Tous les matins, quand je pars au
travail, je passe devant un ancien café qui a fermé depuis quelque temps et
tous les matins, je le transforme en…librairie.
J’imagine l’emplacement des
étagères, la disposition des tables, le thème de la vitrine (que je change
presque chaque jour), le rangement de mes œuvres fétiches que je placerais bien
en vue, la lumière douce qui éclairerait les nouveautés, deux trois fauteuils
pour se poser et réfléchir et puis, peut-être, de quoi servir un thé ou un
café… Bref, je la vois ! Elle est là : MA librairie !
Alors quand j’ai découvert ce Manifeste pour la librairie… et les
lecteurs !, je me suis jetée dessus ! La librairie Mollat, qui ne
connaît pas ? Même moi qui n’ai jamais mis les pieds à Bordeaux, je
fréquente leur site et suis bien souvent leurs judicieux conseils de lecture.
Cette grande librairie est une
histoire de famille, d’un arrière grand-père latiniste et helléniste qui fonde
une librairie en 1896. Transmise de génération en génération, elle fait
travailler les nombreux membres d’une même famille jusqu’à ce qu’un certain
Denis Mollat en devienne le directeur. Après avoir achevé ses études de
médecine, il décide de reprendre la librairie, « une obligation plus
qu’une sollicitation ». Petit à petit, il faut s’adapter à la concurrence,
très forte dans ces années 80/90. La
librairie s’agrandit : 1400 mètres
carrés de rayonnages, (si j’avais ça près de chez moi,
je serais ruinée !), 57 libraires aux petits oignons qui vous connaissent,
qui prennent le temps de parler, de conseiller. Des rencontres, des échanges…
Les reproductions des photos de
la librairie font rêver…
Après s’être présenté, Denis Mollat
laisse la parole à ses invités : F. Brugère, philosophe, rappelle que la
littérature, en ces temps difficiles, nous aide à prendre soin de nous, elle est « un antidote au
trauma » et a un réel pouvoir « de réparation et de
consolation ». Elle ouvre des perspectives et en cela, nous fait rêver.
Elle lutte aussi contre l’ignorance, nous détourne d’un monde trop terre à terre
fondé sur l’économie et la rentabilité. Elle permet aussi de lutter et de faire
évoluer les idées. Bref, comme le disait C. Dantzig dans son essai Pourquoi lire ?, « D’une
certaine façon, il faut lire parce que ça ne sert à rien. Je parle de la lecture
de la littérature. On la lit, me semble-t-il, à cause de son absence de
vocation utilitaire. La véritable fonction de la littérature est de nous
maintenir en vie dans un monde brutal. »
Henri Causse, directeur commercial des
Editions de Minuit, évoque quant à lui un libraire « créateur de
son », celui qui prend des risques, misant sur un livre un peu difficile
ou sortant des sentiers battus. Si le livre a du succès, le libraire devient un
« amplificateur de son ». Il est vrai que la surproduction de livres
nécessite que l’on soit guidé, conseillé. Un bon libraire tentera de mener son
client sur des chemins où ce dernier ne se serait peut-être pas risqué seul.
« Une librairie, c’est un orchestre, il faut que ça sonne. Dans les
librairies, les livres sont la partition, les vendeurs, les musiciens qui la
lisent… »
J-M Laclavetine, de son côté, se souvient de
sa fascination, enfant, pour la bibliothèque de quartier et des heures qu’il
passe à lire à tel point que sa mère l’emmène chez un psychiatre de Bordeaux
pour qu’il le délivre du mal ! J. Savigneau avoue regretter une presse
écrite qui laissait de la place aux critiques littéraires. Elle se désole par
ailleurs de l’apparition d’un nouveau lecteur qui lit deux trois pages puis
consulte sa tablette ou son iPhone. Ah, la concentration sur le long terme, les
après-midi de lecture, qui vit encore cela ?
D’autres articles de M. Onfray,
B. Racine et J.P Toussaint viennent enrichir l’ouvrage.
Que j’aime les livres qui parlent
des livres, des lecteurs, des éditeurs, des libraires, de ceux qui partagent
cette passion, et la transmettent au quotidien ! Et puis, je pense aussi à
mon métier, car, tous les matins, après avoir dépassé mon café-librairie idéal,
je poursuis mon chemin à travers la campagne et retrouve mes élèves…
Finalement, c’est encore à eux
que je parle le plus longuement de ce que j’aime le plus au monde: la
littérature…
Tu m'as émue..
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