Éditions de l'Olivier
★★★★★★ (Magnifique!)
Quelle
splendeur que ce livre !
Voilà,
c'est dit, et je souhaiterais presque n'ajouter aucun mot à ceux de
Valérie Zenatti. Ils sont tellement beaux, sensibles, sincères,
intimes qu'ils m'ont touchée au coeur et je sais que je garderai à
jamais inscrite dans ma mémoire la toute dernière partie qui frise
le sublime…
Valérie
Zenatti est la traductrice du romancier et poète Aharon Appelfeld
avec lequel elle a noué au fur et à mesure des traductions et des
rencontres un lien extrêmement fort. Lorsqu'elle apprend sa mort le
4 janvier 2018, elle est sidérée, accablée, anéantie : elle
perd un proche, un père, un ami, un amour, une âme-sœur, un double
même peut-être. La veille de sa mort, le sachant très malade, elle
a pris un billet pour Tel-Aviv et le lendemain, tandis qu'elle
s'apprête à monter dans l'avion, elle découvre une alerte sur son
téléphone portable. Aharon Appelfeld vient de mourir quelques jours
avant son 86e anniversaire.
Après
les obsèques et le retour en France, Valérie Zenatti ressent une
incapacité profonde à se lancer dans une activité quelconque qui
lui permettrait d'occuper son esprit. Elle se sent vide, abandonnée,
perdue. « Je ne sais pas comment je vais vivre
maintenant… je ne sais pas comment vivre sans Aharon. »
Elle se replonge alors dans les interviews d'Aharon qu'elle peut
trouver sur le net. Elle réentend sa voix, retrouve ses gestes, son
regard, ses silences. Elle se perd dans ces images pour tenter de
faire revivre ce double perdu et nous entraîne avec elle au plus
près de cet homme qui vient de mourir. Elle rêve de lui, réécoute
ses messages, compte le nombre de jours qu'il a vécus, se souvient
de leurs échanges, des phrases qu'il a prononcées, des mots qu'il
lui a glissés à l'oreille. Les personnages des livres qu'elle a
traduits lui reviennent en mémoire : elle est eux, elle est
lui.
Dépossédée
d'elle-même, elle refuse tout d'abord de sortir de cet état comme
pour rester avec lui, ne pas l'abandonner. Elle pense avec une
profonde tristesse au prochain livre qu'elle traduira sans qu'elle
puisse parler avec lui, sans pouvoir échanger sur ses sentiments,
ses émotions.
Elle
nous raconte l'existence incroyable de cet homme avec lequel elle ne
fait qu'un : « Et ma voix s'est élevée pour
traduire : Je suis né à Czernowitz en 1932. Et quelque chose
en moi murmurait, je suis née à Czernowitz en 1932. »
« On me dit que je lui ai donné ma voix en français, mais
ce n'est pas tout à fait ma voix, c'est la sienne que je
porte en moi et qui existe dans ma voix pour lui, pour le comprendre
et le traduire, livre après livre, et pour toutes nos conversations
silencieuses. »
Alors
un jour, elle prend un avion pour Kiev, puis un train pour Czernowitz
en Ukraine (jadis rattaché à la Roumanie) afin de se trouver le
jour anniversaire d'Aharon Appelfeld, le 16 février 2018, là où il
est né, là où il a vécu enfant, là où il a puisé à jamais les
images qui peuplent ses livres. Peut-être le retrouvera-t-elle un
peu dans les rues de cette ville et parviendra-t-elle à éprouver
une certaine forme d'apaisement. Et si rien ne venait ? Si aucun
signe de lui ne se manifestait ? Et si Aharon avait disparu à
jamais ? Etait-ce possible ?
Je
peux à peine parler de ces dernières pages sublimes sans que les
larmes ne me montent aux yeux. Quelle pure beauté, quelle grâce…
Quel magnifique texte sur les liens puissants qui peuvent unir un
écrivain et sa traductrice.
Un
très grand texte et, bien sûr, un hommage hors pair à un homme
exceptionnel : Aharon Appelfeld.
L'un de mes livres préférés depuis le début de l'année. A mon avis, il fera partie de mes trois coups de cœur 2019.
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