Rechercher dans ce blog

vendredi 7 janvier 2022

Nourrir la bête (Portrait d'un grimpeur) d'Al Alvarez

 

Éditions Métailié
★★★★★


 Il s’appelait Mo Anthoine et son ami (l’auteur) Al Alvarez. Et comme il a fallu trente ans pour que ce texte soit traduit en français, ces gars-là sont morts depuis belle lurette. Mais, évoquons-les au présent, des hommes comme eux, on n’a pas envie d’en parler au passé. Je recommence donc. Il s’appelle Mo Anthoine et c’est un sportif comme je les aime. Un grimpeur. Pour lui, grimper, ce n’est pas faire de la compèt’ en tenue fluo ni être le meilleur pour se trouver à la une des journaux. Le paraître, il s’en fiche ! Non, ce qui l’intéresse, c’est se faire plaisir, avec des copains, des vrais, s’entraider, vivre des moments forts ensemble et aller ensuite au pub pour fêter le dépassement de soi que l’on vient d’accomplir. « En escalade, la seule compétition est avec soi-même… avec ses muscles, ses nerfs, sa force d’âme. C’est même en un sens une activité intellectuelle, à ceci près que vous devez penser avec votre corps. Chaque mouvement doit résulter d’une sorte de stratégie physique, en termes d’effort, d’équilibre et de conséquences. Comme une partie d’échecs avec son corps. » J’aime aussi l’idée que « l’escalade est une activité de paresseux : des salves concentrées d’efforts sur la paroi alternent avec de longues pauses sur les relais où l’on peut s’allonger, se détendre, fumer, admirer la vue ou pester contre la pluie. » Bref, ce gars, il me plaît bien !

Originaire d’un village gallois au pied du Snowdown, pas très scolaire, il s’est vite retrouvé sur le marché du travail apprenti gérant dans l’industrie du tapis. Dans le cadre de sa formation, on a eu l’idée géniale de l’envoyer suivre un programme d’activité en plein air. Il y a des hasards comme ça dans la vie.

Il a tout lâché.

Tout.

Pour l’escalade.

Et tous les sommets mythiques y sont passés : des Alpes à l’Everest, des Dolomites au Old Man de Hoy (un stack - morceau de terre qui s’est décroché du continent - de 137 mètres dans l’archipel des Orcades, nord de l’Ecosse, sur l’île de Hoy… franchement, allez voir sur Wiki à quoi ça ressemble…), des parois de glace de l’Ogre ( sommet de 7300 m sur une montagne située en Himalaya au Pakistan) à El Toro dans les Andes péruviennes en passant par le Gasherbrum (ensemble de sommets de plus de 8000 m au Pakistan), il est allé partout. Il fallait « nourrir la bête » : aller au bout de ses envies, ne reculer devant rien, tout risquer, se faire plaisir. Et je vous assure, quand il raconte ses grimpettes, on est heureux d’être tranquillou au fond de son lit. C’est tellement impressionnant ! On vit pleinement ses exploits, on se dit qu’il ne va jamais pouvoir s’en sortir. On tremble de peur, de froid. Les températures sont délirantes, les hauteurs de neige, n’en parlons pas, et ils avancent (on se demande comment) sur des parois de glace, dans le blizzard (et éventuellement avec des côtes cassées et des extrémités gelées.)

Le matériel est essentiel : cordes, casque, sangles, mousquetons, pitons, étriers, coinceurs… A tel point qu’il finira par créer sa propre entreprise de matériel. Des tentes résistantes et qui ne prennent pas l’eau. Même chose pour les vêtements. Réussir une ascension passe par des petites choses sur lesquelles il ne faut rien lâcher. Rester au sec en est une. Il a créé un casque, le Joe Brown, aussi une broche à glace en titane et un piolet à manche en fibre de verre. Et il y tenait à son matériel. Hors de question de laisser un coinceur dans une fissure !

Bon, à défaut de se lancer dans un dévers ou un dièdre au risque de faire une tête d’alouette si la fiabilité de votre lunule s’est révélée trompeuse, lisez ce livre ! Vous vivrez intensément et à moindres risques !  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire