Éditions du Rouergue
★★★★★(J'ai adoré)
Quelle
claque ce roman ! Quelle claque ! Je n'en reviens pas.
Après
la lecture d'un livre, j'aime bien aller voir sur Internet à quoi
ressemble l'auteur. Je le découvre - bel homme - interviewé sur TV5
Monde par une journaliste dont je n'ai pas trouvé le nom. C'est lui.
Je mets un visage sur ces mots qui m'ont touchée au coeur, qui m'ont
complètement bouleversée. C'est lui le journaliste à l'Humanité
et au Monde Diplomatique né d'une famille de paysans du
Serre-de-Barre en Ardèche et qui a épousé une jeune fille de la
grande bourgeoisie germanopratine, la belle-famille et les vacances
sur l'île de Ré qui vont avec, oui c'est bien lui, le bipolaire qui
s'est retrouvé quatre mois après son prestigieux mariage à moitié
à poil et mâchouillant une branche de buis, grimpé sur les épaules
d'une statue de Jean Jaurès à Montpellier. C'est lui.
L'émotion
me gagne en l'écoutant répondre à la douce voix de la
journaliste : oui, si je suis là devant vous, c'est parce que
je prends des cachetons, sinon je pète tout - et ça, il faut un peu
de temps pour le comprendre et l'accepter -, oui ma femme s'est
barrée, oui on ne ressort pas indemne d'internements à répétition,
oui mon livre est politique, oui il y a des dominés qui s'en
prennent plein la gueule et des dominants qui écrasent les petits de
ce monde sans même s'en apercevoir comme quand on marche sur des
fourmis en se baladant, oui il y a des conflits de classes et quand
on se retrouve le cul entre deux chaises, comme moi, on se casse la
gueule.
C'est
du lourd et il est là à dire que la vie est belle et que, s'il est
encore vivant, c'est pour en profiter. J'en ai le souffle coupé.
Quelle force, quel courage, quelle volonté, quelle intelligence !
Je vous admire, monsieur Souchon, parce que vous vous battez. Contre
votre maladie d'abord, et contre les inégalités ensuite. Je me
demande d'ailleurs parfois ce qui vous a rendu le plus malade. Je
suis soufflée par la force, la puissance de votre récit. Vous
écrivez avec vos tripes dans une langue magnifique, forte, violente,
avec des mots qui claquent, des phrases qui cinglent et qui se
bousculent au portillon parce qu'on sent que ce que vous avez à
dire, ça vous tient aux tripes. Il n'y a pas de pipeau là-dedans,
vous n'écrivez pas pour faire du style ou raconter des histoires
mais parce qu'il y a une urgence à exprimer vos émotions, c'est
vital, viscéral et je vous jure, monsieur Souchon, que j'ai très
vite compris qu'on n'était pas là pour s'amuser, non, vraiment
pas !
Alors
la scène inaugurale met vite le lecteur dans le bain : une
crise, une belle : vous pétez les plombs. Les policiers que
vous prenez pour les envoyés du diable vous font descendre bien
gentiment des épaules de Jaurès et on vous embarque, direction
l'HP. Ce n'est pas la première fois que vous y mettez les pieds :
à vingt ans déjà, après de brillantes études, vous en aviez fait
la terrible expérience : « J'avais vingt ans et
j'avais senti dans ma bouche le goût de la vie qui s'en allait. »
Là vous découvrez en vrac « les viols, l'anorexie... les
suicides, les lacérations, flagellations, avalages de parfums,
d'essence, scarifications, coups de tête contre les murs, overdose
de cachetons. » Le programme est varié en HP.
Cada,
votre père, garde-forestier, est là. Toujours. Ça va
Chichi ? Oui Cada.
Vous
aviez vingt ans et vous étiez bien persuadé que vous n'y mettriez
plus les pieds. Et rebelote en 2003, puis ce 7 janvier 2009, vous
retombez dans la maniaco-dépression. Là, pour ce énième séjour
en HP, ils vous ont donné la dose de neuroleptiques, votre maladie
est identifiée et pour vous c'est un soulagement, n'empêche que
pour le moment, vous tenez à peine debout, c'est votre père qui
vous soutient dans les allées du parc.
Vous
l'interrogez beaucoup sur votre famille de petits paysans ardéchois :
la guerre, la misère, le difficile travail de la terre et le déclin
de cette paysannerie, vos racines. Il vous en raconte, votre père,
sur lui, sur eux : vos grands-parents dont vous n'avez jamais
fait le deuil, vos arrière-grands-parents.
D'une
certaine façon et sans vraiment le vouloir, il vous aide à bâtir
la légende, aussi lourde pour vos frêles épaules qu'une statue de
Jaurès. Ce passé vous obsède et vous bouffe. Les vôtres sont des
petits, des humbles, ils se la ferment. Ça vous a permis de bâtir
votre mythe perso au sujet de vos origines sociales et familiales.
Quand vous apprendrez la vérité, ça vous fera comme un poing dans
la figure mais peut-être vous faudra-t-il passer par là pour
dénouer les nœuds et y voir plus clair .
Quel
récit terrible et lucide dans lequel vous vous mettez à nu et
permettez-moi de vous dire, monsieur Souchon, que vous êtes
magnifique, une belle personne comme on dit, bourrée d'humanité,
sincère, sensible, avec de l'humour à revendre. J'ai beaucoup ri en
vous lisant. Oh que oui vous êtes vivant ! Bien plus que
d'autres qui sont certainement persuadés de l'être plus que vous
mais qui ont enterré depuis bien longtemps leur altruisme, leur
générosité et leur empathie, si toutefois ils en ont eu un jour…
En plus, vous qui rêviez de devenir écrivain : c'est fait,
vous l'êtes, votre plume est magnifique de fureur et d'amour.
Bravo,
monsieur Souchon et SVP, restez vivant le plus longtemps possible !
Sempervirens,
comme votre séquoia...
Ohhhhh ! Tu donnes trop envie !!
RépondreSupprimeroui, tu donnes trop envie de devenir fou...
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