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jeudi 25 octobre 2018

Rencontre avec Maylis de Kerangal à la librairie Le brouillon de culture de Caen (23/10/18)

       


Chose promise, chose due : voici un retour sur la rencontre avec Maylis de Kerangal à la librairie Le brouillon de culture de Caen, sous forme… d'abécédaire… (à trous!) Je vous propose de lire les mots de l'auteure...

A comme adolescence : Un monde à portée de main est un roman de sortie de l'adolescence et de passage vers l'âge adulte, l'entrée dans le monde du travail. L'école de Bruxelles est une espèce de sas initiatique. Paula, Jonas et Kate vont être initiés. L'adolescence n'est pas une période facile car il faut apprendre à se « faire une vie ».

C comme copiste : Le copiste doit être « traversé par son modèle », c'est un travail « d'incorporation » du modèle.
En copiant une grotte ornée, le copiste annule d'une certaine façon le temps qui le sépare du paléolithique, en refaisant le geste précis de l'homme préhistorique. C'est un geste qui abolit le temps.
D'ailleurs, sans même parler d'une période aussi éloignée, quand Paula peint, elle a accès à son passé, à des souvenirs, des scènes de son enfance, à ce qu'il y a de plus profond en elle.

D comme documents : Mon travail a une pente documentaire assez forte. Je vais vers des mondes qui me sont totalement inconnus, il faut donc que je découvre d'autres pratiques, d'autres langues, d'autres cultures. Je dois m'initier à ces mondes. Je lis beaucoup et je me déplace pour rencontrer les gens. J'ai besoin de les entendre parler de leur métier.
Je ne mène pas mes recherches avant d'écrire. Elles nourrissent mon écriture, l'accompagnent. Écriture et recherches s'entremêlent..

E comme école : L'école de la rue du Métal (elle existe vraiment, c'est l'école Van Der Kelen, 30 rue du Métal à Bruxelles) : on y apprend, sur une période de 6 mois, d'octobre à mars, les règles, les canons qui permettent de copier les marbres, les bois ou les matières animales autrement dit, le minéral, le végétal, l'animal… Avec cela, Paula, Jonas et Kate vont pouvoir « habiter le monde », une fois le « sas » de l'école traversé…
(Marie-Laure : n'hésitez pas à aller faire un tour sur le site internet de cette école : c'est fascinant!!!)

F comme faux : A Lascaux IV, il faut créer un faux qui soit assez vrai pour donner l' « expérience » de cette cavité, une forme de faux qui doit restituer un lieu dénaturé, un lieu qui n'existe plus, d'une certaine façon, tel qu' il a été découvert en septembre 1940.

L comme Lascaux : Copier une grotte, c'est tenter de remonter vers un passé auquel on n'a pas accès. Paula devient donc une copiste sans modèle, ce qui est une entreprise difficile.
Il faut savoir que sur des chantiers comme Lascaux IV travaillent ensemble des hommes et des femmes qui viennent de mondes très différents : des peintres, des sculpteurs, des scénographes, des infographistes... (pour la partie « artistique) et des préhistoriens, des géologues… (pour la partie « scientifique ») et tous ces gens-là doivent oeuvrer ensemble, entrer en collusion (et en collision!) On a deux mondes assez opposés qui cohabitent dans un espace clos.

M comme mots : Je nourris mon imagination de mes recherches. J'utilise les lexiques techniques ou professionnels qui deviennent de véritables « matériaux poétiques », ne serait-ce que par leurs sonorités. Ils sont des ingrédients poétiques. Si je n'utilise pas le mot précis, j'ai le sentiment d'une perte. Le mot est comme une capsule de précision qui ravive l'imagination.

N comme nom : J'aime que les noms de mes personnages soient porteurs de sens. Paula Karst : elle porte le nom de ces massifs calcaires dans lesquels l'eau a creusé des cavités, des grottes.
Au fond, elle est elle-même pleine de grottes ornées, de galeries qu'elle va devoir explorer pour apprendre à savoir qui elle est.

P comme Préhistoire : Au départ, après Naissance d'un pont, je voulais écrire sur la Préhistoire. Je connais bien la grotte Chauvet et Lascaux à Montignac. Je porte ça en moi depuis longtemps.

R comme « Réparer les vivants » : Je sens que je n'ai pas fini de creuser ce sujet, ce qui se passe dans ce geste incroyable du don de soi, de ce que l'on a de plus privé.
Ce roman continue son chemin. Le film a été projeté aux étudiants en médecine de Caen. C'est le milieu scientifique qui « l'exploite » maintenant pour susciter le débat auprès des étudiants ou les faire réfléchir...

T comme traducteur : Question d'un participant : « les traducteurs de votre œuvre en sont-ils des copistes ? » Réponse de l'auteure : non, il faut toujours adapter. Dans certains pays, le titre même a dû être modifié. Il faut « incorporer » l'oeuvre pour bien la traduire. Je ne peux moi-même pas toujours « contrôler » la traduction surtout lorsqu'elle est rédigée en caractères asiatiques !

T (bis) comme trompe-l'oeil : Le monde du trompe-l'oeil est le monde de l'illusion, comme le roman, une forme de faux auquel on croit et qui donne accès à la vérité.

Bon, évidemment, je suis loin de restituer tout ce qui a été dit et surtout la façon dont cette rencontre a été vécue par chacun des participants. Vous n'avez, hélas, ni la voix, ni le sourire ni le regard de Maylis de Kerangal, sans même parler de sa gentillesse, sa douceur, sa générosité, toute l'attention qu'elle sait porter au monde qui l'entoure et, il faut bien l'avouer, je suis une bien pauvre copiste ! Alors, si elle « passe » pas loin de chez vous, SURTOUT, ne la ratez pas !


Un immense merci à la librairie Le brouillon de culture d'avoir organisé une si belle rencontre et un très grand merci à Maylis de Kérangal d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer pour nous parler de ses textes et de son travail d'écriture. C'était vraiment fabuleux...

      

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