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lundi 3 septembre 2018

Helena de Jérémy Fel


Éditions Rivages
(J'ai beaucoup aimé)

Très vite, l'ambiance est posée : Tommy est un ado qui va mal. Il a ses raisons que l'on découvrira plus tard. En attendant, on se demande quel geste terrible il va commettre, quel animal il va torturer et finir par tuer dans une jouissance infinie, quelle femme il va suivre et observer à son insu, prenant ses désirs pour la réalité. Un malade ce Tommy, un vrai psychopathe souffrant d'hallucinations fréquentes qui l'empêchent de vivre normalement. Pourquoi est-il obsédé par son père mort depuis plusieurs années et dont le fantôme semble revenir vers lui pour le terroriser ? Qu'a-t-il subi, enfant, pour en arriver là ? Pourquoi n'a-t-il jamais été soigné ? Pourtant ce garçon a une mère, une certaine Norma qui semble a priori équilibrée - quoique, est-on tout à fait normale quand on ne pense qu'à inscrire sa fille à un concours de miss pour qu'elle réussisse l'exploit d'obtenir le premier prix de beauté ? Quand on s'accroche à des rêves aussi futiles que dérisoires ?
Qui est Norma, cette veuve et mère de trois enfants : Graham, Tommy et la jeune Cindy ? Se résume-t-elle à ses monologues superficiels sur la robe à paillettes que portera sa fille le jour J ? N'est-elle qu'une « desperate housewife » s'efforçant de tenir au mieux sa jolie maison plantée au milieu de champs de maïs écrasés par la chaleur de l'été et dont les feuilles n'aspirent qu'à couper les chairs de ceux qui s'y aventureraient ? Doit-on rire de sa bêtise, de ses propos creux ou bien doit-on la plaindre d'être ainsi engluée dans un Kansas étouffant et comme hors du temps où l'on meurt à petit feu?
Qui sont les gens, qu'ont-ils vécu et jusqu'où sont-ils capables d'aller pour protéger ceux qu'ils aiment ?
Car au fond, Helena nous parle d'amour, de ceux qui en ont reçu, de ceux qui en ont manqué et qui ont tenté de s'en sortir comme ils le pouvaient, oubliant que, sans amour, se construire est tout simplement impossible. On peut toujours tenter. Se battre. En vain. Une vraie tragédie : on n'échappe pas à son destin, à ce qu'a fait de nous notre enfance. On en porte le fardeau jusqu'à la fin de sa vie. Et c'est ça, précisément, le sujet central du roman de Jérémy Fel.
Dans une Amérique de carton-pâte, les personnages, un brin caricaturaux (mais pourquoi pas ?) se débattent comme ils peuvent avec la vie et celle-ci ne leur fait pas de cadeaux, c'est le moins que l'on puisse dire ! Sont-ils des victimes ou des bourreaux ? On ne sait plus au fond, la frontière est bien floue et l'on passe souvent d'un état à l'autre.
Seule l'envie d'aller ailleurs leur permet d'espérer quelque chose de nouveau. Parce qu'ici, la terre est comme pourrie, elle porte les stigmates des horreurs du passé, on ne construit rien là où des meurtres ont eu lieu. Il faut partir mais tout n'est pas si simple. Le passé rattrape vite ceux qui veulent fuir et les empêche de devenir autres. Pris au piège, ficelés, pieds et poings liés.
Tous ?
Peut-être pas.
Un texte très américain dans sa forme et qu'on lit, dans un premier temps au moins, comme un thriller psychologique, auquel s'ajoute un suspense terrible qui se résume à trois mots : qui est Helena ?
Que le lecteur se rassure, la réponse viendra à temps, éclairant le sens même de l'oeuvre, lui donnant une dimension que l'on n'avait pas forcément soupçonnée dès le début et qui dépasse largement le thriller qui nous a tenus en haleine.
Un roman dérangeant, puissant pour des raisons qui ne sont pas forcément celles auxquelles on croit au départ et sombre, bien plus sombre qu'on ne l'imagine en réalité.

Une réussite !


2 commentaires:

  1. Il me fait envie celui-là, on en entend beaucoup parler ! As-tu lu son précédent ?

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  2. Eh bien oui, je l'avais lu mais... je n'avais pas aimé! En fait, il faudrait que je le relise pour faire le point...
    Merci pour ton message! A bientôt,
    Marie-Laure

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