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dimanche 5 novembre 2023

Retour sur la rencontre avec Gaspard Koenig en terre normande le 4/11/23



 Il est arrivé à la médiathèque de Condé-en-Normandie avec ses grosses chaussures de marche. En voisin, comme il dit.

En effet, Garpard Koenig habite à Montilly-sur-Noireau, petite commune de l’Orne. 720 habitants. C’est certain, ici, il a tout loisir de les observer ses vers de terre ! Je connais bien la région, j’y vis depuis fort longtemps. Pur hasard des mutations de l’Éduc Nat ! Un peu le bout du monde. Beaucoup de vert. Mais, on s’y fait ! Bon, les maisons ne sont pas chères et les terrains encore moins. 

En tout cas, c’est en observant les petites bébêtes batifolant dans le sol que Gaspard Koenig a eu l’idée d’écrire « Humus », un roman d’apprentissage contemporain qui met en scène deux personnages pleins d’idéaux, sortant d’AgroParisTech et qui vont vouloir trouver des solutions pour améliorer l’état de notre planète. 

L’un veut créer des lombricomposteurs individuels pour que les gens puissent retraiter leurs déchets organiques tandis que l’autre va quitter le plateau de Sarclay pour un petit village de l’Orne (qui ressemblerait bien à Montilly) afin de redonner un peu de vie aux terres malmenées du grand-père. Ils vont se heurter tous deux aux illusions, aux échecs, aux compromis. L’auteur explique qu’il n’a pas de solution, qu’il n’y a pas de message dans ce roman, ce n’est pas un roman à thèse. S’il avait des solutions, il aurait écrit un essai … N’empêche qu’une question se pose : face au désastre écologique, que fait-on ? Il s’est beaucoup documenté, s’est rendu à Rouen pour visiter une usine de lombricompostage. Pour lui, un roman doit être réaliste, notamment s’il parle de la société dans laquelle on vit. 

Pourquoi le choix des vers pour parler de l’écologie ? Parce que c’est un sujet simple, on a vite fait le tour de la question : 4 vidéos sur Google et un livre de Marcel Boucher : « Des vers de terre et des hommes », chez Actes Sud... Charles Darwin en 1881 (un an avant sa mort) avait déjà parlé des vers de terre dans son livre « La Formation de la terre végétale par l’action des vers de terre.» J’ai consulté par curiosité la notice Wikipédia et franchement, c’est passionnant… si, si… (vous aussi, quand vous aurez lu « Humus », vous ne verrez plus jamais les vers de terre de la même façon !) Bref, Gaspard Koenig rappelle qu’ils forment la première biomasse de la planète ! En effet, sur un hectare de terre se trouvent trois tonnes de vers ! Impressionnant, hein ! En fait, on ne regarde pas ce que l’on a sous les pieds. Notre tête est constamment tournée vers le ciel… Et c’est bien dommage ! 

Souvenons-nous de la servante de Thrace qui rappelle à Thalès que plutôt que de passer tout son temps à observer les astres, il ferait mieux de regarder où il marche, ce qui lui éviterait de tomber dans un puits.. Bref, les vers, c’est un sujet simple, facile à aborder et surtout un sujet d’actualité car n’oublions pas que le 1er janvier 2024, nous serons dans l’obligation de traiter nos déchets organiques.

L’auteur dit se sentir plus proche d’Arthur, il avoue aimer ces personnages assez radicaux, lui qui passe son temps à faire des compromis, comme nous tous d’ailleurs. En tant que philosophe de formation, il explique qu’Arthur est du côté des intentionnalistes (une action est bonne si les intentions sont bonnes) et Kevin des conséquentialistes (la moralité d’une action dépend de ses conséquences, utiles si possible) (Elizabeth Anscombe « Modern Moral Philosophy » 1958) Autrement dit, ces derniers considèrent que « dans un débat moral, on doit attribuer plus de poids aux résultats d’une action qu’à toute autre considération. » 

Donc Kevin se lance dans la création d’une start-up (largement manipulé par une femme parce que l’on sent bien que ce n’est absolument pas son truc tout ça.) La particularité des start-up, c’est qu’elles sont là pour vendre des projets qui ne sont pas forcément rentables. Et Gaspard Koenig de nous rappeler l’incroyable histoire de la start-up Theranos, entreprise américaine fondée en 2018 par Elizabeth Holmes, qui disait avoir trouvé le moyen de faire des tests sanguins très peu coûteux. Elle lève rapidement d’énormes fonds d’investissement (700 millions de dollars) et en 2015, son entreprise « est valorisée à hauteur de 9 milliards de dollars ». Le hic, c’est qu’à aucun moment l’entreprise n’a proposé des tests fiables. Les dirigeants seront inculpés pour fraude massive et Mme Holmes sera condamnée à plus de onze ans de prison, elle qui avait dîné avec les plus grands de ce monde ! Mais sa technique n’était pas au point ! En fait, le fonctionnement des start-up est simple : prétendre que c’est vrai jusqu’à ce que ça le devienne... Elle est belle l’évolution des mécanismes économiques ! On marche complètement sur la tête mais on n’est pas à une queue de vache près, comme on dit chez nous. (là, c’est moi qui parle, pas Gaspard, hein…)

Bon, notre auteur considère que la fin de son roman est optimiste (avec la plantation du hêtre…) et rappelle que Tchernobyl est devenu un refuge pour deux cents espèces d’oiseaux et jouit d’une bio-diversité absolument incroyable. Bref, la nature a repris ses droits et les scientifiques de conclure que finalement, l’impact de l’homme sur la nature est plus négatif qu’un accident nucléaire. La zone est donc devenue un refuge pour de nombreuses espèces menacées et les hommes sont priés de ne pas y mettre les pieds.

A la fin de cet échange passionnant, nous avons bu quelques vers, pardon, verres de poiré et j’ai retraversé mes champs sous la pluie en imaginant tout ce qui se passait sous la semelle de mes vieilles bottes en plastique.

C’est chouette quand même la littérature, ça aide à trouver le bonheur à portée de pied ….


 

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