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dimanche 30 octobre 2016

A voir : la collection Chtchoukine "Icônes de l'art moderne", fondation Louis Vuitton, du 22 octobre 2016 au 20 février 2017

     

Qui est ce Sergueï Ivanovitch Chtchoukine qui en quelques années, de 1898 à 1914, acquit un nombre important de tableaux français, et non des moindres, puisqu’il accumula, entre autres, neuf Cézanne, treize Monet (8 présents à l’exposition), seize Gauguin (11 présentés), trente huit Matisse (22 exposés) et, tenez-vous bien, pas moins de cinquante Picasso (vous en verrez 29 !)… Je passe sur les Degas, Douanier Rousseau, Derain, Vuillard, Van Gogh, Marquet et autres splendeurs… 127 tableaux, 127 chefs-d’œuvre… assurément, ça vaut le déplacement !

        

Cet homme d’affaires russe est l’héritier d’une famille de riches industriels qui ont fait fortune dans le commerce du tissu. Il s’installa en 1890 avec ses trois enfants dans le palais Troubetskoï, près du Kremlin, à Moscou et le transforma littéralement en un temple de la peinture moderne.

                              

Lors d’un voyage à Paris, le 2 juin 1898, alors qu’il est accompagné par son frère Piotr, lui-même collectionneur d’antiquités et de tableaux, il découvre la galerie Durand-Ruel, rue Laffitte. A la fin de la même année, il achètera sa première toile impressionniste : Les Rochers de Belle-Ile de Monet. Il rencontre les grands marchands français dont Ambroise Vollard qui lui présentera Matisse dans son atelier. C’est grâce à ce dernier qu’il fera la connaissance de Picasso au Bateau-Lavoir en octobre 1908. En décembre de la même année, Vollard le présente aux collectionneurs  Léo et Gertrude Stein. Sergueï restera fasciné par les œuvres de Matisse et de Picasso qu’il découvre dans l’appartement des Stein.
Entre 1912 et 1914, il achètera à Picasso pas moins de quarante tableaux.

        

Sergueï est-il fin connaisseur en matière d’art ? Non, pas vraiment ! Il tâtonne, hésite, regrette certains achats, se sent honteux de s’être montré frileux, puis décide, finalement, d’acquérir certaines toiles contre son goût, pensant que c’est à lui de s’adapter à l’œuvre d’art et non au peintre de se plier au goût de l’époque.
Il est persuadé qu’avec le temps, il finira bien par aimer des œuvres qui le rebutent : lorsqu’il achète la Femme à l’éventail de Picasso, il préfère, dans un premier temps, placer le tableau dans un couloir. Il écrit, comme pour mieux se convaincre : « C’est probablement Picasso qui a raison, et pas moi. » et il ajoute que cette toile lui donne l’impression de « mâcher du verre pilé. »
Lorsqu’ il commande deux panneaux décoratifs à Matisse : La Danse et La Musique pour le palier de l’escalier d’honneur du palais, il lui avoue qu’il « espère les aimer un jour. »
Au sujet d’une nature morte qu’il veut acquérir, il dit à Matisse en 1906 : « Je vais l’accrocher quelques mois et je vous dirai si je m’habitue à elle, alors je confirmerai mon achat. »

      

Enfin, à propos de La Vénus des Maoris à l’éventail de Gauguin, il déclare, avec son bégaiement habituel : « Un f… f… fou l’a peint, et un autre f… f… fou l’a acheté. »

   

Il se heurte aussi au goût de l’époque qui juge certains nus scandaleux. Ainsi cache-t-il ses toiles de Gauguin avant de les placer sur les murs de sa salle à manger, collées les unes aux autres, étroitement serrées jusqu’au plafond, comme une iconostase, diront certains… Yakov Tugendhold écrira en 1914 : « Les tableaux sont étroitement rapprochés l’un de l’autre et, au début, on ne remarque même pas où l’un finit et où commence l’autre : il semble que devant vous il y ait une seule grande fresque, une iconostase… » Quand le collectionneur devient le créateur d’une toile unique et folle…

         

Dès l’été 1908, il ouvre les portes de son palais, le dimanche, de onze heures à treize heures et  fait visiter sa collection. Les étudiants de l’Institut des arts et les peintres de l’avant-garde russe découvrent l’art moderne français et se laisseront influencer par leur découverte. Une trentaine de toiles de l’avant-garde russe (Malévitch, Rodtchenko, Tatline, Larionov…) permettent de voir l’influence de la collection Chtchoukine sur ces jeunes peintres.

         

Au moment de la révolution bolchévique, Chtchoukine quitte Moscou pour Nice puis Paris en laissant les deux cent soixante-quinze œuvres de sa collection derrière lui dans le palais Troubetskoï. Elles seront dans un premier temps mises de côté, les autorités culturelles russes considérant l’art occidental comme dégénéré.
Finalement,  en 1948, les toiles seront réparties entre le musée Pouchkine de Moscou et le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Il faudra même attendre 1970 pour voir exposées certaines peintures de Matisse et de Picasso.
Les descendants de Chtchoukine ont souhaité montrer la collection de leur aïeul et lui rendre hommage par la même occasion : c’est ce désir qui sera à l’origine de cette exceptionnelle exposition sur les quatre étages de ce bâtiment en forme de bateau créé par Frank Gehry pour la fondation Louis Vuitton.

  

Inutile de vous décrire l’immense bonheur de découvrir les incroyables chefs-d’œuvre de cette collection hors du commun…

                                         
                                         Sergueï Ivanovitch Chtchoukine

                                    

3 commentaires:

  1. Cette expo doit être exceptionnelle, en effet et j'espère pouvoir la voir très prochainement.
    Dans le chapitre expo, une autre, beaucoup plus modeste, certes, mais très intéressante,celle du FDAC, à l'Hôtel du département et aux archives d'Alençon.Pour une " bas-normande " c'est incontournable, non ?

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  2. Merci Mary pour cette info! Je note! C'est promis, j'irai!

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  3. Super cette expo que je suis allée voir le 18 décembre et découvert à la Fondation Vuitton .

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