Éditions Gallimard
Collection Sygne
★★★★★ (excellent!)
« Tu
sais, ça ferait très plaisir à ta sœur si tu faisais un petit
discours le jour de la cérémonie. »
Voilà
la phrase qui tombe dans l'oreille d'Adrien, la quarantaine en berne,
alors qu'il s'apprête à vivre un repas de famille avec parents,
soeur et beau-frère. Soudain, c'est comme si une chape de plomb lui
tombait sur les épaules. Un discours… A écouter c'est déjà bien
pénible mais à rédiger…et à prononcer... Et pour dire quoi ?
Qu'il adore sa sœur Sophie qui lui offre à chaque occasion une
encyclopédie (système solaire, univers, oiseaux, insectes,
football, Moyen Âge, primates...) et qui n'a pas changé ses
habitudes à l'heure d'Internet ? Qu'il trouve son beauf Ludo
super-cool, lui qui part sans prévenir dans de grandes envolées
lyriques sur le permafrost, le taxon Lazare ou les moaï de l'île de
Pâques ?
Il
faut dire que le pauvre Adrien ne va pas bien : son histoire
d'amour est en train de tourner en eau de boudin et il n'a rien
trouvé de mieux que d'envoyer un « Coucou Sonia, j'espère
que tu vas bien, bisous! » à sa copine qui avait souhaité
« faire une pause », comme on dit. Et notre pauvre
Adrien de se demander quelle mouche l'a piqué d'expédier ce message débile qui s'achève sur un point d'exclamation encore plus débile.
Et tandis que le repas commence, que sa mère le trouve pâlichon,
que sa sœur lui demande comme à chaque fois s'il aime le poivron et
s'il prend du sucre dans son café, que son beauf l'entretient sur le
« tardigrade qui résiste à tout » et que son père se
lance dans des digressions interminables, le gars Adrien attend…
une réponse, un petit SMS, un micro-signe de vie de la part de
Sonia.
Et
le repas avance, et Adrien s'enfonce dans une déprime de plus en
plus profonde et… et…
Et
en plus, il a la perspective de devoir faire ce discours…
L'enfer
sur terre entre le gratin de pommes de terre et la tarte
poire-chocolat...
Bon,
tout d'abord, pour ceux qui s'interrogent (et je sais qu'il y en a) :
ici, c'est un roman… sans images… que du texte, des phrases, des
mots ! Et croyez-moi, si l'on rit BEAUCOUP, en même temps,
pauvre Adrien, comme on le comprend!, et il y a une telle humanité
dans ces situations que j'ai eu pour ma part plusieurs fois les
larmes aux yeux. Ce sont des moments que l'on a tous vécus un jour
ou l'autre, des passages à vide où l'on a « assuré »
devant les autres alors qu'au fond, on était en miettes, on avait
envie de pleurer toutes les larmes de son corps en sachant très bien
que le verre de jus d'orange que nous proposait notre maman chérie
ne suffirait pas à étancher le raz de marée de notre tristesse.
Dans
ce texte, tout est juste, percutant, bien vu, tellement vrai, si
drôle, si triste et tellement tendre en même temps !
Fabrice
Caro mêle à un sens de l'observation super-aigu un irrésistible
humour absurde, le tout génialement ficelé dans un récit qu'on ne
lâche pas… Et on en redemande ! La cerise sur le gâteau ?
Un coeur gros comme ça et une vraie empathie pour ses personnages -
même le beau-frère - (et pour l'humanité tout entière aussi
d'ailleurs) ! Et c'est précisément ça qui m'a touchée…
Je
l'aime beaucoup ce Fabcaro, oui, vraiment beaucoup !
Je viens de terminer ce roman et c'est en effet un livre jubilatoire ! On rit beaucoup, on sourit aussi car comment ne pas se reconnaître dans ces dîners familiaux interminables où chacun tient son rôle, ou la conversation a ses codes et où répondre à un coup de fil amoureux peut constituer une entorse à la bienséance! Et puis cette histoire de coup de fil attendu crée un véritable suspense. On rit et on frémit...
RépondreSupprimerBien d'accord avec toi, Mary! Un grand plaisir de lecture!
RépondreSupprimerGood blog post
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