de l'Agriculture où il travaille, il va se planquer dans un hôtel parisien où il peut fumer sans avoir besoin de démonter le système d'alarme, puis il va tenter de revoir ses anciennes amies, ce qui lui donne l'occasion de raconter ce qu'il a vécu avec elles par le passé (Claire, Kate, Marie-Hélène - dont il oublie le nom au cours du récit - et Camille). Il essaie aussi de dénicher un médecin pas trop moralisateur qui lui prescrirait six mois de Captorix, un antidépresseur, sans lui faire la morale - ce qu'il trouvera en la personne du docteur Azote (quel personnage!) qui lui fournira en plus quelques idées pour qu'il évite de se suicider car les fêtes de fin d'année approchent et les suicides sont, paraît-il, assez fréquents à cette période…
Il quitte donc Paris, tente de retrouver Camille dont les parents habitent à Bagnoles de l'Orne et reprend contact avec son seul et unique ami qui est agriculteur dans la Manche et qui crève à petit feu, le prix du lait se réduisant chaque jour plus vite qu'une peau de chagrin. (La situation n'est pas meilleure pour les producteurs d'abricots du Roussillon incapables de se défendre contre « le déferlement des abricots argentins » : je précise en passant qu'il y a, chez Houellebecq, du Emmanuel Carrère dans sa capacité à nous rendre passionnants des sujets qui a priori n'auraient pas forcément retenu toute notre attention. Ce sont tous deux d'excellents conteurs!) Son ami va mal, très mal. Victime de la politique libérale de l'Union Européenne et quitté par une femme refusant de s'enterrer dans un trou paumé, il est devenu alcoolique au dernier degré. Il tentera, dans un dernier sursaut, de sauver sa peau et celle de ses collègues…
Le constat est sans appel : l'idéalisme est mort, le capitalisme libéral a créé de faux besoins et ne rend pas les gens heureux. La mondialisation a tué le monde paysan. Tenter d'agir individuellement est quasi impossible : nous ne sommes rien, tout se décide au-dessus et ailleurs : « je compris que le monde ne faisait pas partie des choses que je pouvais changer. » C'est la cata et on ne peut pas y faire grand-chose…
D'ailleurs, il semble que le personnage houellebecquien ne soit pas acteur de sa destinée. Non, il subit plutôt qu'il n'agit, il est victime des circonstances, tout le dépasse dans cette société de plus en plus complexe qu'il maîtrise chaque jour de plus en plus mal.
Face à cela, il faut tenter le tout pour le tout, sauver sa peau, de façon peut-être pas très morale mais, en tout cas, très pragmatique. Terminé l'idéalisme qui ne mène à rien...
De plus, ce monde hygiéniste s'attaque aux libertés individuelles et la société de l'image réduit et falsifie le réel.
Enfin, pour le personnage houellebecquien, la communication est de plus en plus difficile : parler au bon moment, utiliser des mots qui correspondent précisément à ce que l'on pense s'avère compliqué, comme on dit. Donc, l'homme est seul, fondamentalement seul.
Ce monde, il lui faut se le "coltiner", comme il doit se "coltiner" les valises de Yusu dans les hôtels où ils débarquent. Le bonheur est tout simplement impossible : « nous devons aujourd'hui considérer le bonheur comme une rêverie ancienne, les conditions historiques n'en sont tout simplement plus réunies. » CQFD
Finalement, seul l'amour pourrait sauver les hommes. Mais ils ne le saisissent pas, ne le voient pas. Ou trop tard...
L'immense mélancolie et l'infinie tristesse qui émanent de certaines pages de ce roman sont d'une grande beauté et touchent à la poésie. Houellebecq a des phrases qui dans l'apparente simplicité de leur formulation nous émeuvent, ainsi lorsque le personnage évoque son amour avec Kate, voici ses mots, ils sont tellement forts : « Nous aurions pu sauver le monde et nous aurions pu sauver le monde en un clin d'oeil… mais nous ne l'avons pas fait, enfin je ne l'ai pas fait, et l'amour n'a pas triomphé, j'ai trahi l'amour et souvent quand je n'arrive plus à dormir c'est-à-dire à peu près toutes les nuits je réentends dans ma pauvre tête le message de son répondeur, « Hello this is Kate leave me a message », et sa voix était si fraîche, c'était comme plonger sous une cascade à la fin d'une poussiéreuse après-midi d'été, on se sentait aussitôt lavé de toute souillure, de toute déréliction et de tout mal. » Magnifique passage, poignant et beau à en pleurer… Il y a du romantisme chez Houellebecq, c'est évident.
Il prend alors conscience qu'il aurait pu être heureux avec Kate et Camille. Or maintenant, c'est trop tard, aucun retour en arrière n'est possible.
Tel Perceval, notre anti-héros n'a pas saisi sa chance. Et maintenant, il est trop tard.
Son mal-être est sans issue, sans illusions, total et a priori définitif. Le personnage houellebecquien finit par symboliser l'homme moderne. Il est incontestablement l'héritier du personnage beckettien, un homme perdu dans un monde sans Dieu (?).
Peu de perspectives donc.
Il reste la chimie qui aide à supporter, à tenir le coup, à placer à l'horizon un leurre ayant la forme du bonheur et vers lequel on marcherait comme vers un mirage. « La possibilité du bonheur devait subsister ne fût-ce qu'à titre d'appât. »

mercredi 16 janvier 2019

État de nature de Jean-Baptiste de Fromont


Éditions Aux Forges de Vulcain
★★★★★ Excellent!


Connaissez-vous la Douvre intérieure ? N'êtes-vous pas passé, cet été, en rentrant de vacances, par cette région « faite de hameaux », « le centre mou de la France » dont Chantaume est la capitale ? Non, ça ne vous dit rien ? Et pourtant, quelle belle région : du vert, du vert à perte de vue, des vallons, quelques maisons ici et là… Ah, on respire là-bas, loin de Paris !
Bon, c'est vrai, il ne s'y passe pas grand-chose, comme si l'Histoire avait oublié cet espace et ces gens qui vivent hors du temps… C'est une certaine Barbara Vauvert qui a hérité, on ne sait comment, du titre de préfète de la Douvre : au lieu de s'en plaindre, elle a pris son ouvrage à coeur. Très vite, elle s'est mêlée au peuple, est allée parler aux habitants de ces terres du bout du monde pour tenter de connaître leurs besoins, leurs craintes pour l'avenir, leur façon de voir les choses. Elle a compris qui ils étaient, a voulu connaître leur nom, l'a fait et à merveille. Elle a su se faire aimer et elle a des projets pour eux.
Elle n'est pas la seule : un certain Arthur Cann, une espèce de philosophe écolo, veut se servir de ce territoire pour mettre en œuvre une entreprise qui lui tient à coeur : il s'agit de créer un « vaste incubateur à ciel ouvert, un lieu d'expérimentation grandeur nature du monde à venir, à la fois numérique et écologique, enraciné et connecté », un espace « agricole numérique autosuffisant. »
Imaginez : « une mutualisation des biens et des services », chaque ferme produisant sa ressource d'énergie. Bon, pour cela, il faut une connexion ultra-haut débit, des panneaux solaires, des éoliennes… Pourquoi ce territoire ? Eh bien parce que selon Arthur, « le système n'a pas de prise sur ces gens de la Douvre, il glisse miraculeusement comme sur les plumes d'un oiseau. Ils ont beau vivre avec leur temps, la vérité est qu'ils n'ont jamais donné leur consentement à ce que les autres ont fait du monde. À leur manière invisible et taiseuse, ils n'ont cessé de résister. »
Donc, la Douvre est « comme l'Arche de Noé de notre temps, celle qui a survécu au déluge intellectuel et moral qui a dévasté le reste du pays. » Un espace protégé, pur d'une certaine façon. Un lieu à l'état de nature qui ne serait pas dépravé par la société ou la politique. D'ailleurs, selon Arthur Cann, dans cet espace autogéré, les hommes politiques n'ont plus de place. Il faut donc se débarrasser de ces gens-là. CQFD
Barbara et Arthur vont-ils s'entendre ? Là est la question !
Mais, là-haut, à Paris, cette préfète adulée par le peuple inquiète un peu les technocrates bien assis sur leur pouvoir… Alors qu'elle est plébiscitée par les habitants de la Douvre et accomplit un travail admirable, elle apprend par un simple coup de fil du ministre qu'elle est VIRÉE. Ciao bella, à une autre fois !
Eh oui, les gens brillants gênent aux entournures dans les hautes sphères…
Pas de souci, répond-elle, très pro. Mais décidée à ne pas se laisser faire.
À Paris, une momie surnommée La Vieille tient lieu de présidente et termine tranquillou son troisième septennat et un certain Claude, gouverneur ou commandeur, appartenant aux hautes sphères politiques, souhaite la renverser au plus vite pour profiter d'un fauteuil bien au chaud.
En attendant, il tente de faire peur aux grands bourgeois parisiens en leur expliquant « qu'il n'y a de pouvoir que s'il y a des gens pour obéir... Retirez cette obéissance, cette soumission, et tout s'écroule comme un château de cartes. L'organisation du pays peut être aussi sophistiquée et complexe que l'on puisse imaginer, cela ne change rien : si, à un moment donné, ceux qui le font fonctionner ne le veulent plus, c'est fini. Game over, hé, hé. »
« À tout moment, les gouvernés peuvent retirer leur consentement. Mes chers amis, n'est-ce pas effrayant de penser que l'ordre social - notre propre tranquillité - est ainsi suspendu au bon vouloir, au caprice de tous ces individus dispersés et qui n'ont pas, pour la plupart, tout leur bon sens ? » Claude évoque donc des « fections spontanées. » « Ce sont des gens sans histoire, des gens normaux, des gens qui, croyez-le bien, ne brillent pas par leur originalité… tout d'un coup… qui partent en vrille. Du jour au lendemain, ils cessent d'obtempérer. Ils refusent obstinément de se plier à la moindre consigne, de quelque autorité qu'elle vienne. « Vous me ferez cette note pour demain » - c'est non. « Chéri, tu veux bien tondre la pelouse ? - c'est encore non. « Seriez-vous assez aimable pour me rendre la monnaie ? » - c'est toujours non... Il n'y a pas de conjuration, en aucun cas ils ne se sont passé le mot. Et pourtant, aux quatre coins du pays, ils se comportent exactement de la même manière. C'est tout à fait étonnant. » Les bourgeois s'affolent. Et Claude espère bien un jour ou l'autre récupérer leurs voix… En attendant, on lui a demandé de débarrasser la Douvre intérieure de la jolie préfète charismatique : naïf, il n'imagine même pas les conséquences de son coup de balai… Car les Douvriens, s'ils se sont tus pendant des siècles, pourraient bien soudain avoir leur mot à dire.
Donc, d'un côté, le dangereux binôme Cann/Vauvert (et derrière la charismatique Vauvert, le peuple, ne l'oublions pas!), et de l'autre la clique magouilles-politiciennes-à-gogo des hauts fonctionnaires véreux qui jouent les uns avec les autres, se manipulant constamment à tel point qu'on ne sait même plus qui est la marionnette de l'autre !
Je n'avais lu que quelques pages de ce roman pour le moins prémonitoire et fort documenté sur les rouages de l'État que je m'interrogeais déjà sur l'auteur de cette fable corrosive à la Voltaire : « d'où » écrivait-il , cet auteur qui semblait si bien renseigné sur les méandres du pouvoir, les coups bas, les ruses politiciennes et tout le tralala, jusqu'à quasiment se faire prophète puisqu'il ne vous aura pas échappé que certains termes rappellent les révoltes actuelles des gilets jaunes ?
J'étais bluffée !
Le livre est sorti en janvier, les premières manifs datent du 17 nov… Mais QUAND a-t-il été écrit, ce texte ??? Même si la situation n'est évidemment pas la même, certains mots de ce livre sont tellement en phase avec l'actualité, tellement prémonitoires, que c'en est sidérant ! Moi je crois que ce gars-là a de véritables talents de prophète et à mon avis, il ne faut pas le lâcher, il peut servir !
Au fait, sachez quand même que Jean-Baptiste de Froment est normalien, agrégé de philo, camarade d'hypokhâgne et de khâgne d'Emmanuel Macron, qu'il était conseiller à l'Élysée sous Nicolas Sarkozy et qu'il est maintenant élu au Conseil de Paris. Bref, il a vécu tout ça de l'intérieur, connaît très bien la machine politique. N'empêche, prendre la liberté d'écrire un texte aussi corrosif sur la sphère politique : BRAVO !
Cette satire distille vraiment un humour décapant ! Assurément, il faut « en être » pour percevoir de manière aussi aiguë tous les travers des hommes politiques, leurs basses manœuvres machiavéliques, leurs hypocrisies de courtisans, leur ego surdimensionné. Très loin d'eux un éventuel dévouement pour la nation, en tout cas…
Un livre désopilant (certains passages sont de VRAIES scènes d'anthologie !) et en même temps bien sombre sur un monde politique très éloigné (physiquement et intellectuellement) des préoccupations profondes du peuple. Bien sûr, on est dans la caricature, l'outrance, bien sûr, bien sûr... mais l'on sent qu'au fond (et c'est ça qui est terrible!), on n'est peut-être pas si éloigné que ça du réel…
Courage fuyons !

mardi 15 janvier 2019

Piano ostinato de Ségolène Dargnies


Éditions Mercure de France
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)


Gilles est un homme qui nage. Crawl, brasse, papillon. Et pourtant, il y a peu, Gilles n'aimait pas nager. Mais alors pas du tout ! Surtout dans une piscine municipale et, encore moins, tôt le matin.
Mais là, il s'applique, allonge son corps, goûte la caresse de l'eau sur sa peau et le silence sourd qui semble l'envelopper lorsqu'il nage sous l'eau.
Non, Gilles Sauvac n'est pas sportif. Il est musicien, musicien professionnel, connu et reconnu sur la place publique. Un gars sérieux qui a toujours tout bien fait comme il faut, depuis qu'il est petit et sans jamais protester. Devant son piano, nuit et jour, jour et nuit. Parce que la musique, ça se travaille, tous les jours, sans relâche.
« Il bouffait du Mozart à longueur de journée, tutoyait Brahms et Scarlatti, déchiffrait les concertos de Rachmaninov l'air de rien, s'avalait les Études transcendantales de Liszt en sirotant un soda glacé, se reposait le dimanche avec Gaspard de la nuit en doublant le tempo. »
Le genre de musicien à arriver plusieurs heures à l'avance dans la salle où il doit donner un concert pour vérifier l'emplacement de l'instrument, la hauteur du tabouret, la température de la salle. Un repas léger et hop, on est prêt pour le concert…
Tout a toujours roulé. Il suffit d'être un tant soit peu discipliné, n'est ce pas ?
Mais un jour, tandis qu'il joue le concerto en la mineur de Schumann devant une salle comble, quelque chose coince, une douleur insoutenable se fait ressentir. C'est la catastrophe. Et tout est remis en question…
Alors, tandis qu'il nage inlassablement, Gilles s'adresse en pensée à Schumann qui a vécu lui aussi une forme de paralysie de la main, allant jusqu'à ne plus pouvoir jouer avec certains doigts ! Il s'adresse à celui qui comme lui a souffert et a connu le pire que puisse connaître un musicien.
Quand le corps parle, dit le trop plein, l'impossibilité de continuer, quand le corps dit STOP et nous supplie de passer à autre chose, d'arrêter, de refuser ce que l'on a toujours accepté même à contre-coeur...
Piano Ostinato évoque la lente et inconsciente plongée d'un homme qui n'a jamais dit non et qui s'est cru heureux. « Ah non ça je ne le ferai pas. Ah non plutôt crever ! » avait-il dit à son agent qui lui demandait toujours plus... Plutôt crever…
J'ai beaucoup aimé l'écriture sensible et délicate de ce roman, les longues phrases qui miment les larges mouvements de Gilles dans la piscine, l'ironie légère que l'on sent poindre ici et là, les judicieux jeux de points de vue à travers les passages du « il » au « je ». J'ai trouvé aussi très touchant ce parallélisme entre les deux vies, celle de Gilles et de Schumann qu'il appelle Robert, puis Bobby, tellement il se sent proche de celui qui est devenu un frère de coeur et de condition. « Herr Schumann, qu'es-tu parti chercher dans ces eaux troubles ? » demande-t-il à l'homme génial qui a voulu mettre fin à ses jours…
Je ne vous cache pas que j'attends déjà avec impatience le prochain roman de Ségolène Dargnies. Ses premiers pas en littérature sont plus que prometteurs et à mon avis, on n'a pas fini d'entendre parler d'elle...

lundi 14 janvier 2019

Un cadenas sur le coeur de Laurence Teper


Éditions Quidam
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)


Tout de suite, ce livre a piqué ma curiosité. Très vite, j'ai senti que le ton léger du départ n'allait pas forcément donner lieu à un dénouement très heureux. Restait à savoir lequel.
C'est l'histoire d'une famille, enfin de deux familles et de ce que racontent les uns et les autres pour arranger une vérité un peu différente de la réalité. C'est l'histoire de ce que certains ont vu et de ce que d'autres ont refusé de voir soit parce qu'ils étaient bien trop jeunes pour saisir le sens de ce qui se passait sous leurs yeux, soit parce qu'ils savaient qu'ils allaient en souffrir.
Ah, ce rapport au réel, à la vérité ! Chacun se débrouille comme il peut… sauf que parfois, les conséquences de ces petits arrangements sont bien plus graves que ce qu'on aurait pu imaginer, si tant est qu'on puisse imaginer quelque chose…
Le roman débute donc sur la plage de Saint-André-de-Gironde et les personnages, dont les noms ne seraient pas déplacés dans une comédie de boulevard, se nomment Messieurs et Mesdames Meunier et Coquillaud et ils sont accompagnés de leurs enfants respectifs. Tout ce petit monde se retrouve comme chaque année l'été et tandis que Monsieur Coquillaud se promène longuement avec Madame Meunier, Monsieur Meunier s'occupe des gamins, les surveille, leur donne leur goûter. Quant à Madame Coquillaud, elle reste au logis.
Voilà à peu près le tableau et j'imagine que vous voyez très bien le hic. Sauf que, lorsqu'on vit la chose, on n'a pas forcément le recul nécessaire pour l'analyser. Et c'est bien le problème de Claire, la fille des Meunier, qui se pose bien deux trois questions mais, pour le moment, ne va pas plus loin dans ses interrogations. Et c'est bien dommage, car tout le monde sait que les non-dits, les mensonges ou les semi-vérités se débrouillent toujours pour creuser tranquillement leur petit trou dans le fin fond de notre inconscient et finissent par nous laisser des traces plus profondes que des tranchées…
Bon, on peut le dire, les premières lignes sont assez drôles, l'humour est omniprésent : on frôle la comédie, le vaudeville. Les personnages, assez caricaturaux dans leur présentation, font sourire : ils sont tous vaguement ridicules, la palme revenant à ce Monsieur Georges Coquillaud, chef d'une PME d'assurances qui, sur la plage de Saint-André-de-Gironde, se proclame « Chef de tribu africaine » (!), « Père de l'Humanité » et révolutionnaire ! Rien que ça !
La mère Meunier, elle aussi, vaut son pesant de cacahuètes : elle ne s'intéresse « ni à grand-chose ni à grand monde », balance les tiroirs mal rangés de sa fille par la fenêtre et s'enferme dans sa chambre tout le week-end quand elle le juge nécessaire. Pas plus équilibrée que ça, la mère !
Donc, le début du roman est assez léger, c'est l'acte I d'une pièce de théâtre qui n'en est pas une ou d'un roman qui ressemble de plus en plus à… non, pas à une tragédie… quoique…
Car effectivement le ton change et la narration très distanciée du départ devient petit à petit plus personnelle, intime, et l'on finit par se demander si c'est toujours le même roman qu'on est en train de lire… Mais je ne vous raconte rien… Suspense !
En fait, je ne sais pas pourquoi mais je n'ai cessé de penser à Maupassant en lisant ce texte : cette petite ironie dans la présentation de ses personnages, le « pas bien grave » du début, le badin, l'ordinaire qui va déboucher progressivement et subrepticement sur quelque chose de bien plus sombre, voire de franchement terrible... Je me suis demandé à plusieurs reprises si ce roman avait une dimension autobiographique… Qu'importe au fond...
J'ai lu ce livre d'une traite et vraiment, il m'a beaucoup plu : on se passionne pour l'enquête menée par la jeune Claire sur son passé !
Une seule petite restriction concernant... le titre !  Un peu fleur bleue, littérature à l'eau de rose. « Une vie » aurait été parfait, mais laissons à Maupassant ce qui lui appartient. (Je me suis amusée à chercher un titre et j'ai trouvé : « Tout reprendre »… les premiers mots de… Mais bon, faudra qu'on s'organise une petite soirée pour en discuter...)

samedi 12 janvier 2019

Alto Braco de Vanessa Bamberger


Éditions Liana Levi
★★☆☆☆ (Je n'ai pas accroché)


Eh bien oui, ça arrive, la magie n'opère pas. Au début, il est difficile de mettre un mot sur le malaise : l'écriture peut-être, c'est toujours elle qui me séduit la première ou au contraire, m'empêche d'adhérer pleinement à l'oeuvre. Un rythme, une respiration, une petite musique, qui ne viennent pas…
Et pourtant, l'Aubrac… Je n'y suis allée qu'une fois et par hasard. Des amis ayant eu un empêchement de dernière minute nous avaient laissé leur gîte, une vieille bâtisse du XVIIIe siècle, située près de Mende. Nous étions en pleine campagne, un peu parachutés, il faut bien le dire, car nous n'avions pas du tout prévu de passer des vacances dans ce coin. J'avais très vite repéré la présence de l'Aubrac pas très loin en remontant un peu vers l'Ouest. C'est un de mes collègues de travail qui me parlait toujours de ces terres où il avait passé ses vacances. J'étais curieuse de découvrir enfin ces paysages.
Quel choc ! Je ne savais pas qu'un lieu comme l'Aubrac existait en France, ainsi que le dit très justement l'auteur : « L'Aubrac produisait immanquablement la même réaction chez ses visiteurs : on dirait la Mongolie ; on croirait la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Namibie, l'Islande, le Pérou, le Tibet, le Canada, l'Écosse... » Oui, le touriste qui arrive en Aubrac ne sait pas nommer ce qu'il voit. Il n'a plus les mots, il en a même perdu la parole ! Il est ailleurs, sans repères, face à une immensité dont il n'a pas l'habitude. Je me souviens que mes enfants disaient qu'ils étaient sur la lune, ce qui les amusait beaucoup ! (Jouer avec une vipère pendant que nous mangions notre aligot dans un buron les avait aussi remplis d'aise !)
Nous y étions retournés plusieurs fois, comme aimantés, découvrant avec le même saisissement et la même sidération ces lieux étranges dans lesquels nous nous perdions lors de balades, toujours vaguement inquiets de savoir si nous étions sur la bonne route. J'ai gardé de cet Aubrac une impression très forte, très particulière, que j'ai du mal à décrire : quelque chose comme de la fascination mêlée à de la peur, un sentiment d'étrangeté qui m'attirait et me repoussait en même temps. Un lieu en rupture brutale avec ce qui est autour, tant le dépouillement, la nudité, l'austérité frappent d'un coup le promeneur ahuri. Ai-je été à la recherche de cet Aubrac-là en lisant Alto Braco ? Peut-être, certainement même. Ai-je voulu trouver les mots qui m'avaient manqué quand j'avais découvert ces terres ? Oui, je crois, mais je ne les ai pas trouvés dans ce texte et je suis restée comme extérieure à ce roman.
Que je vous parle un peu du sujet : la narratrice, Brune, une jeune femme parisienne, travaillant dans une crèche, a été élevée par ses deux grands-mères, entendez, sa grand-mère, Douce et sa grand-tante, Granita, originaires toutes deux de l'Aubrac. Elles avaient quitté leur terre natale pour s'installer à Paris et tenir un café, comme beaucoup d'autres auvergnats. Pour les obsèques de Douce, la narratrice repart en Aubrac où, enfant, elle passait ses vacances, et découvre une terre d'éleveurs qui ont bien du mal à affronter les dures réalités économiques qui les touchent de plein fouet.
Il est donc beaucoup question d'élevage dans ce roman très documenté, de races bovines, de viande.
Par ailleurs, des secrets de famille seront révélés à la narratrice qui s'interrogera sur ses liens profonds avec cette terre qui, au fond, ne lui est pas si étrangère que ça.
J'avoue m'être un peu perdue dans les histoires de famille qui ne m'ont pas vraiment touchée et, de plus, je n'ai pas ressenti d'attachement particulier pour la narratrice qui, parfois, me donnait l'impression d'être une journaliste interviewant des agriculteurs pour le papier qu'elle allait rédiger… A dire vrai, l'analyse économique m'a semblé prendre le pas sur la dimension poétique que j'attendais surtout.
Bon, c'est comme ça. Le principal, c'est que ce livre ait trouvé ses lecteurs et des lecteurs qui, visiblement, l'apprécient beaucoup...

mercredi 9 janvier 2019

Bacchantes de Céline Minard


Éditions Rivages
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)


Alors, ce dernier Minard ? Eh bien, pour déménager, ça déménage !
Entrée in medias res, comme on dit : comprenez que la panique est totale, paroxystique : tout le monde est sur les dents et on n'est pas loin d'une atmosphère de quasi-fin du monde. Trois nanas aussi survoltées que déjantées se sont emparées de la cave à vins la plus sécurisée de Hong Kong, la « plus grande forteresse des vins d'Asie du Sud-Est » : douze bunkers enterrés à plus de vingt mètres du sol, portes blindées qui résisteraient à des obus, système d'ouverture par reconnaissance faciale, caméras de surveillance. Bref, la totale.
Et elles, les filles, elles sont tranquillement installées à l'intérieur et s'amusent à faire péter les bouchons ou à jouer aux quilles avec quelque Chambolle-Musigny premier cru ou un petit Romanée-Conti de 1969… Je vous vois tourner de l'oeil… Et il y a de quoi…
Ethan Coetzer, l'homme chargé de veiller sur ces bouteilles d'exception d'une valeur de trois cent cinquante millions de dollars, est à deux doigts de faire un arrêt cardiaque : tous les grands de ce monde lui ont confié leur inestimable liqueur tandis qu'il leur a assuré l'invulnérabilité absolue de son bunker ultra- moderne et ultra-sécurisé et évidemment imprenable.
Et elles sont là, ces trois folles échevelées, hurlantes et tourbillonnantes sur leurs talons aiguilles, la Bombe, la Brune et la Clown, maquillage outrancier, vêtements bigarrés, gestes désordonnés et un brin obscènes… des Zébulon en pleine crise d'hystérie... accompagnées d'un certain Illiad que je vous laisse la joie de découvrir.
Mais qui sont ces trois braqueuses sorties tout droit d'un carnaval de cinglés ? Comment sont-elles entrées là ? Et SURTOUT, que veulent-elles ? « Pour la brigade d'intervention, (la question) la plus importante est « comment ». Pour Jackie et pour le négociateur, c'est « qui ». Pour Ethan Coetzer, c'est « pourquoi » Personne ne comprend rien à ce truc de fou.
« Le fait est qu'on ne peut pas dire si ce sont trois cinglées qui se sont lancées dans un truc qui les dépasse complètement ou si ce sont trois cinglées qui savent très bien ce qu'elles font. Et je ne sais même pas ce qui serait préférable. » conclut Jackie Thran, la cheffe de brigade, prête à lancer son équipe à l'assaut de ces trois furies mais il faut d'abord tenter d'entrer en contact, de négocier…
Il y a bien un moyen de leur faire entendre raison…
Ajoutez à cela un typhon imminent et vous imaginerez un peu mieux l'ambiance électrique qui règne autour de ce fameux bunker !
Une demande finit par arriver… Vous ne devinerez JAMAIS laquelle !!!
Règle number one : lire ce texte d'UNE TRAITE. Impossible d'envisager la chose autrement. Il s'avale d'un coup. Cul sec. De toute façon, le présent de l'écriture vous happe littéralement tandis que le suspense et le rythme frénétique vous scotcheront à votre siège. C'est ultra-cinématographique. Hyper-visuel. Donc, pas de pause, ce serait un contresens.
De deux : n'oubliez pas que Bacchantes n'est pas qu'un roman noir de braquage. Je pense plutôt que Céline Minard est du genre à aimer mélanger les genres, détourner les codes et les règles, lancer son lecteur sur de vraies-fausses pistes, des leurres qui n'en sont pas tant que ça, au fond...
Je crois que ce texte va bien au-delà de ce qu'il nous donne à voir et que tout son sens est à chercher plutôt à la fois du côté de l'esthétique, de la philosophie et pour ma part, je pense notamment à la notion de divertissement - au sens pascalien du terme… Il me semble qu'il est ici question de la nécessité que l'on peut ressentir, à un moment donné de l'existence, de se détourner des misères de la vie, de la pensée de la mort et ce, en faisant un coup d'éclat qui soit aussi beau qu'un feu d'artifice...
J'y vois aussi la volonté chez ces femmes de retrouver la vraie valeur des choses (bien loin des notions d'argent, de placement, de collection, synonymes de mort d'une certaine façon…)
Un vin, ça se boit, point barre. Le reste, c'est de la foutaise.
Et elles l'ont bien compris, les filles.
Ajoutons à cela (mais tout est lié) une certaine recherche de la beauté (une forme de contemplation) et un désir profond de jouissance absolue (nécessaire pour que la vie vaille d'être vécue) et nous y sommes.
En deux mots : ces filles sont des philosophes qui passent à l'action.
Parce qu'il est temps (elles ne sont plus toutes jeunes), et qu'il faut bien le faire un jour.
Lâchez-tout ! Et que ce soit grandiose !
Vous tiendrez peut-être là le sens même de l'oeuvre...

dimanche 6 janvier 2019

Les Frères Lehman de Stefano Massini


Éditions Globe
traduit de l'italien par Nathalie Bauer
★★★★★ (hors du commun)


J'ai pris mon temps et j'ai bien fait. Parce qu'un livre comme celui-ci, franchement, on ne vous en sert pas tous les jours !
Maintenant, il me faut le chroniquer et je me sens tellement « petite » face à une telle œuvre que je ne sais par quel bout commencer !
Alors, faisons simple, commençons par le commencement…
Il était une fois un fils « de marchand de bestiaux » nommé Heyum Lehmann qui quitta Rimpar en Bavière et arriva à New York le 11 septembre 1844. Il avait perdu 8 kilos en 45 jours de traversée. L'officier du port écrivit sur les registres « Henry Lehman » et lui souhaita « good luck ».
C'est beau l'Amérique !
Il était une fois des amis juifs allemands qui dirent à notre Henry : « On gagne de l'argent avec ce qu'on est bien obligé d'acheter » (logique!) Et un vieux rabbin aux yeux qui louchent d'ajouter : « un poisson vit dans l'eau et l'eau ne se trouve pas seulement dans la mer. » (CQFD)
Et avec ça, Heyum Lehmann, pardon Henry Lehman, devrait se débrouiller !
Moi, j'aurais pleuré et je serais rentrée chez moi aider mon père à élever ses bestioles…
Eh bien figurez-vous qu'on retrouve celui qui, pour le moment, n'a pas franchement l'étoffe d'un héros, dans une petite boutique de Montgomery, Alabama, au milieu de tissus « étoffes enroulées/ étoffes brutes/ étoffes enveloppées/ étoffes repliées/ tissus/ linge/ chiffons/ laine/jute/ chanvre/ coton./ Coton. / Surtout du coton »
Un coton un peu spécial, le « blu di Genova », autrement dit « bleu de Gênes », qu'on ne prononce pas très bien, là-bas, en Amérique, et ça donne quelque chose comme « blue-jeans ».
Une marchandise « first choice », du solide, de l'inusable.
Bref, Lehman est « une bonne adresse » et ça se sait !
Et lorsque qu'une jolie demoiselle se casse la figure en tentant d'ouvrir la porte un peu difficile de la boutique et qu'elle s'entaille la joue, on lui propose généreusement des mouchoirs, pour qu'elle se nettoie. « J'en ai à 2 dollars, à 2,50 et à 4. »
Celle qui deviendra la femme de notre goujat fonce d'un pas ferme jusqu'à lui et s'essuie avec la cravate du malotru. C'est qu'elle a du caractère Rose Wolf !
Comment les deux frères d'Henry : Emanuel et Mayer, débarquèrent et modifièrent de quelques coups de pinceaux l'enseigne au-dessus de la porte qui devint « TISSUS ET HABITS LEHMAN BROTHERS », comment il arriva ce qui arriva à l'un des trois…, comment ils vendirent le coton de 24 plantations puis se séparèrent, l'un à Montgomery, l'autre à New York, 119 Liberty Street : « 24 fournisseurs de coton au Sud/ 51 acheteurs au Nord », c'est tout un programme, et vous ne me croiriez pas, alors, je n'en dirai rien...
Et en plus de cela, vous vous en doutez, la grande Histoire va mettre son nez dans la petite : la guerre de Sécession, le Nord contre le Sud et au milieu, les Lehman Brothers « comprimés/ encastrés/ tel un gobelet de verre », puis l'abolition de l'esclavage, la crise de 29, les guerres… Vous ne pouvez imaginer le tourbillon qui s'en suivit...
Après le coton, le charbon, après le pétrole, le sucre, après le café, le tabac, après le fer, le gaz ETC,ETC, ETC : puis vint LA BANQUE, LA SACRO-SAINTE FINANCE, celle qui gouverne le monde et fait avancer les hommes.
Comment les frères répétèrent inlassablement à leur progéniture, celle qui prendra la relève, que « le financier ne doit pas/ lâcher prise un instant/ qui s'arrête est perdu/ qui reprend son souffle est mort/ qui s'installe est piétiné », je vous laisse le découvrir ! Qu'ils le sachent, les futurs Frères Lehman (en réalité cousins), que ces mots soient gravés dans leur coeur et dans leur âme !
Ce texte, écrit en vers libres (ils se lisent très facilement!), porte en lui un souffle puissant qui retrace l'odyssée d'un homme de rien ou de pas grand-chose, entreprenant la conquête de l'Amérique et décidé à s'y lancer corps et âme avec ses deux frères. Et c'est fabuleux ! Parce que leur histoire, véritable épopée moderne, est totalement incroyable et que l'écriture nous transporte, à travers ses répétitions qui rythment le texte, ses litanies rappelant les psaumes bibliques, les prières, les chants, sa poésie, ses listes folles (celle par exemple des 12 épouses parfaites possibles selon Philip Lehman… HILARANT!), ses inventaires (les 120 règles du miroir). Tous les tons, tous les genres, tous les registres sont convoqués, même la BD !
Et surtout, ce qui domine, c'est l'humour, omniprésent, décapant, irrésistible, fou, tragique parfois. Les portraits des personnages relèvent souvent de la caricature, les traits sont grossis et le burlesque devient irrésistible !
Tout le monde connaît ce qu'il est advenu de la banque Lehman Brothers en 2008 lors de la crise des subprimes, or personne ne sait ce qui s'est passé avant, qui furent ces hommes et comment ils se hissèrent au sommet.
Enfin, et pour finir, on vous sert sur un plateau, une Histoire de l'Amérique (pas rien!) et un cours d'économie haletant, drôle et compréhensible (si, si, c'est possible !)

Un texte magistral comme on en lit peu !