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jeudi 15 mars 2018

L'année de l'Éducation sentimentale de Dominique Barbéris


Éditions Gallimard
★★★★★ (J'ai adoré)

Elles ont cinquante ans, elles étaient à la fac ensemble et elles se retrouvent une journée d'été chez l'une d'entre elles pour parler du passé…
Moi, je lis ce petit résumé, je me jette littéralement sur le livre.
1. Parce que j'adore les romans où il ne se passe rien ou pas grand-chose, où les personnages sont autour d'une table et discutent. Rohmer n'est plus, c'est dommage, c'eût été un bon scénario de film pour lui.
2. J'aime la dimension théâtrale de ce roman qui a un petit air tchékhovien…
3. Les personnages me ressemblent - c'est un peu nombriliste mais tant pis, j'assume - je m'imagine très bien passer un été sous un arbre à discuter de tout et de rien avec les copines de toujours. Si vous ajoutez lectures et baignades, vous m'offrez le paradis…
En plus, la fac qu'elles ont fréquentée est la mienne, les cours qu'elles ont suivis ont été les miens à peu de chose près, les livres qu'elles ont lus et qui demeureront à tout jamais leurs références sont aussi ceux sur lesquels je m'appuie pour juger les autres (Flaubert, eh oui, toujours Flaubert…), elles sont enseignantes, comme moi (que faire d'autre après des études de lettres modernes???) Bref, j'ai lu ce roman comme on se regarde dans un miroir. C'est confortable, on a l'impression d'être précisément sur la même longueur d'onde que l'auteur, d'avoir le même vécu. De piger le plus petit sous-entendu. Pas besoin de notes en bas de page. Et surtout… on a...
4. le même humour ! Car, oui, c'est très drôle ! Imaginez le personnage de Florence qui débarque de Paris, scrute la campagne avec un léger dégoût, déteste les mouches qui piquent et les maisons qu'on ne ferme pas à clef la nuit, déplore l'absence de piscine (il fait très très chaud, l'orage se prépare), s'inquiète de la trajectoire des avions au-dessus de sa tête « Muriel, tu dois être sur le tracé d'une route aérienne. Ce n'est pas gênant ? C'est embêtant quand même d'être sur le tracé d'une route aérienne. Vous y avez pensé quand vous avez acheté votre maison ? Moi, ça m'aurait fait réfléchir. », repense aux soirées en Italie avec son mari « Pourquoi manges-tu tant de pain ? Il y a des pâtes. Tu n'as pas besoin de pain avec tes pâtes », déplore les tatouages sur le corps de son beau-fils...
Je vous promets, mes copines ne sont pas aussi chiantes ! Quoique... (je plaisante...)
Et puis, il y a Muriel, celle qui reçoit, qui a fait la salade ananas-crevettes-avocat (hum, faudra que j'essaie…), elle ne va pas fort… « Mais quelquefois, je reconnais, j'ai envie de marcher ailleurs. Ouvrir le portillon et partir, juste partir, il y a des tas de petites routes dans le coin que je ne connais pas et qui sont près d'ici, des routes que je n'ai pas prises. C'est drôle. On vit quelque part des années, et on ne sait pas vraiment où on vit. »
Pauvre Muriel, on a juste envie de la prendre dans ses bras et de la réconforter…
Enfin, il y a Anne, la discrète, celle qui a réussi sur le plan professionnel, est devenue prof de fac. Bon, sentimentalement, il y a des hauts et des bas…
Autrefois, (c'est bien le mot qu'on emploie, non, pour parler du passé quand on a 50 ans?), donc autrefois, elles avaient suivi le cours de Boulis sur l'Éducation sentimentale…, l'amphi n'était pas chauffé mais qu'est-ce qu'elles n'auraient pas fait pour assister au cours de Boulis (d'ailleurs, Anne était amoureuse de lui...)
Autrefois, en 81…, 1900…, elles étaient allées en Italie ensemble… Les souvenirs sont là… La nostalgie à fleur de peau…
Depuis, « elles avaient des milliers de fois mis la table, débarrassé la table, secoué les miettes, mis la vaisselle dans la machine, fait cuire du bifteck, acheté du Sopalin. »
Comme c'est étrange, ça me dit quelque chose tout ça, une impression de déjà vécu… Ah, vous aussi ?
Depuis, elles avaient pris conscience que « ces hommes grisonnants qui calculaient leurs points de retraite et qui ressemblaient à leurs oncles étaient leurs maris. »
Depuis, elles ressemblaient de plus en plus à leurs mères (enfin, c'est ce que disaient leurs maris pour être méchants). Mais c'était vrai.
C'est le fils de Muriel qui aura le dernier mot de l'histoire : il appelle par Skype sa petite copine qui est à l'autre bout du monde et lui dit : « J'ai passé la soirée avec des amies de maman, deux vioques plutôt sympas. »
Bon, si on reste sympa même en étant « vioque », c'est déjà pas mal, hein ?

Faut bien se consoler comme on peut...




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