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mercredi 27 janvier 2016

L'Ombre de nos nuits de Gaëlle Josse


Quel début d’année ! Je n’en reviens pas. Les textes que je découvre, quoique portant sur des sujets bien différents, me touchent chacun de leur façon. Pourvu que ça dure !
Je le dis tout de suite, de Gaëlle Josse, je n’ai pas lu Le dernier gardien d’Ellis Island qui a eu beaucoup de succès mais je peux vous assurer que ça ne va pas tarder !
 Au début du livre, l’éditeur précise que l’auteur est venu à l’écriture par la poésie. Je crois en effet que Gaëlle Josse pourrait bien nous parler de n’importe quoi, nous nous laisserions porter par sa prose si nuancée, si douce, si poétique. La délicatesse faite écriture. Une prose qui apaise et qui soigne…
Dans L’Ombre de nos nuits, deux histoires s’entremêlent : celle d’un peintre, Georges de la Tour, en son atelier de Lunéville, au début de l’année 1639. Dans le clair-obscur de la pièce, il prépare sa toile et éprouve un « vertige… devant cette surface vierge. Tout y est possible. » Son petit apprenti Laurent l’observe et commente chacun de ses gestes. Il fait bon dans l’atelier, les regards se croisent et se taisent. Chacun contemple ce « Maître qui sait peindre le silence. » Il sait que sa fille Claude prêtera son visage à Irène, la jeune femme penchée sur Saint Sébastien et qui tente de lui enlever une flèche fichée dans la cuisse. Marthe, la fille de la servante, sera celle qui se dissimule le visage au second plan. Il faut se mettre au travail car le peintre destine son œuvre au roi, Louis XIII.
Puis, changement d’époque : nous sommes à Rouen, au printemps 2014 : une jeune femme est face à la toile peinte par De La Tour : « Saint Sébastien soigné par Irène », dans un musée de Rouen. Elle aussi a aimé et essayé de soulager, de soigner celui qui souffrait. Elle se perd dans la contemplation de ce tableau qui la renvoie à ce passé, encore là, si près, et dont elle panse encore les plaies.
Lumières, lumières de quelques moments heureux, intenses, miraculés où l’on a fait don de soi, de son amour : « Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie. Telle est la voie sacrée », ce sont les mots de René Char, cités en exergue. Don du peintre qui donne de soi pour insuffler la vie aux personnages sur la toile, don de sa fille Claude qui doit penser, comme le lui demande son père, à ce qu’elle aime le plus au monde lorsqu’elle pose, don de Laurent, le petit apprenti orphelin, qui s’est offert secrètement à Claude et se livrera corps et âme à la peinture, don de la narratrice qui s’est perdue en l’homme qu’elle aimait.
Ombres, ombres de la guerre, celle de Trente ans, qui n’en finit pas, de la peste, en cette année 1639, désolation de voir ce fils aimé qui ne saura jamais peindre, ombres d’un nom que l’on entend prononcer et qui est celui de l’autre, celle dont l’ombre plane.
« De l’obscurité émerge une étrange vérité, celle de nos cœurs. » constate le peintre.
Peut-être a-t-on besoin de l’ombre de nos nuits pour survivre à la lumière, s’élancer dans le jour qui nous appelle et « Reprendre la route ». 

1 commentaire:

  1. Ayant beaucoup apprécié Le Dernier Gardien, je pense que je le lirai. Mais j'attendrai de le trouver en bibliothèque...

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