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samedi 26 mars 2016

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit de Celeste Ng


« Lydia est morte mais ils ne le savent pas encore. »
Qui se cache derrière ce « ils » ? Les membres de la famille Lee : le père James d’origine asiatique, professeur d’histoire américaine à l’université de Middlewood, la mère Marilyn, femme au foyer contrariée, ayant dû renoncer à des études de médecine, le frère Nathan, passionné d’astronomie et inscrit à Harvard et Hannah, la petite sœur, si petite que personne ne la voit, surtout pas ses parents, obnubilés qu’ils sont par la réussite de leur fille aînée Lydia.
Tous les espoirs de ses parents reposent en effet sur les frêles épaules de la jeune fille : elle deviendra médecin et saura réussir là où sa mère a échoué. Dans sa chambre, les livres s’accumulent déjà : L’Atlas en couleurs de l’anatomie humaine, Les Pionnières de la science… Un stéthoscope est accroché à l’étagère. Ce sont les cadeaux qu’on lui a offerts et qu’elle a soigneusement rangés, sans omettre de remercier, avec le sourire, toujours le sourire… Elle saura ne pas souffrir de ses origines asiatiques et se fondre dans la masse, ressembler aux autres et surtout avoir des amis, ce que son père n’a jamais vraiment réussi à faire dans cette Amérique des années soixante-dix peu ouverte aux mariages mixtes et au métissage. Elle, elle saura.
Et puis, il y a ce frère qui veut absolument la protéger de ce maudit voisin, Jack, un sale gamin livré à lui-même et Hannah, la petite sœur qui voit tout, cachée sous la table ou dans un recoin de la pièce et qui analyse.
 Mais Lydia n’est plus là.
Et c’est en étudiant très finement chacun des membres de cette famille que l’on va tenter de s’approcher de la vérité : qui a tué Lydia ?
Ce roman interroge sur ce qui fait de chacun de nous ce qu’il est, ce qu’il est devenu, le chemin qu’il a suivi malgré les circonstances. Finalement, on se surprend à penser que la part de liberté dans une vie est peut-être somme toute assez limitée, qu’il faut faire avec, avec notre héritage génétique, social et donc culturel. Et un jour viendra où ce sera à notre tour de transmettre tout cela à nos enfants : quelles seront nos attentes vis-à-vis d’eux ?
Je repense à la dernière chronique que j’ai écrite sur Rouge de Carl Aderhold, très beau livre dans lequel le père, communiste, voulait que son fils devienne la mémoire de la famille. Lourd fardeau s’il en est…
Si nos enfants ont besoin de nous à leurs côtés, c’est pour que nous les aidions à trouver leur propre voie qui n’a peut-être rien à voir avec celle que nous avions imaginée pour eux. Et c’est par le dialogue qu’ils sauront nous convaincre qu’ils savent ce qu’ils aiment et ce qu’ils souhaitent. Si l’on sait les écouter…
Cette œuvre de Celeste Ng s’apparente davantage à un roman psychologique qu’à un roman policier, je le précise pour les lecteurs qui s’attendraient à une réelle enquête policière. En fait, on comprend très vite ce qui s’est passé et l’on ne se trompe pas. Le titre, pas forcément très heureux, en dit long sur la problématique qui nous renvoie à cette période difficile, fragile qu’est l’adolescence, période où tout est à construire, tout est en devenir et où, en tant que parents, il faut être là, présents, à l’écoute et, en même temps, capables de se mettre en retrait afin de leur laisser cet espace de liberté indispensable à leur épanouissement, en restant conscients du fait qu’ils ne sont pas là pour prolonger notre vie et faire ce que nous n’avons pas fait.

 Ils sont autres, ils sont eux. Et c’est tant mieux !  

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