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dimanche 24 mars 2019

COUP DE GUEULE




J'ai fait un rêve...
J'ai rêvé d'un pays où les éditeurs publieraient peu. Et ce ne serait pas parce qu'ils recevraient moins de manuscrits. Non, ils en recevraient toujours autant, toujours plus. Mais ils ne publieraient que ce qu'ils trouveraient très bon.
Oui, ils ne publieraient que des œuvres dont l'écriture serait le reflet d'une vision personnelle, originale, du monde et de la vie. Ils feraient un tri, une sélection sévère et juste pour que le lecteur ne soit pas déçu, pour que ne se rompe pas ce lien de confiance entre l'éditeur et son lecteur, pour ne pas donner l'illusion aux uns qu'ils sont des écrivains et aux autres qu'ils vont lire l'oeuvre d'un écrivain.
Pour être honnête avec tout le monde. Pour que la littérature n'ait rien à voir avec la société de consommation et qu'elle reste un art.
Ainsi ne publieraient-ils qu'une poignée d'ouvrages par an, de ceux vers lesquels on irait l'esprit tranquille et sans se demander si l'on n'est pas en train de perdre de l'argent et du temps. On accepterait même des couvertures un peu moins belles, un papier de moins bonne qualité (recyclé par exemple)…
Alors, on pourrait lire la quintessence de la quintessence car les éditeurs auraient fait le difficile et très ingrat travail de sélection et le meilleur ne serait pas noyé dans la masse.
Tout le monde n'aurait pas gagné mais c'est comme ça, on ne vit pas au pays des bisounours ou de l'école des fans. Le texte rejeté pourrait alors être travaillé et retravaillé encore et encore.

Mais dans le pays dont je rêve, les éditeurs laisseraient aux auteurs du temps pour écrire, pour créer, pour penser, pour que le monde entre en eux, s'installe en eux et qu'un sujet s'impose. Et qu'il soit vital aux auteurs d'en parler.
Non, on ne crée pas sur commande, les écrivains ne sont pas des usines, le livre n'est pas un objet produit à la chaîne. Encore une fois, s'il a quelque chose à voir avec l'argent, alors il est perdu et le monde de l'édition s'écroule. C'est paradoxal, mais c'est comme ça ! Et si l'écrivain ne parvient pas à faire de son œuvre une œuvre littéraire, qu'il fasse autre chose. On n'est pas tous des écrivains, loin de là ! Il faut accepter cette idée toute simple.

Alors, si on ne leur sert que du bon, les lecteurs se remettront à avoir confiance et donc à acheter des livres, les yeux fermés.
C'est à cette seule condition que le marché du livre reprendra quelques forces, lorsque le lecteur ne sera plus noyé sous la masse des parutions et que le livre ne sera plus une lettre cachetée suscitant des interrogations sur la qualité de l'oeuvre qu'elle renferme.

Ce qui fait aussi la valeur d'un éditeur, ce sont ses renoncements.


Quelques chiffres
  • 68 199 livres publiés en 2017 (Le Monde, 16 mars 2018)
  • 142 millions d'ouvrages invendus détruits chaque année (je vous laisse imaginer la quantité de papier !) (info RTL 15/09/2017)
  • une librairie de 100 mètres carrés ne peut présenter que 15 000 titres. Que fait-on des autres ? (BFM Business 25/12/2015)
  • Entre 1991 et 2011, le nombre d' « auteurs » a bondi de 60 % (j'imagine maintenant…) (BFM Business 25/12/2015)

6 commentaires:

  1. Ah là là je rêve, par exemple l’éditeur de David Foenkinos lui dirait «  pas assez travaillé ton manuscrit Deux sœurs, trop léger, bâclé...
    Brigitte

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    1. Je n'ai jamais lu de texte de David Foenkinos... Ce que l'on en dit ne me donne pas très envie!

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  2. Votre rêve n'est qu'un rêve et fort heureusement. Une démocratie vit de la diversité. C'est en URSS et dans les pires dictatures appliquant la censure que votre rêve s'est réalisé. Alors votre rêve, c'est le cauchemar de l'humanité!!!! Dormez bien et surtout dormez mieux....Et cette fois, faites de beaux rêves!

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    1. Le problème que vous soulevez n'a, fort heureusement, rien à voir avec la problématique que j'aborde: je ne parle pas d'idéologie (et donc pas de censure!) mais de la qualité des livres publiés actuellement. Je pense qu'il vaut mieux renoncer à publier des livres qui n'en valent pas la peine, c'est tout.

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  3. C’ est un peu naïf ...
    c’ est croire que l’on partage tous le même goût !! Nous risquerions une uniformisation du style, des idées...

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  4. Votre rêve montre une haute idée du métier d'éditeur. C'est ignorer les contraintes matérielles, ignorer qu'un éditeur est soumis à des pressions et doit faire de l'argent s'il ne veut pas disparaître. Ce n'est pas nouveau: la Recherche avait été refusée... Et tout le monde n'a pas la même idée d'un bon livre: la foison de médiocrités renversantes le prouve assez.
    J'aime beaucoup votre blog! Continuez à faire preuve d'exigence, c'est rafraîchissant.

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