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mercredi 5 décembre 2018

Sur le ciel effondré de Colin Niel


Éditions du Rouergue noir
★★★★★ (magistral!)

IMMENSE, IMMENSE coup de coeur pour ce polar absolument génial de Colin Niel ! Je suis vraiment très impressionnée par le travail considérable de documentation qu'il suppose, par la qualité de l'écriture dont il témoigne et par une intrigue super bien ficelée qui nous captive jusqu'à la dernière ligne.
Comment vous dire ? Franchement, avant la lecture de ce roman, je n'aurais pas pu vous raconter grand-chose de la Guyane : un département français, un centre spatial (Kourou), un bagne autrefois, un climat équatorial étouffant, des moustiques voraces (dengue, chikungunya ?…) Quant à citer précisément tous les pays frontaliers… hum, hum… 
Autant vous dire que je ne savais rien ou à peu près. Eh bien maintenant, je sais TOUT… non, bien sûr, je plaisante ! Mais en revanche, je crois que je n'ai jamais eu autant le sentiment de voyager, de découvrir, grâce à un livre, un territoire si différent du mien et d'en comprendre un peu les problématiques actuelles. Bref, j'ai l'impression de revenir d'un périple incroyable et ultra-dépaysant.
Bon, d'abord, il faut quand même que je vous avertisse, vous allez perdre vos repères, votre petite zone de confort… Tout est très très exotique : les noms… des personnages mais aussi des lieux, des plats, de la flore, de la faune, des fêtes traditionnelles et j'en passe, ils nous sont évidemment très étrangers et participent de ce dépaysement dont je vous parlais plus haut. Au début, on tâtonne un peu mais ça va vite, on prend ses repères, on s'acclimate quoi… Sachez donc que vous allez goûter au cachiri (bière traditionnelle), au manioc, à la patate douce et au poisson boucané, vous allez rencontrer iguane, engoulevent, piaye écureuil (un oiseau!) et jaguar « l'animal-roi » si vous êtes chanceux (façon de parler!) et contempler fromagers, bananiers et papayers… (ça fait rêver!)
Une carte, au début du roman, permet aussi de se repérer, géographiquement parlant. J'ai complété par des recherches sur Internet afin de voir des photos des lieux décrits.
Quand je vous dis que j'ai VRAIMENT eu l'impression de faire un VOYAGE !!!
Alors, le sujet : le roman commence par une arrestation plutôt musclée d'un certain Eduardinho, un chef de bande armé jusqu'aux dents que l'on soupçonne de rançonner les garimpeiros (chercheurs d'or clandestins) brésiliens qui pillent le sol de la Guyane sans se soucier de l'impact dévastateur de leur activité sur l'environnement.
Dans les pirogues, avec quelques gars du GIGN, attendent le lieutenant Cédric Vigier, un « métro » chef de brigade à Maripasoula, le capitaine André Anato, Ndjuka, Noir-Marron en quête de ses origines (un Noir-Marron est un descendant d'esclave noir révolté), et l'adjudante Angélique Blakaman, une Aluku Noire-Marron, elle aussi, originaire de Maripasoula. C'est elle qui a eu les infos. Blakaman est revenue de l'Hexagone défigurée. Décorée mais défigurée. Et mutique sur ce passé douloureux. « Une chieuse disaient certains » mais impeccable et surinvestie sur le plan du boulot. Elle se sent, depuis son séjour en métropole, presque étrangère à son pays et aux siens.
C'est une prostituée brésilienne qui l'a mise sur la piste des trafiquants mais aussi un certain Tapwili Maloko, un Wayana dont Blakaman est peut-être secrètement tombée amoureuse. Ce Tapwili, habitant de Wïlïpuk (on est dans le sud de la Guyane), lutte farouchement et depuis fort longtemps contre l'orpaillage (orpillage comme on dit parfois!), un vrai fléau écologique à cause du mercure qui empoisonne le sous-sol guyanais. Il lutte sans merci pour la protection des espaces naturels du Haut-Maroni et sa très riche biodiversité. Il souffre de voir son fils Tipoy se désintéresser de plus en plus des coutumes amérindiennes pour se tourner vers les mirages de l'Occident.
Or, un appel survient à la brigade de Maripasoula : le fils de Tapwili Maloko a disparu. Départ immédiat de la brigade. Deux heures de pirogue pour arriver dans ce village amérindien du Haut-Maroni! Avec une Blakaman prête à tout pour ramener le fils de cet homme qui la fascine et dont elle est peut-être secrètement amoureuse !
A cette mystérieuse et très inquiétante disparition (un suicide ?, c'est tellement fréquent chez les ados amérindiens) s'ajoute une insécurité galopante : homicides, vols à main armée, violences entre bandes, braquages à domicile où l'on retrouve des victimes ligotées avec les câbles de leur box Internet… Bref, la police est sur les dents.
Sur le ciel effondré est un roman extrêmement riche par la variété des sujets qu'il aborde : il nous fait découvrir une géographie, Maripasoula et la région du Haut-Maroni, le long du fleuve Maroni, frontalier avec le Suriname, au beau milieu d'une forêt amazonienne d'une telle densité que les orpailleurs peuvent développer leurs exploitations sans être inquiétés. Ce livre met aussi en scène un peuple (terme que l'on est presque tenté de mettre au pluriel) composé d'hommes et de femmes d'origines géographiques, communautaires et ethniques très différentes, ce qui entraîne une cohabitation difficile, d'autant que les croyances sont, elles aussi, multiples, allant du chamanisme au catholicisme en passant par un culte évangélique qui se propage très vite.
Les problèmes socio-économiques sont eux aussi au coeur même de ce roman : un chômage galopant : « le désastre des trois 50 %: 50 % de jeunes dans la population, 50 % sans diplômes, 50 % au chômage », une grande misère, des gens qui survivent grâce au RSA, un désoeuvrement qui tourne à la violence, alcool, drogue et un État français implanté bien trop loin et qui comprend mal les problèmes rencontrés par les autochtones. Par ailleurs, les mœurs et les traditions ancestrales se perdent à la vitesse grand V : les jeunes sont attirés par ce qu'aiment tous les adolescents de la planète : les téléphones portables, les jeux vidéo, la mode et la musique. Et les générations ont bien du mal à communiquer entre elles !
Bref, c'est un roman passionnant et je ne vous ai pas parlé des nombreuses intrigues et du suspense omniprésent qui nous tient en haleine jusqu'au bout !

Un pavé de 500 pages qui s'avale d'un coup !


4 commentaires:

  1. TRES TENTEE !!!! J'aime beaucoup cet auteur : il faut vraiment que je fasse entrer ce titre dans ma PAL !

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  2. C'est dommage que l'intrigue ne m'emballe pas du tout, car tout enthousiasme fait plaisir à lire.

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    1. Moi c'est pareil, on m'aurait résumé l'intrigue, je n'aurais pas été spécialement attirée et pourtant... quel voyage! Quels personnages puissants!

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