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dimanche 30 août 2020

Somb de Max Monnehay


 Éditions du Seuil
 ★★★☆☆ (why not?)


Saviez-vous que sur la très boboïsante et néanmoins ravissante île de Ré, et plus précisément à Saint-Martin-de-Ré, se trouve une prison dans laquelle sont détenus environ quatre cents hommes condamnés à de longues peines ? Et que donc, très logiquement, l'administration pénitentiaire se trouve être le principal employeur des habitants de l'île – cette dernière remarque n'a absolument rien à voir avec le bouquin dont je vous parle, mais l'idée me plaisait et je tenais donc absolument à vous en faire part !
Évidemment, quand on se balade sous le soleil en traînant ses tongs fluo tout en léchouillant sa glace dégoulinante de chez La Martinière, on n'imagine pas forcément que d'autres bougres croupissent à l'ombre sans aucun risque d'attraper le moindre coup de soleil et qu'ils y resteront vraisemblablement un bon bout de temps…
Terre de contrastes…
Je recentre : Victor Caranne, psychologue, franchit tous les jours le fameux pont sur sa Honda CB 500 pour rejoindre la Citadelle, s'entretenir avec les détenus et tenter de soulager leur esprit. Souvent, c'est lui qui repart la tête pleine d'images terrifiantes et de fantasmes inavouables qu'il doit garder pour lui, secret professionnel oblige. Le soir, en rentrant, il noie ses soucis dans un ou deux verres de whisky et se réchauffe les pieds auprès d'une belle rousse bien roulée prénommée Julia qui l'attend endormie (et à demi dévêtue ou à demi vêtue… choisissez...) sur un canapé en cuir face à l'Océan… Le petit hic dans ce début somme toute assez idyllique, c'est que la Julia, elle est mariée (eh oui!) et elle est mariée avec le meilleur ami du gars Victor (hé, hé…) Ça, évidemment, c'est moralement un peu gênant aux entournures mais que voulez-vous, ça arrive, et à plus d'un… Que voulez-vous…
Bon, de ce côté, je ne peux pas vous en dire plus … Suspense oblige… Sachez quand même (c'est toujours compliqué de chroniquer un roman policier car il faut dire sans dire… on rame un peu…) sachez quand même donc que l'on apprend à travers une discussion entre le beau Victor et la belle Julia (dans la maison de 100 mètres carrés face à l'Océan) que le Victor en question n'a pas digéré un événement de son passé… Lequel ? (ah ah, chut…) et que tout ne tourne pas parfaitement rond dans sa petite tête de psy… Alors quand il va se passer ce qui va se passer… autant vous dire que des choses plutôt douloureuses vont refaire surface et que le présent va devenir très vite à peine supportable…
Si j'ai aimé ce polar ? Oui sans plus… Les clichés m'ont, comme d'habitude, hérissé le poil (c'est pourtant pas bien compliqué de les éviter, non?) Si par ailleurs on est prêt à admettre quelques invraisemblances et que l'on supporte des personnages un brin caricaturaux, ça devrait passer...
Bref, en deux mots, y'a pire mais y'a mieux !

mercredi 12 août 2020

Nos derniers festins de Chantal Pelletier

★★★★☆

Imaginez : on est en 2044 (ne faites pas la grimace, je vous y vois comme je m'y vois et vous pétez toujours la forme!), le lobby des végétariens, végétaliens, locavores, accros aux protéines, à la macrobiotique et en guerre contre le sucre, le gluten, la graisse a finalement eu gain de cause.

Le fois gras circule en contrebande et « les dealers de camembert sont plus nombreux que les trafiquants d'héroïne. »

Quant au veau en daube, n'y songez plus et même pas en rêve comme dirait l'autre : on ne mange plus les bébés animaux... Adieu les plats de grenouilles à l'ail, d'escargots de Bourgogne, de raies aux câpres noyées de beurre, les risottos à la truffe baignés de sauces onctueuses : trop gras, trop riches, trop dangereux pour les artères et le coeur… Et toutes ces bonnes choses sont remplacées par une « bouffe sans goût, hygiénique, écologique, morale et consensuelle, en pots, en gélules ou en poudres. » Ah, vous rêvez de vous empiffrer au restau ? Il faudra au préalable vérifier le nombre de points dont vous disposez sur votre permis de table ! Vous avez du diabète ? Votre taux de cholestérol ou de glycémie à jeun laisse à désirer ? Oubliez le baba au champagne ou le pot-au-feu de canard à la citronnelle et autant dire que vous n'aurez PLUS JAMAIS le droit de toucher à la tarte aux trois chocolats. Le restaurateur se chargera de vérifier scrupuleusement les points dont vous disposez encore sur votre permis que vous devrez obligatoirement lui soumettre pour être servi. Vous êtes en bonne santé ? Parfait ! Il vous faudra tout de même jeter un œil aux points qui figurent devant chaque plat sur le menu que l'on vous a proposé. Un bœuf forestier ? Quatre points. En disposez-vous encore ? Une mousse au chocolat : six points.

S'il vous venait à l'esprit de dilapider d'un seul coup toutes vos réserves, vous diriez alors adieu au restaurant pour un bon bout de temps ! Et si vous abusiez des bonnes choses et tombiez malade, la Sécurité Sociale ne viendrait pas soulager vos finances: vous l'avez voulu, tant pis pour vous ! Terminées les prestations sociales pour les désobéissants !

Au menu : salade verte, radis, feuilles de chou, brocolis et poireaux. Je vous entends : « ben quoi, c'est bon, les brocolis ! » Hypocrite que vous êtes ! Allez, et le poulet mafé, les pommes de terre farcies en mille-feuilles, la panna cotta, le welsh rarebit, hein, c'est pas mal non plus ?

Concrètement, pour assurer le bon fonctionnement de tout ce système, il faut des contrôleurs alimentaires. Eh bien, en voici deux, en la personne d'Anna Janvier, une jouisseuse « athée et omnivore », « végétarienne non pratiquante », bonne vivante décomplexée avec « des formes d'ours en peluche et des appétits de boulimique », qui a bien l'intention de profiter de la vie et ce, dans tous les domaines, notamment celui de la bouffe !,,, et son acolyte, Ferdinand Pierraud, un brin coincé mais qui a lui aussi en mémoire les bons petits plats que lui faisait sa grand-mère autrefois pendant ses vacances en Bourgogne. Alors quand on lui dit que ce qui mijote doucement et discrètement dans cette arrière-cuisine de restaurant n'est pas du veau, son esprit s'échappe quelques secondes et il repense aux effluves de blanquette qui s'échappaient de la cuisine de sa grand-mère. « Il se délectait de la viande fondante exhalant tous ses sucs, des champignons encore alertes sous la dent, des carottes saoulées de sauce, puis, avec un quignon de baguette croustillante à la mie très blanche, il sauçait son assiette jusqu'à la dernière goutte… Saucer !! Mot chavirant pour un geste scandaleux qui évoquait le péché et le stupre, sonnait salace et cochon, laissait imaginer mouillures, bruits de bouche et grognements de jouissance, transbahutait surplus de cholestérol et embouteillage des artères… Mots et parfums le prenaient, le comblaient, lui en foutaient plein la bouche, le mettaient au bord d'un orgasme de premier choix. »

Alors ces deux-là vont débarquer dans le restaurant de Lou, ils vont bien sentir que quelque chose ne tourne pas rond et que les règles, Lou s'en arrange… Elle refuse notamment de contrôler permis de table et cartes de sécu. Hors de question de mesurer l'apport calorique de ses plats. Et puis quoi encore ! Elle risque gros : de perdre son restau par exemple. Mais on fait avec ce qu'on est, hein ? Va s'ajouter à cela le meurtre d'un cuisinier dans un petit restau clandestin.

Bref, les contrôleurs vont avoir du pain sur la planche ! Surtout que les enlèvements de cuisiniers récalcitrants organisés par quelques intégristes « pour protester contre le massacre des animaux, le gaspillage de la nourriture, la dilapidation des ressources, l'usage encore trop répandu de produits chimiques dans l'agriculture et l'industrie alimentaire, le non-respect des règles diététiques » sont de plus en plus nombreux. Il va donc falloir agir vite !

J'ai adoré ce polar dystopique (pas pour son intrigue - on ne le lit pas pour ça) mais pour l'évocation sensuelle, poétique et tellement réjouissante des plaisirs de la table… Et c'est si bien écrit qu'on en a l'eau à la bouche… Quant à la société qui se profile où tout est interdit, contrôlé, standardisé, bien formaté, franchement, elle est effrayante et triste, si triste… faite de privation, de contrôle de soi, de morale, de frustration, de renoncement aux plaisirs de la chair, des chairs… C'est vrai qu'on se dit alors, « à quoi bon ?». Ce roman est un appel au plaisir, à la volupté, au bonheur, à un art de vivre tout simplement...

J'aimerais seulement que vous lisiez les dernières lignes (pas de panique, elles ne dévoilent rien de l'intrigue!), les voici… Qu'elles vous convainquent de vous régaler de ce texte délicieux et roboratif :

« Quatre-vingt-dix-sept ans, ça passe tellement vite ! Jusqu'à sept ans, ça ne compte pas vraiment, tu n'apprécies pas pareil. Donc mettons quatre-vingt-dix ans. Quatre-vingt dix occasions de manger pour la première fois une pêche, une blanche, mûre à point, bien juteuse, qui a mûri sur l'arbre ! Ça te coule sur les doigts, tu t'en fous partout, t'es le roi du monde pendant deux minutes et demie, tu mâches, tu fais durer, t'es éternel, tu manges ta première pêche de l'année !

Seulement quatre-vingt-dix premières pêches avec le parfum de la chair mouillée qui te jute dans la bouche ! Y en a qui boulottent ça sans y penser, les pauvres ! Ils auraient dû rester morts ! Parce que c'est pas plus compliqué que ça : avant de vivre, t'es mort, et à la fin, tu re-meurs. En attendant, tu fais gaffe à toutes les premières fois où tu manges une pêche. »

 

dimanche 2 août 2020

Il était deux fois de Franck Thilliez


★★★☆☆

Me voilà bien embarrassée avec mon Thilliez des vacances et ce, pour deux raisons toutes simples : j'ai trouvé l'intrigue très peu crédible, plutôt capillotractée comme on dit… Évidemment, vous me direz, tout est toujours possible dans ce monde qui est le nôtre (la réalité dépasse même la fiction, hein?!) mais là, franchement, on n'y croit pas à cette histoire alambiquée du genre labyrinthico-tentaculaire et donc, il faut bien le dire, plus ou moins confuse. Non, franchement, trop c'est trop et accumuler des sujets comme : l'amnésie (problème omniprésent dans la littérature policière contemporaine - c'est pratique vous me direz… le but étant de retrouver ce qui s'est passé pendant tout ce temps, ici 12 ans en l'occurrence, ça occupe l'espace de quelques pages… D'ailleurs, 12 ans, c'est à peine crédible d'autant que le personnage reprend le cours de sa vie en se renseignant ici ou là sur les événements passés et en cherchant éventuellement l'adresse de son appart' et dans quelle poche il a mis ses clefs… On l'aide un peu mais sans plus... Moi qui m'inquiète parce que j'oublie à peu près tous les titres des livres que je lis et la moitié des noms d'auteurs, finalement, je me rends compte que mon cas n'est pas si grave...), les enlèvements (d'enfants, c'est mieux), les meurtres (indispensables, évidemment), les sociétés secrètes (oups, j'en ai trop dit...), l'art (effet mise en abyme très en vogue...), les palindromes (Thilliez adore les palindromes et il nous en sert dans tous ses romans maintenant -les mêmes en plus- avouons que les « ressasser », « laval », « xanax », « abba » et compagnie, j'en ai un peu ma claque), les codes secrets (sous forme de tatouages par exemple -la symbolique des tatouages, pardon, mais j'ai un peu passé l'âge de ces conneries d'ados- qu'il faut déchiffrer, et comme on peut dire tout et son contraire, ça occupe encore le lecteur sur quelques dizaines de pages...), les Russes (ils sont partout et responsables de tout en ce moment - un peu comme les Chinois...), les chutes d'oiseaux morts (ah… très très à la mode… ça fait au moins le 3e bouquin que je lis où il est question d'oiseaux morts qui tombent du ciel … oui, je sais, très lourde symbolique, impression de fin du monde… etc etc... dans l'air du temps, ça aussi !) donc, accumuler tous ces thèmes battus et rebattus provoque ennui et impression de déjà lu...

Bref, rien de nouveau sous le soleil…

J'en arrive maintenant à l'autre problème : si je rencontre quelques soucis de mémoire, je ne suis pas encore complètement sénile. Je ne range pas mes chaussures dans le frigo et ne dépose pas mes chiens au collège. Mais là, il faut que je vous dise que j'ai été bien embêtée ! Pourquoi ? Eh bien parce que ce dernier Thilliez est plus ou moins la suite du Manuscrit inachevé publié en … 2018… Alors autant vous dire que les histoires de Léane, Jullian, xiphopage, jumeaux et compagnie, s'ils me disent bien un petit quelque chose, c'est de loin… de très loin même...

Non, franchement, ça sent le réchauffé, le truc qu'on essaie de raccrocher coûte que coûte… Bon je sais, certains y verront la preuve du génie de Thilliez là où moi, je devine un certain essoufflement et beaucoup de redites.

Je ne suis pas très sympa sur ce coup-là mais je me suis ennuyée… Une vague impression de répétition… « Il était deux fois », oui, c'est bien ça et c'est une fois de trop...