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mercredi 19 mars 2025

Blackouts de Justin Torres



Éditions de L'Olivier
★★☆☆☆

 Je n’ai rien compris à ce livre. J’aurais dû me méfier : généralement, je déteste ce qu’on nomme des « OVNI littéraires », ça ne présage rien de bon. Mais j’ai fini par craquer, à force de le voir vanter un peu partout. Quel est le projet de l’auteur ? Franchement, c’est très confus, archi nébuleux. Lançons-nous quand même… Un homme jeune rend visite à un vieil homme sur le point de mourir. Visiblement, ils ont été amants. Le vieil homme confie au plus jeune des archives d’une certaine Jan Gay, jeune journaliste qui, dans les années 30, s’est courageusement lancée dans une étude sur la question de l’homosexualité, à une époque donc où l’homosexualité était considérée comme une maladie. Elle a donc, pour son étude, interrogé plus de 300 femmes homosexuelles. Mais pour valider ses recherches, elle a dû demander l’aide de différents scientifiques qui non seulement se sont emparés de son travail (son nom ne figurait que très vaguement dans l’introduction) mais en plus, l’ont utilisé pour en tirer des conclusions contraires à ce que Jan Gay voulait démontrer. Vous imaginez lesquelles. Cette Jan Gay, j’aurais adoré lire des choses sur elle, sur sa vie. Elle a écrit des livres pour enfants, illustrés par sa compagne. Son père avait été l’amant de l’anarchiste Emma Goldman. Elle était une adepte du naturisme à une époque où ce n’était pas franchement la mode. Une femme hors du commun ! Finalement, le dispositif narratif mis en place dans ce roman ne met pas du tout en valeur cette femme et la vie hors norme qu’elle a menée. On apprend par bribes deux trois trucs sur elle mais c’est constamment entrecoupé par les discussions poético-vaseuses des deux hommes dont on n’a que faire et c’est vraiment très ennuyeux. Dommage !


 

mercredi 26 février 2025

Ta promesse de Camille Laurens

Éditions Gallimard
★★★★★
(coup de coeur)

 Celles et ceux qui me connaissent savent que lorsque j’ouvre un roman je ne veux rien savoir à l’avance, ab-so-lu-ment rien, je ne lis jamais les 4es de couv et généralement, je me débrouille pour ne rien dévoiler dans mes chroniques mais là, je n’arrive pas à parler de ce livre sans en dire, me semble-t-il, un peu trop. Donc si vous ne l’avez pas encore lu, sachez que j’ai trouvé ce texte exceptionnel tant par l’écriture que par la construction. Voilà n’allez pas plus loin.

Pour les autres, je continue.

Claire Lancel (double de l’autrice?) est écrivaine. Elle vient de divorcer et n’est pas prête à se remettre en couple après les années de souffrance qu’elle a vécues avec son ex-mari. Elle veut respirer, être tranquille et enfin profiter de la vie. Mais elle va rencontrer Gilles, un spécialiste international de la marionnette. Il est beau, gentil, amoureux, aux petits soins. Comment résister ? Oui, comment résister à l’amour fou, à la passion (surtout à cinquante ans!) ?

Seulement, les premières pages du roman nous indiquent que Claire parle à son avocate. Visiblement, il y a eu un problème. Mais lequel ? (et là je peux vous dire que la révélation finale est assez incroyable et complètement inattendue!) C’est vraiment un intense thriller psychologique que l’on ne peut pas lâcher parce qu’on veut savoir ce qui s’est passé, comment cette femme inoffensive et sensible a pu se retrouver dans une telle situation.

En fait, c’est l’histoire d’une emprise amoureuse suivie d’un travail forcé et violent de désillusion, de déconstruction. En effet, Claire est victime d’un pervers narcissique pur jus, d’un homme qu’elle trouvait au début « complètement débile » et assez « con ». Et ce que je trouve extraordinaire dans ce roman, c’est la façon dont l’autrice décrit la mise en place de l’emprise insidieuse et l’étau qui se resserre progressivement sur la victime qui n’y voit que du feu. « Plus elle s’étiole, mieux tu te portes, moins elle vit, plus tu respires. » Camille Laurens dépeint avec une finesse incroyable les sentiments contradictoires de Claire et l’on voit très bien comment cette femme intelligente, lucide, très cultivée va devenir prisonnière de cet homme dominateur, un glaçant prédateur sous ses airs de playboy, au point de vouloir en mourir. Le sentiment amoureux est vraiment disséqué, analysé dans ses moindres aspects. L’écrivaine met en évidence les mécanismes pervers de la manipulation et du mensonge résumés en trois mots : « Séduire, réduire, détruire. ». Et c’est effrayant de noirceur et de violence. L’écriture de Camille Laurens est vraiment remarquable. Et s’il y a peu de livres récents que je relirai, je sais que je me replongerai rapidement dans ce roman magistral.


 

mercredi 5 février 2025

cinéma: Je suis toujours là de Walter Salles

★★★★★

 Les premières images sont d’une beauté absolue : elles montrent une famille heureuse vivant à Rio de Janeiro dans une grande maison bourgeoise face à la plage. Les gamins vont et viennent, jouent au volley, trouvent un chien sur la plage. On organise des goûters, on danse, on discute, on s’aime. Il y a des amis, des rires, du soleil… Et tout ça est filmé remarquablement, de façon très dynamique. Le réalisateur, Walter Salles, a eu l’idée géniale d’introduire des images prises par la petite caméra Super 8 de Veroca, la fille aînée du couple, ce qui crée un effet de réel saisissant. Et ça tombe bien parce que cette histoire est vraie ! Nous sommes en 1971, chez les Paiva. Le père, Ruben, ex-député du parti travailliste brésilien, a quitté ses fonctions et a repris son travail d’ingénieur. Il adore ses gamins et aime les taquiner… C’est une famille moderne et ouverte : on s’intéresse à la politique, à la littérature, à l’art. Mais cela ne plaît pas à tout le monde... En effet, la dictature militaire est au pouvoir et les convois militaires longent la plage. Ce qui se passe dans le pays est terrible : arrestations arbitraires, enlèvements, tortures etc. Et le pire est à craindre...

Les acteurs sont vraiment exceptionnels. « Je suis toujours là » est une fresque familiale forte et émouvante qui montre les combats de toute une famille contre l’oppression et la terreur.

C’est magnifique !



 






 

dimanche 2 février 2025

Après de Raphaël Meltz

★★★☆☆
Éditions Le Tripode

 Peut-être est-ce parce que j’en avais entendu des critiques très élogieuses… J’ai aimé ce texte mais honnêtement, je ne lui ai rien trouvé d’exceptionnel non plus.

Un père de famille trouve la mort et revient auprès des siens, sa femme et ses enfants, plus ou moins comme fantôme et les regarde évoluer dans une vie quotidienne faite de tristesse et de douleur puisqu’ils doivent dorénavant vivre sans lui. L’écriture est très simple pour dire ce temps du deuil, ce temps de l’après. Un texte sensible et délicat.  


 

mardi 28 janvier 2025

Cinéma: La substance de Coralie Fargeat

★☆☆☆☆

 Ça y est, on tient le navet du siècle ! Et c’est du lourd ! Un vrai foutage de gueule ! Complètement grotesque, ridicule, creux, vide, sans aucun intérêt, vulgaire, une espèce de film d’horreur de seconde zone... THE DAUBE ABSOLUE ! Pourquoi suis-je allée voir une bouffonnerie aussi débile que ce truc qui finit par faire marrer la salle tellement c’est absurde ? Et pourtant, je ne peux pas nier le fait que les prises de vues, la photo, les décors, les maquillages sont d’un excellent niveau, de même que le scénario, mais pourquoi avoir sombré à ce point dans l’outrance au risque de foutre en l’air le film ? Trop de moyens ? C’est fort possible. En fait, ils n’ont pas su s’arrêter à temps. Même le scénario - pas follement original mais disons que ça passe - finit par faire un gros flop ! En tout cas, on regarde toute cette mascarade de très loin sans jamais avoir la moindre émotion ni empathie pour les personnages qui finissent par être complètement ridicules eux aussi. Je suis rarement sortie aussi accablée après une séance de cinéma. Pas du tout mon truc ces guignoleries… Consternant.

En plus, c’est censé, paraît-il, être un film féministe ! Mais il ne l’est en rien, bien au contraire ! Car les images que ce film propose louent continuellement la beauté de la jeunesse tandis que la vieillesse apparaît comme monstrueuse. Ah, c’était du second degré ??!! Oui mais 2h30 de culs de jeunes femmes filmés plans serrés font oublier à bon nombre de spectateurs le second degré ma bonne dame !!! Rien n’est maîtrisé dans ce film, même pas le propos, c’est dire !

Deuxième long métrage de Coralie Fargeat


 

lundi 27 janvier 2025

Cinéma: My Sunshine de Hiroshi Okuyama

★★★★☆

 Sur l’île japonaise d’Hokkaidō sous la neige (rien que pour ça, il faut voir le film!), un jeune professeur de patinage artistique, Arakawa (Sōsuke Ikematsu), donne des cours particuliers à des adolescents. Il les regarde évoluer sur la glace, lance un conseil à l’un, encourage un autre. Les traits de son visage ne laissent transparaître aucun sentiment. Tout est en retenue, en silence. Les paroles sont rares. Les jeunes patinent inlassablement tandis que les rayons du soleil traversent doucement les vitres de la patinoire. Des reflets scintillants donnent soudain beaucoup de magie au lieu et les lumières soulignent la beauté des corps en mouvement.

Une jeune adolescente,Takuya, évolue avec beaucoup de grâce et attire les regards de tous et notamment ceux de Sakura, un gamin cloué d’admiration devant les figures tout en fluidité et en souplesse de cette fille vraiment très douée. Lui, il fait du hockey, dans les buts parce qu’il est nul. Alors il décide de se lancer dans le patinage… tant bien que mal… Pour la beauté du geste, pour séduire Takuya ? On ne sait pas vraiment. Or, un jour, l’entraîneur, touché par ce jeune garçon solitaire et maladroit, a une idée géniale…

« My Sunshine » est un film très simple, sensible, poétique et dont les images pastel un peu floues créent beaucoup de douceur. Chacun s’observe, se devine, essaie de se comprendre. Les personnages parlent peu. Un certain mystère les entoure. Il nous faut un peu de patience pour comprendre qui ils sont et quel est leur parcours de vie. Tout est en retenue, en silence. On sent beaucoup d’émotion dans les jeux de regards, dans les gestes, les attitudes. Chacun devra trouver sa place, se faire accepter, dans un groupe, dans une société et celui qui aura le plus de mal n’est peut-être pas celui qu’on croit.

« My Sunshine » est le second film d’Hiroshi Okuyama, 28 ans. Une belle réussite.


 

dimanche 26 janvier 2025

L'hospitalité au démon de Constantin Alexandrakis

Éditions Verticales
★★★★★

 Quel texte ! Immédiatement, la question que je me pose est : quel degré de souffrance, d’impuissance et de solitude faut-il atteindre pour écrire un récit comme celui-ci ? L’auteur, Constantin Alexandrakis, a subi lorsqu’il était jeune « de menues atteintes sexuelles, discontinues, quelque part entre 9 et 14 ans. » Maintenant qu’il est père, son angoisse, sa terreur absolue, son impensable est de reproduire la violence, d’avoir des gestes déplacés par rapport à son propre enfant. Il veut être sûr de ne jamais faire subir ce que lui a subi, ne jamais devenir démon à son tour. C’est un homme qui doute, s’interroge, lutte, débat avec sa conscience sans relâche pour calmer ses démons intérieurs qui l’empêchent de vivre : il consulte, demande de l’aide, entame une psychanalyse, se tourne vers une association. Dans une société sensibilisée à la question de la violence sexuelle, il devrait trouver une écoute bienveillante, un soutien. Alors, il parle, il dit son effroi, son désarroi, son dégoût, sa haine. Il est franc, honnête, se dévoile, ose dire la vérité. Il raconte son problème avec sa masculinité, lit les textes d’autres victimes, fouille, cherche des témoignages, essaie de comprendre comment la société a pu laisser faire ça. Il replonge dans un passé mythologique pour tenter de saisir l’origine du mal, puise inlassablement dans la littérature, le cinéma, la musique... Il essaie de dresser une cartographie du « Grand Continent des Violences Sexuelles. » Il découvre que la pédophilie est partout et qu’elle traverse les époques. Il analyse cette société des années 80 où les pédophiles ne se cachaient pas, une société qui aveuglément offrait l’hospitalité au démon. Depuis, il y a eu MeToo, les temps ont changé. Et pourtant… Est-ce qu’un homme peut exprimer ouvertement ses cauchemars, avouer ce qui lui pourrit la vie ? Est-ce que quelqu’un est susceptible de l’aider à vaincre la bête qui le ronge ?

Jamais je n’ai lu un texte aussi torturé, aussi habité. Chaque phrase se fait l’écho d’une peine absolue et terrible. Lire ce texte, c’est entrer dans un monde étrange nourri de mythologie nordique, une espèce de Danemark imaginaire et bien pourri, froid et bien glauque… La langue est extrêmement inventive, originale, drôle souvent. Elle claque, cogne, pulse. Elle est d’une vivacité, d’une énergie terrible et puissante. Les métaphores percutent, les niveaux de langue s’entrechoquent, les néologismes fusent. Même la typographie s’affole, les lettres s’épaississent, les caractères spéciaux se mélangent… Quelle incroyable créativité ! Un texte dur, terrible et fou qui bouscule et laisse K.O.