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lundi 24 octobre 2016

La coquetière de Linda D. Cirino


Editions Liana Levi

Il est des livres comme celui-là dont on sait à l’avance qu’ils vont nous plaire : on a lu de très bonnes critiques un peu partout, quelque libraire nous en a encore parlé et l’on a noté le titre sur le petit carnet qui nous suit partout… Et pourtant la rencontre ne se fait pas … Et puis un jour, il arrive, on a déjà l’impression de le connaître un peu, on trouve la couverture belle, on parcourt un peu les pages et l’on se lance…. Et là, tout est normal, c’est magnifique et l’on ne comprend pas pourquoi on ne l’a pas lu plus tôt….
Voilà mon histoire avec cet immense coup de cœur qu’est La coquetière de Linda D. Cirino.
Nous sommes en 1936, dans le sud-ouest de l’Allemagne. La narratrice se présente ainsi dès le début : « J’appartiens à une longue lignée de paysans. Et de femmes de paysans. » Eva vit la tête tournée vers le sol et son existence est rythmée par les travaux de la ferme.
 Même si l’exploitation est assez petite, l’activité ne cesse jamais du matin jusqu’au soir. Son mari travaille avec elle et ses deux enfants, Olga et Karl, lui donnent parfois un coup de main. Il faut s’occuper du potager, des bêtes, des terres, de la comptabilité de l’exploitation, de la lessive, de la cuisine : « Pour nous, dit-elle, rien n’avait d’importance que l’exploitation et le fait de survivre d’une récolte à la suivante. Nous nous y consacrions, et tout le reste était balivernes. » Les gestes se répètent d’une journée à l’autre et « Chaque jour reproduit le jour précédent, et ça ne varie que selon les saisons. »
Mariée après la Grande Guerre, la narratrice vit avec Hans, son mari, un quotidien sans passion : « Nous n’avions jamais eu grand-chose à nous dire », avoue-t-elle.
 De toute façon, elle n’a pas vraiment le temps de se demander si elle aime vraiment l’homme qu’elle a épousé ou si même elle est heureuse : le travail occupe son corps et son esprit et les nuits sont lourdes de sommeil. Ainsi va la vie d’Eva.
Or, un jour, un employé du Bureau gouvernemental se présente, inspecte l’exploitation et leur propose des avantages sur le prix de la nourriture pour le bétail. Pour en bénéficier, il faut simplement produire des extraits de naissance. L’employé reviendra régulièrement prodiguer quelques conseils pour la bonne tenue de la ferme. Peu de temps après, Hans est appelé sous les drapeaux : avant de partir, il explique à sa femme qu’il la sait suffisamment courageuse pour tout gérer toute seule et lui demande de faire porter ses efforts sur la basse-cour en multipliant les poules afin que la vente d’œufs sur le marché lui permette d’avoir un revenu extérieur. La réalité s’avérera un peu différente de ce qu’avait prévu le mari : Eva ne pourra compter sur l’aide de ses enfants pris par leurs réunions de H.J (Hitler Jugend), organisation de la jeunesse allemande qui devint obligatoire à partit de 1936.
Complètement absorbée par une tâche quotidienne harassante, la jeune femme vivra coupée du monde : ce qui était déjà son cas avant le départ de son mari ne fera que s’accentuer. « Nous n’avions pas l’habitude de nous enquérir de ce qui se passait hors de chez nous. Nous étions toujours et sans discontinuer concentrés sur ce que nous faisions. »
Alors pour elle, le départ de son mari représente avant tout des bras en moins et des difficultés en plus pour tenter de survivre : « Qu’il soit à l’armée signifiait pour moi qu’il n’était pas à la ferme. Je savais qu’il s’agissait d’une obligation, elle-même en relation avec la guerre, mais j’ignorais où il se battait et contre qui. »
Eva vit hors du monde, loin de la ville, comme enracinée dans sa terre et se bat pour survivre dans une lutte quotidienne harassante… jusqu’au jour où, entrant dans le poulailler, elle découvre un homme, un homme qui saura la révéler à elle-même et lui faire comprendre le monde qui l’entoure…
Un magnifique et inoubliable portrait de femme, de paysanne attachée à sa terre, à son devoir, une femme généreuse, forte, pleine de bon sens, s’autorisant la liberté de penser par elle-même et allant jusqu’au bout de ses convictions parce qu’instinctivement, elle les sait justes.
Une écriture limpide et dépouillée qui traduit merveilleusement bien la vie simple d’Eva et l’éveil sentimental et politique auquel elle ne s’attendait pas.

A lire absolument…

Livre lu dans le cadre de la Voie des indés d'octobre (Libfly).

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