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vendredi 1 août 2025

Madame Bovary de Flaubert

Éditions Folio
★★★★★

 Juillet 2025 : 4e lecture de « Madame Bovary ».

Le texte a été écrit entre 1851 et 1855 , Flaubert avait 30 ans.

Notes de lecture :

1. Je suis très impressionnée par l’extrême maturité que suppose l’écriture d’un tel texte. Or Flaubert est vraiment très jeune. D’où lui viennent ces analyses très justes sur l’ennui, la passion, le désespoir ? Qu’a-t-il vécu pour écrire tout cela ?

2. Autre chose : comme les hommes sont minables dans ce texte : aucun n’échappe à la médiocrité, à la petitesse, au ridicule. Ils sont mesquins, lourds, vicieux, incapables d’aimer pleinement, conformistes, intéressés et lâches. Tous sauf un : Charles, sauvé par l’amour absolu qu’il porte à Emma tout au long du roman. Il mourra d’amour pour elle, dans le silence de son jardin. (J’avais oublié cela.) C’est lui qui, après la mort d’Emma, dira à Rodolphe : « Je ne vous en veux pas. » Il contemplera cet homme qui lui donne l’impression de se sentir encore un peu près d’Emma. Quel beau personnage !

3. Emma. Lecture d’Emma au XXIe siècle. Je lis dans un vieux bouquin qui date de 1981 qu’elle est une jeune fille « rêveuse, exaltée par ses lectures », faible, déséquilibrée, passive, excessive, capricieuse, « elle ne s’intéresse à rien de suivi » (Guy Riegert). Bref, Emma a tous les défauts. Moi je ne trouve pas. Bien au contraire, j’admire sa force, sa volonté, son tempérament, son caractère entier et passionné. Pour une femme du XIXe, quel courage de s’opposer comme cela à la vie toute tracée qu’on lui propose ! Non, elle ne restera pas à la maison à attendre bien gentiment le retour de son mari en faisant du crochet ou en jouant aux dominos avec sa fille. En effet, elle n’a visiblement pas d’instinct maternel. C’est très ennuyeux mais c’est comme ça. Oui, elle étouffe dans ce rôle de femme bourgeoise au foyer : elle a besoin de prendre l’air, d’aller ailleurs, de rencontrer des gens, d’imaginer des lieux fous et colorés même s’ils n’existent pas, de vivre en prenant des risques. Emma est entière, passionnée, ambitieuse. Elle ne compte pas, elle donne tout, veut tout. Elle n’a rien de passif ! Elle effraie les hommes tellement son caractère est puissant. Elle veut jouir, profiter, être indépendante. La morale, elle s’en libère ! Comme elle fait peur aux hommes ! Ils fuient tous ! Non, elle n’est pas folle, elle est juste libre. C’est ça qui coince. Il est bien là le problème. Emma est une femme moderne. Elle exècre la médiocrité, la demi-mesure et refuse de rester à la place où la société lui demande de se tenir. Elle n’existe que quand elle est ailleurs, en dehors de chez elle, loin des quatre murs qui l’enferment. Elle ne peut se satisfaire d’un petit bonheur bourgeois étriqué, conformiste et mesquin. Alors on l’accuse : elle est trop ci, trop ça, pas assez ci, pas assez ça. Emma, elle pète les barreaux, déchire la chape de plomb qui pèse sur elle. A-t-elle tort de rêver ? Doit-elle brider ses désirs, sa sensualité ? Certainement pas ! Emma n’aime pas Charles ? Ben oui. Et pourtant Charles est gentil. Oui. C’est triste mais c’est comme ça. Elle le trouve terne. Il ne correspond en rien à ce qu’elle est. Elle s’ennuie avec cet homme. Est-ce une raison pour la blâmer ? Non. La médiocrité de Charles (moi aussi ça me fait mal d’écrire cela car j’aime beaucoup ce personnage) la révulse. « Charles n’était pas de ceux qui descendent au fond des choses » écrit Flaubert. Elle est mal mariée. Emma a besoin d’autre chose. Aujourd’hui, elle aurait travaillé. Elle aurait eu les moyens de dire non. Le destin d’Emma, victime de la condition réservée aux jeunes filles de son époque, justifie amplement toutes les luttes féministes qui suivront.

4. Dans ce roman, personne n’a tort, personne n’a raison. Chacun parle dans le vide : que ce soit Homais, le pharmacien, Bournisien, l’homme d’église, Léon, Rodolphe. Dans le fond, ils sont tous grotesques. La vie est grotesque.

5. Dernière chose : quel roman parfait ! Chaque chapitre est une scène d’anthologie. Je repense à l’opération d’Hippolyte, à l’empoisonnement d’Emma, aux scènes avec l’aveugle…

Je vais lire maintenant la correspondance tenue par Flaubert durant les années d’écriture de « Madame Bovary », entre septembre 1851 et avril 1856, histoire de jeter un œil sur les coulisses d’une œuvre qui a donné tant de peine à son pauvre créateur !




 

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