Verticales/Éditions Gallimard
★★★★★ SUBLIME
Madame
de Kerangal,
Je
viens de finir votre livre et pour tout vous dire, je l'ai trouvé
d'une très grande beauté.
Je
l'ai commencé un soir alors que j'avais une grosse journée derrière
moi. Et dès la première page, je l'ai refermé. Pourquoi ?
Parce que cette première page - celle qui décrit Paula descendant
l'escalier - je l'ai trouvée tellement parfaite dans cette espèce
de mimétisme génial entre ce que l'on nomme communément le fond et
la forme que je me devais d'attendre d'être plus reposée pour en
apprécier toute la splendeur. Car Paula Karst, on la VOIT dévaler
les marches : votre phrase mime si magnifiquement ce mouvement,
le long d'un escalier en colimaçon - j'ai vu ça comme ça - qu'on
sent jusqu'à l'air qu'elle déplace. Elle est là, à portée de
main, elle aussi. Quel magnifique portrait de personnage ! Une
page et tout y est.
Et
le lendemain, je me suis laissée aller au plaisir, à
l'éblouissement. J'avais aimé (j'allais dire, comme tout le monde)
Réparer les vivants,
mais là, Madame de Kerangal, votre écriture a encore gagné en
maturité : vos phrases sont amples, rythmées, sensuelles et
généreuses. Elles donnent, se donnent, s'offrent à ceux qui comme
moi s'en délectent.
Je
ne connais guère d'auteurs contemporains qui aient une plume aussi
somptueuse que la vôtre. Je relis peu de livres, sauf quelques
« classiques » triés sur le volet, mais le vôtre, je
l'ai relu, par gourmandise, et je le relirai encore.
Je
parle beaucoup de l'écriture - c'est mon dada - mais si vous le
voulez, abordons le sujet que vous avez choisi, il vous va si
bien...et je dirai plus loin pourquoi…
Vous
devez connaître les jeunes adultes pour en parler comme vous le
faites, vous exprimez si bien leurs gestes, leurs mimiques, leurs
tics et leurs trucs. Combien de fois je me suis exclamée :
« c'est vraiment ça ! », reconnaissant les jeunes
qui m'entourent au quotidien. J'avoue aussi m'être projetée dans
les haussements de sourcil du père découvrant d'un air toujours un
peu étonné les nouvelles inventions de sa fille.
En effet, Paula, l'héroïne, décide, après avoir tenté quelques expériences post-bac, de se lancer dans des études d'art, enfin plus exactement de copiste : elle veut apprendre à recopier la nature, à peindre des décors en trompe-l'oeil. Créer l'illusion. Reproduire le réel à la perfection de façon à ce que l'oeil se méprenne, fasse fausse route avant de rétablir la vérité. Le marbre cerfontaine, l'écorce du tulipier, l'écaille de la tortue. Paula doit être capable de tout reproduire et il va lui falloir se soumettre à un travail acharné et à une discipline de fer pour atteindre la perfection. En sera-t-elle capable ? Elle s'est inscrite dans une école rue du Métal à Bruxelles et très vite, elle songe à abandonner. Travailler debout pendant des heures en respirant des odeurs de térébenthine : un cauchemar ! C'est son coloc Jonas qui va lui faire comprendre que pour peindre les choses, il ne suffit pas de les voir, il faut les connaître, intimement, les incorporer : « Apprendre à imiter le bois, c'est « faire histoire avec la forêt », « établir une relation », « entrer en rapport ». Il lui faut, pour accéder à l'essence des choses, au coeur de ce qu'elle peint, être sensible à « la vitesse du frêne » à « la mélancolie de l'orme », à « la paresse du saule blanc ». Ce sera pour elle la seule façon d'accéder à ce monde magnifique et de découvrir toute la beauté et la vérité de ce qui est là, à portée de main...
En effet, Paula, l'héroïne, décide, après avoir tenté quelques expériences post-bac, de se lancer dans des études d'art, enfin plus exactement de copiste : elle veut apprendre à recopier la nature, à peindre des décors en trompe-l'oeil. Créer l'illusion. Reproduire le réel à la perfection de façon à ce que l'oeil se méprenne, fasse fausse route avant de rétablir la vérité. Le marbre cerfontaine, l'écorce du tulipier, l'écaille de la tortue. Paula doit être capable de tout reproduire et il va lui falloir se soumettre à un travail acharné et à une discipline de fer pour atteindre la perfection. En sera-t-elle capable ? Elle s'est inscrite dans une école rue du Métal à Bruxelles et très vite, elle songe à abandonner. Travailler debout pendant des heures en respirant des odeurs de térébenthine : un cauchemar ! C'est son coloc Jonas qui va lui faire comprendre que pour peindre les choses, il ne suffit pas de les voir, il faut les connaître, intimement, les incorporer : « Apprendre à imiter le bois, c'est « faire histoire avec la forêt », « établir une relation », « entrer en rapport ». Il lui faut, pour accéder à l'essence des choses, au coeur de ce qu'elle peint, être sensible à « la vitesse du frêne » à « la mélancolie de l'orme », à « la paresse du saule blanc ». Ce sera pour elle la seule façon d'accéder à ce monde magnifique et de découvrir toute la beauté et la vérité de ce qui est là, à portée de main...
L'art
du trompe-l'oeil n'a plus aucun secret pour vous, Madame de
Kerangal : vos mots et vos phrases rendent si bien les
mouvements, les attitudes, les corps et les matières que l'on s'y
tromperait. Vos phrases ont en elles la forme du réel, le rythme du
monde et la syntaxe de la vie. Elles nous ont même donné la clef
d'un univers auquel nous n'avions pas accès bien qu'il soit là,
sous nos yeux. C'est toute la puissance de la littérature, celle de
nous permettre de voir, par le biais de la fiction, ce qui est là,
près de nous, mais que nous ne voyons pas.
Nous
avons besoin qu'un magicien nous ouvre avec ses mots la voie vers ce
monde qui est le nôtre.
Merci,
Madame de Kerangal, de nous enchanter ainsi !
Lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire organisés par Rakuten France.
#MRL18 #Rakuten
Lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire organisés par Rakuten France.
#MRL18 #Rakuten
Je n'ai pas été aussi enthousiaste, et pourtant, je partais avec un a priori très favorable. Dommage !
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